À la mémoire de Nooran Rezayi : marche pacifique et lourde d'émotions
Environ 500 personnes ont marché en silence à la mémoire de Nooran Rezayi, depuis l’endroit où il a perdu la vie le 21 septembre jusqu'au parc Marcel-Simard, dans l’arr. de Saint-Hubert. En ce samedi ensoleillé, amis et membres de la famille ont livré des discours empreints d’émotions. L’appel au calme du Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL) aura été entendu, alors que l’événement s’est déroulé dans le calme. L’escouade anti-émeute a toutefois été vue sur place en fin d’après-midi.
La voix brisée par l’émotion, la sœur de Nooran s’est adressée à la foule massée sur le terrain de soccer du parc Marcel-Simard, au terme de la courte marche. Deux minutes de silence y ont été tenus en la mémoire de Nooran.
«Au nom de la famille, nous nous adressons à vous avec une douleur profonde et un chagrin indescriptible, a-t-elle exprimé dans un porte-voix, prenant une longue pause avant de poursuivre. Nooran était un jeune homme brillant, attentionné et profondément aimé. Sa présence apportait une chaleur et une lumière à notre quotidien. Cette lumière nous a été arrachée beaucoup trop tôt, dans des circonstances qu’aucun parent ne devrait jamais avoir à vivre.»
Ses parents à ses côtés, elle a décrit la mort de son frère comme une «tragédie collective».
La soeur de Nooran et ses parents (Photo : Le Courrier du Sud - Ali Dostie)
Elle a aussi témoigné du soutien et de la solidarité transmis par la communauté et les institutions, nommant au passage le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), qui «porte la lourde responsabilité de faire la lumière dans cette affaire, dans l'intérêt de la vérité et de la transparence».
«Que cette marche serve de message à nos dirigeants, nos institutions, à chacun d’entre nous. La sécurité de nos enfants n’est pas négociable, a-t-elle signifié. Leur vie est sacrée, ils doivent être protégés avec toute la bienveillance dont nous sommes capables.»
«La paix n’est pas un mot c’est une responsabilité.» -sœur de Nooran
Son discours a été suivi de ceux d’amis de l’adolescent, dont Norak, qui considérait Noran comme un frère. «Pour moi, c’était un membre de ma famille. Nooran avait toujours le sourire, il était toujours là pour consoler et comprendre une personne lorsqu’elle ne se sentait pas bien. Il avait un cœur pur et sain.»
«Il ne méritait pas de subir une telle chose. Pour toi mon frère, nous allons tout faire pour te rendre justice» a ajouté un camarade, avant de crier «Justice pour Nooran!», à l’unisson avec Norak et un ami.
(Photo : Le Courrier du Sud - Ali Dostie)
La sœur de Norak a raconté avoir remis à son petit frère, lorsqu’il était enfant, un livre sur les inégalités.
«Je savais au fond de moi qu’en grandissant, en devenant un adolescent et plus tard un jeune adulte, en tant que Maghrébin évoluant dans le Québec d’aujourd’hui, il avait vivre du racisme, il allait vivre du profilage racial. Je me devais de le préparer à cette réalité. Malgré toutes les précautions, nous ne sommes jamais préparés à une telle tragédie, celle de la perte d’un ami si cher sans des circonstances injustes. […] En rendant justice à Nooran, en réclamant la vérité, nous permettrons à une communauté de jeunes de garder la tête haute.»
Marche silencieuse et pacifique
Des dizaines de bénévoles, dossard sur le dos, se sont mobilisés pour la tenue de cette marche, qui était l’initiative de Mohamed, un ami de Nooran.
(Photo : Le Courrier du Sud - Denis Germain)
Des adolescents portant tous le même t-shirt affichant «Justice pour Nooran» et la photo de leur camarade, ont aussi été impliqués.
Parmi les marcheurs se trouvaient des gens de tous âges, de diverses communautés culturelles. Certains ont déposé des fleurs au mémorial qui ne cesse de grandir, sur la rue Joseph-Daigneault.
(Photo : Le Courrier du Sud - Ali Dostie)
«Police, cessez de tuer nos enfants», «Justice pour Nooran», «Nooran avait des rêves, pas des armes», «Ton rire et ta lumière restent gravés en nous» sont quelques exemples des messages sur les pancartes brandies par des participants.
«Notre famille est dévastée. Nous pleurons l’avenir qui lui a été arraché, et arraché à nous», a exprimé un proche, au nom du père de Nooran, Sharif Rezayi, avant le début de la marche.
(Photos : Le Courrier du Sud - Denis Germain)
Il a soutenu que c’est notamment grâce au soutien et à la solidarité reçus de la part d’amis, voisins, organisations et citoyens que la famille avait la force d’assister à l’événement.
«Cette marche n’est pas un acte de colère, a-t-il ajouté, un peu comme une mise en garde. Elle n’est dirigée envers aucune personne, aucune organisation, ni aucun service de police. Il s’agit d’un rassemblement pacifique, un appel à la réflexion, à la compassion et à la justice. Pas à la confrontation.»
Rappelons que vendredi, le SPAL avait exprimé le souhait que les rassemblements prévus cette fin de semaine en mémoire de Nooran Rezayi se déroulent dans le respect et le calme. Il avait appris que quelques individus pourraient chercher à provoquer des confrontations avec les policiers. Une autre marche, qui aboutira devant le quartier général du SPAL, et prévue dimanche. La famille n'a pas approuvé cet événement.
(Photo : Le Courrier du Sud - Ali Dostie)
Escouade anti-émeute
Aucun débordement n’est survenu durant l’événement.
À la fin de la cérémonie, des membres de la foule ont clamé des slogans davantage revendicateurs, tels que «Police assassine», «F*** the police», «No justice, no peace», au son d’un tam-tam. Certains d’entre eux étaient masqués.
L’escouade anti-émeute a toutefois été vue en fin d’après-midi. Un appel a été logé au 911, à propos d’«une altercation». Il n’y a eu aucune arrestation.
Sur sa page Facebook, le SPAL indique que la marche s’est tenue «dans le respect mutuel, le calme et la dignité».
« C’était juste un enfant »
Anciens combattant qui a livré deux missions en Afghanistan, Yves Généreux est de ceux qui tenaient à prendre part à cette marche. «Ça me touche beaucoup. Les jeunes ici n’ont pas à être confrontés à la force comme ça», a-t-il soutenu.
Cette triste histoire lui rappelle celle de Joyce Echaquan. «Il a fallu cinq ans pour savoir ce qui s’était vraiment passé. J’espère que là, nous le saurons plus rapidement», a-t-il indiqué.
Résidente du quartier, Annie Kaiser a pris part à la marche en compagnie de ses enfants.
Elle trouve difficile de se faire une tête sur ce qui s’est passé, étant donné le peu d’informations connues pour l’instant.
«J’ai des amis policiers et même eux, avec les informations que nous avons présentement, ne savent pas ce qu’ils auraient faits.»
Malgré tout, elle trouve «intense» qu’un policier ait tiré sur le jeune homme. «C’était juste un enfant.»