Justice
Faits divers

Un ado isolé pendant quinze jours par son Centre jeunesse

le mardi 29 décembre 2015
Modifié à 0 h 00 min le 29 décembre 2015

Un adolescent qui devait être protégé par la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) a été enfermé dans une pièce sans meubles ni fenêtres pendant quinze jours par le Centre jeunesse de la Montérégie. Une mesure qui a sérieusement brimé les droits du jeune, selon la juge Mireille Allaire.

Le cas du jeune, surnommé Jonathan par le quotidien La Presse, était assez exceptionnel, selon les témoignages des différents intervenants à la Cour du Québec, Chambre de la jeunesse. Jonathan était hébergé au Centre jeunesse à la fois en tant que jeune à protéger de la violence familiale et en tant que jeune contrevenant. Il a notamment causé une commotion cérébrale à un agent de sécurité du Centre alors qu'il était en pleine crise de violence.

Après plusieurs épisodes d'agressivité échelonnés sur dix mois, il est enfermé dans la salle d'isolement en novembre 2014. Il en sortira seulement deux semaines plus tard, plusieurs jours après que l'avocate de Jonathan ait déposé une requête à la Cour pour dénoncer l'atteinte à ses droits fondamentaux, alors que l'isolement est censé être une mesure d'exception.

Pendant cette période, il ne reçoit aucun service de réadaptation, n'a accès à aucun divertissement et aucune activité ne lui est offerte.

Une mesure punitive

Ce n'est qu'après quatre jours d'isolement que son cas est porté à l'attention de la Directrice de la protection de la jeunesse afin de réévaluer la situation.

«Après 24 ou 48 heures d’isolement, ce qui en soi aurait été une durée exceptionnelle, l’alerte aurait dû être donnée aux décideurs du centre et à la Directrice de la protection de la jeunesse, écrit la juge Allaire. Une réunion et une discussion des différents intervenants auraient dû se tenir, d’urgence, afin de réorienter Jonathan vers un lieu approprié à ses besoins et au respect de ses droits (…).»

De plus, le cas de Jonathan aurait dû être réévalué localement par le Centre jeunesse toutes les deux heures, plutôt qu'aux 24 heures comme ce fût le cas. La juge souligne que l'isolement doit être utilisé seulement pour permettre au jeune de contrôler sa crise, et celui-ci doit en sortir dès qu'il n'est plus un danger pour soi ou pour les autres.

La juge estime que le Centre a utilisé l'isolement pour punir Jonathan, plutôt que pour des questions de sécurité, portant ainsi atteinte à ses droits.

Forcé à laver son urine

L'avocate du jeune a dénoncé plusieurs atteintes à ses droits fondamentaux. Le Centre aurait notamment refusé de l'amener à la salle de bain. Lorsqu'il a uriné dans la salle d'isolement, on l'a forcé à nettoyer son urine, le privant ainsi d'une de ses rares sorties de 30 minutes.

Selon le Centre jeunesse, on a demandé à Jonathan d'attendre quatre minutes, le temps qu'un intervenant se libère. Le jeune allègue plutôt avoir attendu plus d'une heure.

Jonathan n'a pas non plus mangé de repas chaud pendant toute sa période d'isolement, étant nourri presque uniquement de sandwichs et de céréales. Selon le Centre, il était dangereux de lui donner des ustensiles, mais la juge Allaire ne le voit pas ainsi.

«Qu’un jeune en isolement mange de la nourriture froide, n’est pas, selon la Cour, un manquement au respect de ses droits, mais qu’il soit soumis à ce traitement durant deux semaines le devient», indique-t-elle dans son jugement.

Travailleur social blâmé

Le travailleur social chargé du suivi de Jonathan, selon l'ordonnance de protection, a aussi été pointé du doigt par la juge pour son inactivité face à ce jeune, qui connaît d'importants problèmes. Il est suivi en pédopsychiatrie depuis l'âge de six ans, et il a été abandonné par sa mère.

Jonathan aurait demandé de voir le travailleur social dès sa mise en isolement, et ce, à plusieurs reprises. Celui-ci tente de lui téléphoner à quelques reprises et prend finalement rendez-vous avec lui neuf jours après sa mise en isolement. Il rate toutefois le rendez-vous, et ne le voit que deux semaines plus tard.

De plus, il n'a jamais mis en œuvre le plan d'intervention qu'il a préparé pour Jonathan au mois d'août 2014, et ne le voit qu'aux six semaines, lors de ses rendez-vous médicaux. Selon la juge Allaire, cela contrevient à ses obligations envers le jeune en vertu de l'ordonnance de protection.

L'avocate de Jonathan a demandé une lettre d'excuses de la part du Centre jeunesse de la Montérégie. La juge Allaire a toutefois conclu que ce n'était pas nécessaire, puisque le jeune a atteint ses 18 ans depuis ces événements. Il n'est donc plus protégé en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse. Il a été transféré dans un institut de santé mentale, et y demeure volontairement.

Selon La Presse, le Centre jeunesse de la Montérégie applique désormais la recommandation d'avertir la Directrice de la protection de la jeunesse chaque 24 heures lorsqu'une telle situation se présente.

«On fait face à des jeunes qui portent de grandes souffrances, qui font face à de grandes difficultés. Je vous assure qu'on tente de les accompagner du mieux qu'on peut», affirme Josée Morneau, porte-parole de la DPJ.