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Récit d'un rescapé de l'enfer carcéral vénézuélien

le vendredi 17 novembre 2017
Modifié à 16 h 45 min le 17 novembre 2017
Par Sarah Laou

slaou@gravitemedia.com

LIVRE. L'affaire a fait les manchettes en 1995. Stéphan G. Zbikowski, 32 ans, avait été intercepté à la douane vénézuélienne avec 543 kilos de cocaïne et détenu durant trois ans dans le pire pénitencier du pays. Plus de 20 ans après les faits, celui qui a toujours clamé son innocence raconte son cauchemar dans un livre. Stéphan G. Zbikowski pensait démarrer une carrière prometteuse dans le concassage du quartz au Venezuela avec sa famille avant d'être arrêté, le 16 décembre 1994, à Puerto Cabello, avec une douzaine de barils contenant de la drogue, qui y aurait été placée à son insu. Dès lors, la vie du Brossardois sans passé judiciaire a viré au drame. Considéré par les autorités vénézuéliennes comme le plus important trafiquant de drogue de l'histoire du pays, Stéphan G. Zbikowski a intégré le quartier des dangereux meurtriers et criminels de la prison La maxima de Carabobo, surnommée El Monstro (Le Monstre). Trois ans de cauchemar Témoin d'atrocités, battu et enfermé dans des conditions inhumaines, le Québécois désormais quinquagénaire garde un souvenir traumatique de son passage dans la prison de Tocuyito. Ce pénitencier à sécurité maximale situé à quelques kilomètres de Valencias est l'un des plus violents et insalubres au monde. «On ne peut pas imaginer la barbarie qu'il y a dans ces prisons, soutient Stéphan G. Zbikowski. Dans les pénitenciers du Québec, il y a une justice et des lois qui respectent et protègent les gens. Là-bas, la corruption gangrène le système judiciaire, les personnes en charge des lois et la police. Tout s'achète. C'est difficile d'expliquer cette brutalité quotidienne, c'est hors de toute logique.» L'ouvrage dépeint ainsi les lits en béton, les murs jaunis bardés d'excréments, la malnutrition, les cris des prisonniers assassinés par d'autres, les tortures et autres châtiments infligés par les gardes. Condamné à 10 ans de prison, Stéphan G. Zbikowski aura finalement passé trois ans au beau milieu des coquerelles et des rats, mais aussi de détenus instables et armés, dans une minuscule cellule sans lumière ni toilettes. Après son extradition vers le Québec en 1997, la Commission des libérations conditionnelles lui a finalement rendu sa liberté au bout de quelques mois, faute de preuves.
«Je voulais rester sain d'esprit et retravailler tout de suite. Je ne voulais être un fardeau pour personne et surtout, que la vie normale reprenne son cours…» - Stéphan G. Zbikowski
«Je veux que les gens sachent…» Il aura donc fallu 20 ans à Stéphan G. Zbikowski, qui a écrit ce qu'il vivait au jour le jour en prison, avant que les éditions JCL n'acceptent de publier son histoire.«Après ma libération, j'en parlais à tout le monde et je voulais publier ces mémoires, mais les gens ne me croyaient pas. Ils pensaient que j'exagérais. Alors, j'ai arrêté d'en parler, explique-t-il. Au Québec, on ne se rend pas compte à quel point il y a des choses qui dépassent l'entendement dans le monde. Je voulais que les choses se sachent et qu'on puisse être conscients que cette barbarie existe toujours.» Divorcé et père de quatre enfants, il décrit également dans son ouvrage comment la lecture de la Bible lui a permis de tenir bon durant cette épreuve. Il a d'ailleurs tout de suite pu se réinsérer dans la société québécoise à sa sortie de prison. «C'est très difficile de me faire passer une mauvaise journée, confie-t-il. Je m'énerve rarement et je reste zen la plupart du temps. Je crois que rien ne peut être pire que ce que j'ai vécu. Alors j'essaye seulement de profiter de la vie et de l'apprécier.» Après avoir été vendeur dans une entreprise funéraire et repris une société d'import-export, il est désormais à son compte et réalise des travaux en électromécanique.