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La seule clinique spécialisée en douance a pignon sur rue à Saint-Lambert

le mercredi 22 novembre 2017
Modifié à 16 h 00 min le 22 novembre 2017
Par Sarah Laou

slaou@gravitemedia.com

DÉVELOPPEMENT. Cela fait 10 ans que la psychologue experte en douance Dre Marianne Bélanger a fondé la clinique privée Douance – Haut-potentiel à Saint-Lambert, affiliée à la clinique TDAH Montérégie. Il s'agit de la seule clinique de la province à se consacrer aux individus intellectuellement précoces et en souffrance. Voir aussi : Enfants surdoués : un manque criant de structures adaptées sur la Rive-Sud La douance reste méconnue d’une grande majorité de professionnels de la santé et de l’éducation Programme spécial pour ados doués à la Commission scolaire Riverside Des jeunes viennent d'un peu partout au Québec pour consulter la Dre Bélanger. Ils attendent souvent près de 10 mois pour une première consultation. La plupart d'entre eux présentent ce que la psychologue appelle un «double diagnostic», c’est-à-dire un trouble de la santé mentale associé à une précocité intellectuelle.
«Chaque mois, j'enlève environ dix diagnostics de TDAH à mes jeunes patients doués.» - Dre Marianne Bélanger, psychologue.
«Il y a une souffrance énorme chez ces enfants qui sont mal diagnostiqués alors qu'ils pourraient évoluer sans avoir à souffrir de leur différence en étant accompagnés convenablement», constate Dre Bélanger. Doués et en détresse La psychologue est souvent confrontée à des cas graves de dépression chez de très jeunes enfants. «On imagine les enfants doués comme des premiers de classe, mais la majeure partie du temps, ce sont des enfants qui ne parviennent pas à se faire comprendre des autres et se sentent rejetés. Ce sont aussi des enfants qui peuvent se retrouver avec de mauvais résultats scolaires ou des troubles de l'attention et du comportement s'ils ne sont pas pris en charge. Et malheureusement, ces enfants feront des adultes qui n'auront pas développé leur potentiel et seront sous antidépresseurs.» «Quel gâchis, en plus de coûter cher à la société québécoise! déplore Marianne Bélanger. En termes de frais de santé, de décrochage scolaire et de personnes qui ne contribuent pas à la société comme elles le devraient, la perte est colossale, même si elle n'est pas recensée.» Cachez cette douance que je ne saurais voir Selon la psychologue, le Québec n'a pas suivi la vague des recherches scientifiques sur les enfants doués qui a déferlé dans les années 1980. «On peut l'expliquer d'un point de vue historique, croit la spécialiste en douance. Il existe un vrai tabou de l'enfant doué et qui s'inscrit dans les valeurs judéo-chrétiennes québécoises. Des initiatives avaient pourtant été lancées dans la province au même moment que celles pour les enfants souffrants de TDAH, mais cela n'a rien donné.»
«Le Québec a plus de 10 ans de retard sur le reste du Canada, les États-Unis et l'Europe en matière de douance.» - Dre Marianne Bélanger
En faisant allusion aux «guerres idéologiques et syndicales des années 1970-1980», elle pointe notamment du doigt certains essais, comme celui du sociologue Jocelyn Berthelot sur l’école démocratique, Une école de son rang, paru en 1987 et qui, selon cette dernière, a été représentatif des mentalités faisant obstacle aux avancées en matière de douance. Les thèses qui y étaient avancées reposaient sur l'idée qu'en s'occupant des doués, on en ferait des élites, légitimant ainsi les inégalités, et qu'il ne fallait donc pas aider les plus «favorisés». Pour la psychologue, cela a porté un grand préjudice à ces enfants. «Beaucoup de professionnels sont désormais stupéfaits de constater qu'en Amérique du Nord et en Europe, il existe près d'une dizaine de revues scientifiques spécialisées sur la douance. Même la Nouvelle-Écosse s'est dotée d'un programme et il y a des dizaines de classes en Ontario depuis plusieurs années.» Vers un changement des mentalités Marianne Bélanger a toutefois beaucoup d'espoir et croit notamment en la nouvelle Politique de la réussite éducative mise en place par le gouvernement en juin et qui tient compte des hauts potentiels. Celle qui a créé il y a quelques mois l'Association québécoise pour la douance (AQD), un regroupement de spécialistes, a également déjà formé près de 25 psychologues scolaires à la douance et ne ménage pas ses efforts pour sensibiliser la population. «J'attendais le bon moment pour lancer l'Association. Je crois que le Québec est prêt à connaître les doués. Et nous allons le faire tranquillement pour qu'enfin, on puisse changer les regards et les mentalités sur la douance au Québec», conclut-elle.