Culture
le mercredi 22 novembre 2017
Modifié à 14 h 33 min le 29 décembre 2020
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

HUMOUR. Dans le deuxième one man show de François Bellefeuille, son personnage scénique qui était «une version exagérée de mes 35 premières années» évolue pour devenir… une «version exagérée du nouveau papa». Dans François Bellefeuille, le plus fort du monde, l’humoriste se permet d’aborder des sujets plus personnels de sa vie, inspiré par sa nouvelle réalité de papa de deux enfants. «Ma vie a changé, alors je n’avais pas le choix d’en parler. Mon personnage était un éternel célibataire, alors il change et ça fait du bien», souligne-t-il. Celui qui a remporté le Félix du Meilleur album/DVD humour pour son premier spectacle s’est tout de même fait un point d’honneur d’aborder le sujet d’un point de vue original, sans tomber dans le récit du quotidien de la paternité. «Je voulais que mon style évolue et j’ai trouvé ma façon de le faire. Ça passe par l’introspection, par l’autodérision. Puis, en parlant de mes enfants, mon personnage scénique prend une épaisseur de vrai, il se rapproche de moi, mentionne-t-il. On approche une certaine profondeur, même si on ne se lance pas dans les grosses réflexions. Personne ne va sortir du show on se disant que ç’a changé sa vie!» Néanmoins, cette proximité entre la vie de l’humoriste et du personnage donne ce caractère de vérité, qui permet d’aborder les choses plus importantes. Au fil des représentations du premier show, qui a vendu pas moins de 300 000 billets, le personnage s’est peaufiné. Et les deux derniers mois de rodage du deuxième spectacle ont permis de travailler ces petits détails qui changent la donne. Le texte est maintenant pratiquement final; ne reste que des éléments de mise en scène à retoucher. «Je crois à la théorie de Ericsson qui dit que tu deviens excellent après avoir passé 10 000 heures à faire quelque chose, affirme celui qui se décrit comme un perfectionniste. On se rapproche tranquillement de la perfection. Je l’aurai peut-être atteint la journée avant de mourir!» Plus grande sensibilité François Bellefeuille admet que de faire des blagues qui suscitent l’inconfort ou qui divisent la salle n’a jamais été son «terrain de jeu» de prédilection, même s’il est conscient que la colère qu’exprime son personnage peut rendre certaines personnes inconfortables. Il précise d’ailleurs avoir appris à «moduler» son personnage, s’approchant davantage d’une certaine énergie que de la colère. «Il est mieux dosé», estime-t-il. François Bellefeuille n’hésitera pas non plus à retirer une blague de son spectacle s’il sent qu’elle est mal perçue. «Je n’irai pas au bat, jusqu’à la mort pour un gag.» D’ailleurs, le contexte des dernières semaines l’a amené à retirer une blague, «et c’est tant mieux», admet-il. «Dans ce gag, je disais que j’avais toujours de la difficulté à me présenter une première fois à des gens, que je ne savais quand serrer la main, quand donner les becs… et quand sortir la langue. Mon personnage est plus fou qu’autre chose. Ce n’est pas un maniaque sexuel, mais les gens ne le percevaient pas de même.» Il est convaincu que la vague de dénonciations contre Gilbert Rozon et Éric Salvail permettra d’améliorer les conditions de travail des femmes humoristes et facilitera davantage les dénonciations de comportements répréhensibles. «Éventuellement, ça pourrait aussi changer les messages de notre humour, plus progressivement. Les gens sont plus sensibles, ne veulent pas rire de tout. Ça semble là pour rester, et j’en suis très content.» «Pour le moment, je suis à l’écoute de mes amies humoristes femmes, qui guideront la voie», conclut-il.   Affaire Guy Nantel Selon François Bellefeuille, l’affaire Guy Nantel n’a rien à voir avec ce qu’a vécu Mike Ward en 2016, au Gala Les Olivier. De nombreux humoristes étaient monté sur scène avec un masque sur la bouche pour protester contre le retrait d’un numéro mettant en vedette Mike Ward et Guy Nantel. Ces dernières semaines, seul Mike Ward a ouvertement pris la parole sur les menaces de mort qu’a reçues Guy Nantel en lien avec des blagues sur Alice Paquet et la culture du viol. «Personnellement, je ne vois pas où la liberté d’expression a été brimée pour Guy Nantel. Il n’a rien changé à son texte, il a eu beaucoup de publicité avec ça, fait-il remarquer. Il a reçu une menace de mort par quelqu’un qui semble troublé psychologiquement. Oui, ça n’a pas de bon sens. Guy peut être provocant sur scène – et je n’ai rien contre ça  –, mais il doit bien être habitué aussi d’avoir des gens contre son opinion. C’est un faux scandale.»   François Bellefeuille est en spectacle du 22 au 25 novembre au Club DIX30.