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À la défense du lien précieux entre petits-enfants et grands-parents

le mardi 20 juin 2023
Modifié à 16 h 16 min le 19 juin 2023
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Daniel Bizier, Me Luc Trudeau et Viviane Arsenault, dans les bureaux de l’Association. (Photo: Le Courrier du Sud – Ali Dostie)

Ça arrive parfois du jour au lendemain : à la suite de la rupture d’un couple, grand-papa et grand-maman ne peuvent plus voir les petits-enfants. Avec les familles de plus en plus éclatées, cela se produit plus fréquemment. L’Association des grands-parents du Québec, à Longueuil, œuvre à défendre les droits des grands-parents, et des petits-enfants, à maintenir ce lien.

Avocat familialiste depuis 40 ans, Me Luc Trudeau est plus qu’au fait des enjeux qui sous-tendent ce genre de situations et des déchirements qu’elles peuvent produire.

Depuis les dernières décennies, la pyramide s’est inversée : du couple de grands-parents comptant de nombreux petits-enfants, on se retrouve avec un enfant autour duquel gravitent des parents, beaux-parents… et parfois plusieurs grands-pères et grands-mères. À cela s’ajoute le «cercle infernal de notre société», dit l’avocat, où l’horaire des enfants est bien rempli d’une foule d’activités. 

«Parfois, quand un nouveau conjoint arrive, on veut se centrer sur le couple et on fait table rase du reste. C’est triste, car les enfants ont créé des liens forts et ils ne comprennent pas pourquoi, tout d’un coup, ils ne voient plus papi et mamie, relève Me Trudeau. Cette coupure peut développer un accroc dans leur développement psychologique.»

Dans d’autres cas, la décision d’un parent de couper les liens peut survenir à la suite d’une thérapie qu’il a suivie.
«La majorité des cas, ce sont des problèmes non réglés à l’adolescence», cible Me Trudeau, qui plaide pour l’Association depuis 19 ans. 

«On le dit souvent, mais c’est vrai : si on ne sait pas d’où l’on vient, on ne sait pas où l’on va. On doit être profondément ancré dans l’histoire familiale.»
-Me Luc Trudeau

« Dévastés »

Les grands-parents prenant contact avec l’Association, qui a nouvellement pignon sur rue au Centre Véronneau dans l’arr. du Vieux-Longueuil, ont besoin d’être accompagnés et informés à propos de leurs droits.

L’Association offre notamment des cafés-rencontres ainsi que des conférences juridiques.  La ligne d’écoute devient la «porte d’entrée» de l’organisme. 

«Ils soumettent leur cas. Ils vivent une rupture, expliquée souvent par des choses capricieuses. Ils vivent de l’incompréhension et on essaie de voir ce qui s’est passé», expose Daniel Bizier, un des administrateurs de l’organisme.

Les grands-parents qui ont vécu une telle rupture «sont dévastés. Ils vivent une détresse qui affecte toute leur vie. Plusieurs hésitent et disent «je ne veux pas poursuivre mon fils, ou ma fille»», ajoute Me Trudeau. 

Article 611

Si ce sont les grands-parents qui doivent se présenter aux tribunaux, il ne s’agit pas d’une poursuite, précise toutefois l’avocat. 

L’article 611 du Code civil donne aux petits-enfants le droit de maintenir leur relation avec leurs grands-parents. 
Une modification de l’article, adoptée en juin 2021, insiste sur le meilleur intérêt de l’enfant. Sa mouture originale accordait une présomption favorable selon laquelle il était dans l'intérêt des petits-enfants de maintenir ce lien. Si les parents s’y opposaient, ils devaient faire la preuve d'un motif grave pour justifier leur position.

«Perdre la présomption, ce n’est pas agréable, reconnaît Me Trudeau. Mais qu’est-ce que ça change? Je ne pourrais pas le dire puisque peu d’articles 611 sont plaidés en un an.»

Il avance que l’article 33 du Code civil demeure la «pierre angulaire» des jugements : «Les décisions concernant l’enfant doivent être prises dans son intérêt et dans le respect de ses droits».

Collaboration et compromis

Mais il n’y a pas que la voie judiciaire. Me Trudeau affirme croire beaucoup en la négociation, qui peut résulter à un terrain d’entente.

Surtout, il insiste sur le fait que les grands-parents ne sont pas que «revendicateurs» mais cherchent surtout à collaborer à la vie de l’enfant, par leur présence :  «Nous pouvons les voir comme une aide supplémentaire, pas comme des gens qui s’imposent». 

Les actions de l’Association ne sont jamais menées contre les parents, mais bien pour le bien-être des enfants. «Nous sommes là pour les accueillir généreusement sans jugement et avec respect, soutient Viviane Arsenault, présidente de l’organisme.  Nos enfants sont ce que nous avons de plus précieux au monde, et nos petits-enfants sont leur prolongement, alors imaginez tout cet amour!»

Plus de 500 membres actifs

L’Association des grands-parents du Québec compte plus de 500 membres actifs, et a soutenu plus de 10 000 membres depuis sa fondation en 1990. Autrefois à Beauport, l’organisme a déménagé à Longueuil, un important bassin de leurs membres se trouvant dans le Grand Montréal. 

Revendications politiques

Les revendications politiques et représentations auprès de diverses instances font partie de la mission de l’Association. Me Luc Trudeau a entre autres participé aux commissions parlementaires sur la modification de la Loi sur la projection de la jeunesse et sur les dispositions législatives sur l’adoption.