Culture

Avec son court métrage Rive-Sud, Xavier Hamel transporte Longueuil à L.A.

le lundi 30 septembre 2019
Modifié à 9 h 12 min le 03 octobre 2019
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Xavier Hamel habite Los Angeles depuis quatre ans. Il y a étudié le cinéma et rêve d’en vivre. Mais le Longueuil qui l’a vu naître n’est jamais bien loin. À preuve son plus récent court métrage, Rive-Sud, une «lettre d’amour à Longueuil et à [s]a mère». L’histoire de ce film peut certainement rejoindre des spectateurs d’un peu partout au Québec – et dans le monde, puisque le court métrage a voyagé. Mais les émotions sont peut-être quelque peu plus vives pour les Longueuillois. Xavier Hamel vivait à Berlin lorsque le meurtre de Jenique Dalcourt a ébranlé la communauté, le 21 octobre 2014. Malgré la distance, l’histoire ne l’a pas moins troublé. Dans Rive-Sud, le nom de l’adolescente n’est jamais prononcé, elle n’est pas véritablement personnifiée à l’écran, ni sa famille. Le film traite de la façon dont l’entourage – et le quartier, surtout – a vécu cet événement. «C’est bizarre, Longueuil avait quelque chose de pur pour moi. Un drame comme celui-là, c’est comme un backlash, image Xavier Hamel. Les amis, les voisins... tout le monde avait quelque chose à dire. Il y avait comme une paranoïa dans la ville.» [caption id="attachment_79488" align="alignleft" width="444"] Xavier Hamel sur le plateau de Rive-Sud. (Photo: Gracieuseté - Matt Ayotte)[/caption] Et c’est précisément cette atmosphère, ce sentiment, qui sont explorés dans Rive-Sud, à travers le drame du personnage de Francine, une résidente du Vieux-Longueuil interprétée par Sylvie Léonard. «Ce qui m’intéressait, c’est d’explorer les événements qui marquent un lien avec les places qui nous sont chères. Après le meurtre, je suis allé me promener sur la piste, m’arrêter devant le monument. C’est intéressant de voir comment ça nous affecte, de loin ou de proche.» Un peu comme lorsque nous apercevons un bouquet ou une croix sur le bord de l’autoroute. Un sentiment nous habite, ne serait-ce qu’un instant. Pour réaliser ce film, M. Hamel n’a pas rencontré la famille de l’adolescente. «C’est encore quelque chose qui me hante, admet-il. Je pensais que ça allait juste tourner le couteau dans la plaie, surtout que les courts métrages ont souvent peu de visibilité. Mais je suis encore prêt à avoir une conversation avec ceux qui ont été affectés.» Des entretiens avec les personnes interrogées par la police ou encore ceux qui travaillaient à l’hôpital au moment du drame ont pu alimenter sa réflexion et son travail. Forte distribution Xavier Hamel avait au départ en tête que sa mère, dont s’inspire le personnage principal, joue son propre rôle. Il s’est laissé convaincre de laisser cette partition exigeant une grande palette d’émotions à une actrice professionnelle. Comme Sylvie Léonard connaissait bien sa mère – Xavier ayant fréquenté l’école Armand-Racicot, comme sa fille –, le choix était tout naturel. Au sein de cette forte distribution, on compte aussi Debbie Lynch-White et Danielle Ouimet. Un film qui pourrait voyager Réalisé en 2018, le film a déjà été projeté dans plusieurs festivals tels que Fantasia, le Baja California International film festival et les Rendez-vous Québec Cinéma. Il a aussi été présenté dans un festival au Mexique. Xavier Hamel s’est récemment entendu avec une agence de Berlin qui se chargera de la distribution de son oeuvre. Une cinquantaine de soumissions ont été envoyées à autant de festivals à travers le monde. «Rive-Sud est ma carte de visite et je suis très fier du résultat.»   L’effervescence de Los Angeles Ce court métrage est le film de thèse qu’a réalisé Xavier Hamel dans le cadre de sa maîtrise en réalisation au California Institute of the Arts. Après un baccalauréat à l’Université Concordia, le jeune homme a été atteint d’un syndrome qui a complètement paralysé son corps. Il a pu en guérir complètement et ses capacités sont revenues à 100%. «Après, j’ai voulu voyagé», relate-t-il. Après un an à Berlin, il s’est installé à Los Angeles. Dans son parcours académique, il a retrouvé une effervescence qui lui a beaucoup plus. «Dans ma maîtrise, on était 18 et aucun ne venait du même pays. C’est une communauté d’artistes là pour créer. Ça me nourrit tellement.» Il a cumulé quelques expériences, notamment comme premier assistant-réalisateur. «L’assistant-réalisateur est celui qui fait le lien entre tous les départements sur le plateau. Il connait tous les horaires, toutes les shots par cœur. C’est le bras droit et le bras gauche du réalisateur. C’est aussi le casseur de party, quand tout le monde est fatigué ou a du fun. Il est là pour pousser la machine.» Le cinéaste a également fondé à Los Angeles la boîte de production After Hours Studios, avec Sarah Khawand, productrice libanaise qu’il a rencontrée durant sa maîtrise. Processus de visa Celui qui compte d’autres films ainsi que plusieurs vidéoclips à son actif est plongé en ce moment dans le «laborieux, long et dispendieux» processus pour obtenir un visa d’artiste. Un papier qui pourrait lui permettre de travailler dans le domaine pour les trois prochaines années. «Je dois démontrer qu’il n’y a personne aux États-Unis qui peut faire comme moi», évoque-t-il pour illustrer l’ampleur du défi. Jusqu’à maintenant, son document d’application fait 500 pages. Ses projets y sont expliqués dans le moindre détail, tout comme les festivals auxquels il a participé et les prix et reconnaissances qu’il a remportés. «C’est un peu triste à dire, mais même les influenceurs, ça compte. Si un influenceur parle de toi, ça compte autant qu’une participation à un festival.» De plus en plus personnel Dans son dossier de candidature, Xavier Hamel décrit également son prochain de film, un projet de long métrage auquel un producteur est déjà attaché. En septembre 2020, il entamera une résidence d’écriture au Nouveau-Mexique. Xavier Hamel peine quelque peu à décrire l’histoire qu’il souhaite raconter dans ce film. «C’est la quête de self validation d’un jeune homme. Une quête d’argent, dans laquelle il va tout sacrifier, sa dignité même, et repousser les limites pour se rendre jusqu’à l’autodestruction.» Un film qu’il pourrait bien aussi réaliser au Québec, si les instances de financement le veulent. «L’histoire ne se passe pas à Longueuil, mais elle pourrait le devenir. Il faudrait juste ajuster des détails pour le Québec.» Si sa passion pour l’horreur et sa capacité d’exprimer son art sous différentes formes, parfois très éclatées, se reflètent dans son portfolio, Xavier Hamel empruntera des chemins plus personnels pour ce prochain film alliant le personnel et la fiction. «Avant, mes projets parlaient souvent d’environnements ou de territoires que je ne connaissais pas. Maintenant, je veux parler de projets plus personnels, constate-t-il. L’écriture m’a toujours apeuré. Je ne me considérais pas bon. Mais si on parle de quelque chose de proche de soi, ça vient naturellement.»