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Ottawa: 7000 voix à la défense de la presse écrite

le mercredi 14 février 2018
Modifié à 16 h 29 min le 14 février 2018
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Fédération nationale des communications MOBILISATION. Le gouvernement doit instaurer des mesures d’urgence telles que le crédit d’impôt sur la masse salariale afin de venir en aide à la presse écrite, qui vit une «crise sans précédent» et peine à tirer son épingle du jeu entre les géants du web et la perte de revenus publicitaires. C’est le message que la Fédération nationale des communications (FNC-CSN) a lancé au gouvernement Trudeau à l’occasion d’une Journée d’amour pour l’information, le 14 février. À cette occasion, des journalistes d’un peu partout au Québec sont allés à la rencontre de la population pour lui expliquer leur métier. «Nous avons plus à perdre de laisser des salles de presse fermer plutôt que d’agir», a signifié la présidente de la FNC-CSN Pascale St-Onge, lors d’un point de presse au Parlement. Elle a rappelé qu’entre 2009 et 2015, 43% des emplois dans la presse écrite au Québec ont disparu. Au Canada, 27 quotidiens et 275 hebdomadaires ont fermé leurs portes au cours de la même période. Mme St-Onge était accompagnée pour l’occasion du président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) Stéphane Giroux, de la présidente de la CSN Caroline Senneville et de l’ancien journaliste à La Presse et directeur principal chez Tact Conseils Vincent Marissal. Ils proposent notamment que le gouvernement mette en place, et ce, dès le prochain budget qui sera présenté le 27 février, un crédit d’impôt sur la masse salariale, afin de «maintenir les effectifs en place et même de réengager à la suite des compressions», souligne Mme St-Onge. Il s’agirait d’une mesure temporaire, chiffrée à 270 M$ par année pour l’ensemble du Canada, afin de laisser le temps aux médias écrits de trouver des solutions à long terme. Droit de presse La présidente de la CSN Caroline Senneville a fait valoir l’importance d’une presse de qualité dans une démocratie, alors que le droit de presse est inscrit dans la Charte canadienne des droits et libertés, et est ainsi un droit fondamental. «Les médias ne sont pas une business comme les autres», a-t-elle insisté. «La presse écrite est souvent la base de l’écosystème journalistique, les nouvelles souvent reprises sur d’autres plateformes. Si cette base de l’écosystème est en péril, c’est toute la structure qui est à notre sens en danger», a-t-elle ajouté. Elle a nommé les récentes enquêtes concernant des cas d’agressions sexuelles ou encore le travail journalistique ayant mené à la Commission Charbonneau comme des exemples de dossiers qui ont amené des changements qui n’auraient pas été possibles sans une presse libre. Au-delà de l’aide «Comme ancien journaliste, je ne pensais pas me retrouver ici à faire un plaidoyer pour la survie de la presse écrite, a lancé Vincent Marissal. Oui, ça prend une aide, mais aussi un statement du gouvernement, qui affirme que la presse écrite libre et forte est un enjeu essentiel dans la roue de la démocratie.» En réponse aux explications de la ministre Mélanie Joly qui parlait de la presse écrite comme d’un «modèle qui ne fonctionne plus», l’ancien journaliste a affirmé qu’il ne fallait pas jeter le bébé avec l’eau du bain. «Ce n’est pas parce qu’un modèle économique ne fonctionne plus qu’on n’a plus besoin de journalistes.» Pour illustrer la crise que vivent les journaux, le président de la FPJQ a pour sa part fait mention d’administrations municipales qui constatent qu’il n’y a plus de journaux locaux afin d’informer la population des enjeux de la communauté. «On entend parfois "On n’a pas besoin de journaux, on a internet". C’est comme si on disait "On n’a pas besoin de l’agriculture, on a les supermarchés". Ça ne fonctionne pas, a tranché Stéphane Giroux. Nous avons besoin des professionnels de l’information.» Questionné quant à la façon de garantir une indépendance de presse si le gouvernement octroie une aide aux médias écrits, M. Giroux a fait valoir qu’un fonds d’aide, tel que proposé, est «à l’abri de la partisanerie». À la recherche d’appuis Pascale St-Onge affirme avoir eu des discussions avec la ministre de la Culture et du Patrimoine Mélanie Joly, mais davantage est attendu du gouvernement. Le député de Longueuil–Saint-Hubert Pierre Nantel a donné son appui dès le début à la pétition de la FNC et, à son initiative, a organisé cette journée en appui à la presse écrite. Vincent Marissal a souligné que le mouvement a reçu l'appui de députés de tous les partis et que l'accueil a été chaleureux de la part de tous les caucus. «Il reste à agir avant qu'il ne soit trop tard», a-t-il rappelé, affirmant qu’il continuera à talonner le gouvernement. [caption id="attachment_45757" align="alignnone" width="521"] Le député de Longueuil–Saint-Hubert Pierre Nantel[/caption] À la période de questions en Chambre, Pierre Nantel a interpellé le premier ministre Justin Trudeau au sujet de ce que son gouvernement est prêt à faire en matière de mesures d’urgence pour venir en aide aux médias écrits. Le député a évoqué la pétition Presse écrite en danger – Le gouvernement doit agir, rassemblant quelque 7000 signatures, dont plusieurs organisations et personnalités publiques telles qu’Alexandre Taillefer, Jean-Martin Aussant, Boucar Diouf, Fred Pellerin, Marie-France Bazzo, Vincent Graton et Marc Labrèche. Justin Trudeau a rappelé les 675 M$ versés à CBC/Radio-Canada, grâce auxquels des journalistes couvrent maintenant des territoires où il n’y avait auparavant pas de présence journalistique, ainsi que le Fonds canadien des périodiques. «On va s’assurer qu’il répond au besoin d’information locale», a-t-il avancé. Nous savons qu’il y a plus à faire, mais on va s’assurer de travailler avec les organisations.» Tous les députés étaient par ailleurs invités à rencontrer des journalistes et représentants des médias après la période de questions afin de discuter des enjeux qui touchent le monde de l’information. Des élus et sénateurs, dont André Pratte, ont échangé sur le sujet.