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À sens inverse sur la route 132: la septuagénaire pourrait faire face à une peine de 18 mois de prison

le jeudi 29 mars 2018
Modifié à 17 h 52 min le 29 mars 2018
Par Jonathan Tremblay

jtremblay@gravitemedia.com

Barbara Martin, reconnue coupable de négligence criminelle le 25 janvier, était de retour devant le tribunal du palais de justice de Longueuil jeudi matin, afin que procureur et avocat puissent suggérer une sentence au juge Marco Labrie. Le matin du 7 août 2015, Barbara Martin, alors âgée de 74 ans, circulait sur le boul. Marie-Victorin, à Brossard. Pour des raisons qui demeurent nébuleuses, rendue à l’intersection du boul. Matte, elle a pris la sortie de la route 132 à sens inverse et s’est retrouvée à contresens du trafic sur la voie rapide. Après une course de près d’un kilomètre, le véhicule de Mme Martin a heurté violemment une autre voiture, à la hauteur de La Prairie. L’accident a impliqué au total trois voitures et une moto. Des suggestions divergentes Les peines de négligence criminelle dans des cas semblables varient largement, allant de l’absolution conditionnelle à 18 mois d’incarcération. L’avocate de la défense Me Andrée Chiasson a suggéré au tribunal une peine d’emprisonnement de 90 jours discontinus, compte tenu que sa cliente n’est pas en mesure d’effectuer des heures de bénévolat en raison de son état de santé et de son âge. Elle a également soumis au juge que Mme Martin devrait recevoir une interdiction de conduire, elle qui n’a de toute manière pas l’intention de reprendre le volant, annulant par le fait même le risque de récidive. «Elle ne voulait pas faire de mal, son geste n’était pas prémédité, a fait valoir Me Chiasson. Mme Martin a démontré de l’empathie envers la victime et sa famille. Elle aimerait être plus autonome, mais elle comprend que ce n’est pas préférable à son âge. On remplit notre mandat de sécuriser le public en lui enlevant son permis.» Un problème de société La procureure de la Couronne Me Erin Kavanagh a déploré un problème de société et a suggéré pour la septuagénaire une peine d’emprisonnement de 18 mois, trois ans de probation et une suspension à vie de son permis de conduire. «Les personnes âgées sont sur les routes sans avoir les capacités de conduire. On doit lancer un message: si vous avez un permis, on présume que vous savez conduire, a-t-elle affirmé. La société doit savoir que ce sont les conséquences potentielles et qu’on est responsable de nos actions.» «La sévérité des blessures, de la douleur et des séquelles de la victime augmentent la responsabilité pénale de l’accusée», a ajouté la procureure. «Mme Martin a eu plusieurs occasions de réaliser ce qui était en train de se produire et elle a décidé d’ignorer les conséquences. On ne sent pas qu’elle accepte et reconnaît pleinement sa responsabilité criminelle.» Barbara Martin ne possédait ni antécédent criminel, ni antécédent d’infraction routière. Le juge Marco Labrie rendra sa sentence le 4 mai. Témoignage émouvant La victime Annick Ducharme a tenu à témoigner de l’enfer qu’elle vit depuis le jour de l’accident. «J’ai l’impression que cette journée-là, on m’a volé ma vie. Et encore pire, la personne qui l’a fait peine à admettre sa responsabilité. J’ai souvent souhaité mourir à la place», a avoué la femme, nerveuse. Selon elle, tous les aspects de son quotidien sont différents depuis les événements, tant son ambition professionnelle, ses envies de voyage que ses études universitaires sont anéantis. Elle a dû revoir sa philosophie de vie. La Société de l’assurance automobile du Québec n’a pas encore statué, mais l’enseignante collégiale et hygiéniste dentaire devrait être sous peu déclarée invalide au travail.
«Quand on est dans la quarantaine et qu’il n’y a pas d’avenir, c’est difficile d’aimer la vie.» - Annick Ducharme
«Je ne peux plus porter de talons hauts, marcher dans le sable normalement, porter des sandales. Même la façon dont mon conjoint peut me toucher a changé. Ça affecte les sports que je pouvais faire aussi», a-t-elle ajouté. Elle a subi deux chirurgies et trois sont à venir, dont une qu’elle repousse car elle lui fera perdre l’usage d’une main. Annick Ducharme devra ingérer des narcotiques pour le restant de ses jours. «Mme Martin a peut être moins de mobilité, mais moi, à 40 ans, je vais avoir des problèmes pour le reste de mes jours. J’ai énormément de frustration d’avoir vécu ce procès et de l’entendre dire qu’elle a seulement pleuré le soir de l’accident, alors que moi, je pleure tous les soirs», a continué la victime, pendant que son conjoint retenait ses larmes dans l’audience. «J’aurais aimé qu’elle reconnaisse qu’elle a brisé ma vie», a-t-elle conclu. Avec la collaboration de Philippe Lanoix-Meunier.