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Un système de collusion aurait été en place à Longueuil de 2002 à 2009

le mardi 23 janvier 2018
Modifié à 7 h 00 min le 23 janvier 2018
CONTRATS. Un large système de collusion aurait sévi à la Ville de Longueuil, sous l’administration des ex-maires Jacques Olivier et Claude Gladu. Une enquête menée par le syndic de l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) révèle que cinq firmes se sont réparti la presque totalité des contrats municipaux de génie à la Ville de 2002 à 2009. Grâce à des cotisations récurrentes à une caisse occulte du Parti municipal de Longueuil (PML), les firmes SNC-Lavalin, Consultants S.M., Dessau, Cima+ et Genivar se seraient assurées d'obtenir la part du lion des contrat municipaux de Longueuil durant cette période. Selon un témoignage du syndic adjoint de l'OIQ Réal Giroux, les cinq firmes de génie fournissaient annuellement une importante somme d'argent, allant de 5000$ à 25 000$, à une caisse occulte du PML. En plus de cette somme, les firmes devaient participer à plusieurs événements organisés par la Ville, tels que des tournois de golf. En retour, les firmes étaient considérées afin d'obtenir leur part des contrats de la Ville. Toujours selon le témoignage de Réal Giroux, les cinq firmes étaient divisées en trois «clubs», classés de A à C. Les membres du club A – Dessau et Consultants S.M., les plus généreux donateurs – héritaient de la part la plus importante des contrats municipaux. Grâce à ce stratagème «bien rodé», les firmes recevaient des contrats au prorata de leur contribution. Les firmes gagnantes étaient ainsi désignées d'avance. Influence politique Ce système de collusion aurait été orchestré principalement par deux organisateurs politiques du PML de l’époque, André Létourneau et Serge Sévigny. Selon le syndic de l'OIQ, MM. Létourneau et Sévigny s'assuraient que chaque firme reçoive sa «juste part» des contrats. «Ce sont Sévigny et Létourneau qui menaient la barque!» soutient Réal Giroux. Les échanges entre la Ville et les firmes collusionnaires se faisaient uniquement par téléphone et jamais par courriel, afin de «ne pas laisser de trace». Des rencontres privées avaient également lieu au club de golf Le Parcours du Cerf, dont MM. Létourneau et Sévigny ont successivement occupé la direction. [caption id="attachment_44926" align="alignnone" width="521"] Bien que le système ait été en place sous le règne de Jacques Olivier et de Claude Gladu, aucun indice ne permet de démontrer que les ex-maires étaient impliqués ou même au courant de la collusion.[/caption] Changement de garde L'enquête du syndic de l'OIQ a révélé que le système de collusion a pris fin en 2009, au lendemain de l'élection de Caroline St-Hilaire à la mairie de Longueuil. Selon le témoignage de l'ancien directeur du génie de la Ville Christitan Fallu, Mme St-Hilaire a mis fin à cette façon de faire dès son entrée en fonction. «Elle a mentionné qu'elle n'avait ''pas d'amis dans les firmes de génie'', soutient M. Fallu. Pour cela, je l'en remercie.» Pas d'accusation criminelle À cette heure, aucune accusation criminelle n'a été déposée dans ce dossier. Cependant, deux ex-patrons de firmes ainsi qu'un ancien haut fonctionnaire de Longueuil ont déjà plaidé coupables devant l'OIQ d'avoir participé à ce système de collusion. L'ancien président de Dessau Rosaire Sauriol a admis à l'OIQ avoir versé des pots-de-vin à Longueuil afin que son entreprise puisse participer aux appels d'offres sur les contrats de génie. Par ailleurs, comme le rapportait Le Courrier du Sud le 10 décembre, le Conseil de discipline de l’OIQ a condamné l'ingénieur Réal Thériault à une amende de 10 000$ pour avoir participé à un système en vue d’obtenir des contrats de Longueuil. Réal Thériault a été reconnu coupable d’avoir contrevenu à plusieurs articles du Code de déontologie des ingénieurs en s’engageant à verser une commission à un responsable d’un parti politique afin que sa firme obtienne des contrats. Les faits reprochés à Thériault se sont déroulés entre 2000 et 2004, alors qu’il était président de la firme Progemes. L'ancien directeur général de Longueuil Guy Benedetti est de plus accusé par son ordre professionnel d'avoir pris part à un procédé malhonnête et douteux, ainsi que d'avoir fait preuve d'un manque d'intégrité dans le cadre de ses fonctions. M. Benedetti a plaidé non coupable à ces accusations et nie avoir eu connaissance ou avoir pris part à un système collusionnaire. Plusieurs autres comparutions devraient avoir lieu devant le comité de discipline de l'OIQ dans ce dossier au cours des prochaines semaines. Les firmes divisées en «clubs» Club A: Dessau, Consultant S.M. Club B: Cima+, Genivar Club C: SNC-Lavallin Réaction de Longueuil L’administration actuelle de Longueuil a réagi à ces allégations de collusion par voie de communiqué, le 15 janvier. «La Ville réitère sa volonté de lutter contre toutes les formes de collusion et poursuivra sans relâche ses efforts afin de mettre en place des mesures pour se prémunir contre de telles pratiques, comme la mise en place d’un Bureau d’inspection contractuelle, prévue en 2018», précise-t-elle. La Ville souligne également qu’aucune des personnes mentionnées dans le dossier n’est présentement à l’emploi de Longueuil. «Le processus actuel d’octroi de contrats répond à tous les standards et exigences en la matière. Longueuil a également collaboré activement à toutes les enquêtes concernant de possibles malversations commises, lorsqu’elle a été sollicitée par les autorités compétentes.»