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Privé de son brevet de financement, Philippe Guertin quitte la compétition

le jeudi 14 décembre 2017
Modifié à 14 h 17 min le 14 décembre 2017
Le nageur de l’arr. de Saint-Hubert Philippe Guertin, triple médaillé du 32 km et champion du 10 km FINA 2016 de La Traversée du Lac Saint-Jean, quitte la compétition. Dépouillé de son brevet de financement pour 2018 par Natation Canada, une nécessité pour viser les Jeux olympiques de 2020, il se tournera vers le marché du travail, après une longue période de réflexion. À 26 ans, le diplômé en comptabilité de l'UQAM débutera un stage dans une firme de prestige en janvier, une opportunité en or après une saison trouble avec le nouvel entraîneur-chef de la natation en eau libre au Canada Mark Perry.   La contestation ne valait plus la peine «Richard Weinberger et moi pouvions rivaliser avec les meilleurs nageurs mondiaux aux Jeux olympiques de 2020, mais la philosophie de Perry d’envoyer les meilleurs nageurs de 1500 mètres en piscine au 10 km en eau libre a changé la donne, indique d’entrée de jeu Philippe Guertin, en entrevue au Courrier du Sud. J'avais le sentiment de me battre contre Natation Canada plutôt que de nager pour mon pays.» «La dernière année m'a montré comment Natation Canada est indifférente à la nage en eau libre, poursuit-il. Les premières semaines suivant mon courriel de perte de brevet le 14 septembre ont été très difficiles. J'aurais pu demander une révision de mon dossier, comme l'a fait Weinberger, mais après six ans à bien représenter le pays, me battre pour retourner sous la supervision d'un entraîneur n'aidant pas les nageurs d'eau libre naturels n'avait pas de sens. Mon stage dans une entreprise où je rêvais d'être sera plus inspirant.»
«J'espère que ma mésaventure n'arrivera pas à d'autres athlètes. Je pars la tête haute. Je remercie sincèrement tous ceux qui m'ont aidé, mes parents et amis, mes deux entraîneurs de CAMO, Claude St-Jean et Dominique Longtin, et l'organisation de La Traversée du Lac Saint-Jean. Je ne nagerai pas en juillet 2018, mais je serai disponible pour aider l'organisation.» -Philippe Guertin
Incompréhension Lui-même un excellent nageur de 1500 mètres – il a inscrit le record provincial de 15min 24s en 2015 ‒, Guertin ne comprend pas qu'on n'ait pas aidé des nageurs à maturité comme lui tout en développant de nouveaux talents pour le futur. «Le meilleur nageur canadien actuel au 1500 mètres est Eric Edlin, mais je le battais à toutes les courses de 10 km, comme quoi la théorie de Perry n'est pas prouvée. Pire, pour les championnats Pan Pacifique 2018 [tenus à tous les quatre ans], parmi les deux Canadiens qui seront choisis pour le 10 km en eau libre, le premier sera le meilleur nageur de 1500 mètres en piscine. Si j'étais encore actif, je serais très fâché. Je n'en reviens pas qu'on accepte ça.» Au club CAMO de Montréal, l'entraîneur Claude St-Jean, qui a formé Guertin, a confirmé qu'il ne reste plus de nageurs en eau libre. Une autre athlète élite, la Manitobaine Breanne Siwicki, meilleure canadienne du 10 km de Roberval cet été, a annoncé sa retraite le 13 novembre, dénonçant des promesses non tenues par Natation Canada. «Dans mon cas, je ne sentais pas un vrai soutien d'athlète, poursuit Guertin. L'obligation d'un top 16 aux Mondiaux, à trois ans des Jeux olympiques, nous obligeait à nager en fonction des brevets plutôt que de prendre des risques et viser un podium. Voir ma seule autre chance de brevet se faire annuler sans que ce soit pris en compte et être exclu du brevet sans autre explication est un manque de respect.» Un avenir pour les longues distances? Le nageur de Saint-Hubert déplore le manque de reconnaissance des épreuves de longue distance par Natation Canada. «J'ai fait le 10 km comme prévu aux Mondiaux de Hongrie, mais qu'on ne m'ait pas laissé nager le 25 km trois jours plus tard pour arriver plus tôt à La Traversée du Lac Saint-Jean ne tient pas la route. Après ma 9e place de 2013 à cette distance, mon entraîneur Claude St-Jean et moi visions un podium. J'attendais ça depuis quatre ans. Pourtant, le Vénézuélien Guillermo Bertola a participé au 10 km du 18 juillet et au 25 km du 21 juillet de Hongrie avant de me devancer au 32 km à Roberval le 30 juillet [il s'était caché dans le peloton que Guertin avait mené de bout en bout].» Guertin dit n'avoir reçu aucune aide de Mark Perry. «Il nous accompagnait, c'est tout. Après le 10 km des Mondiaux, il ne nous a donné aucun feedback, aucune observation. Sa vision de l'eau libre semble se limiter au 10 km olympique. Je ne suis pas certain non plus si nous sommes bien servis par les structures. Aux essais américains de mai en Californie, pas moins de sept accompagnateurs ont fait le voyage d'une semaine complète avec les six athlètes de l'équipe nationale canadienne. Certains se cherchaient des choses à faire. Pourquoi payer de tels voyages à sept personnes et limiter le nombre de brevets aux athlètes? Par contre, au Lac Saint-Jean, Perry est venu seul. Pire, il est reparti avant l'épreuve reine, le 32 km, où plusieurs athlètes du Québec et du Canada étaient en action. Je ne me suis pas laissé distraire par ça et j'ai bien fait ma course, mais avec du recul, je trouvais cela regrettable, voire irrespectueux. Est-il l'entraîneur en chef de l'eau libre ou du 10 km?»