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Centres d’hébergement pour sans-abri: aider, malgré les contraintes

le mercredi 08 avril 2020
Modifié à 11 h 18 min le 09 avril 2020
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

La Casa Bernard-Hubert et l’Abri de la Rive-Sud, deux ressources d’hébergement pour les sans-abri à Longueuil, ont dû revoir leurs pratiques en ces temps de pandémie. Leur mission de venir en aide à ces personnes vulnérables, durement touchées par la crise, conserve son essence. L’Abri de la Rive-Sud, ressource d’hébergement de première ligne pour hommes et femmes en situation d’itinérance, continue d’accueillir des personnes dans le besoin. Pour sa directrice générale Lucie Latulippe, c’est une chance que l’organisme occupe ses nouveaux locaux du boul. Ste-Foy, dans l’arr. du Vieux-Longueuil, pour gérer cette situation de crise. Les dortoirs de leur ancienne adresse auraient entraîné tout un casse-tête pour éviter la contagion. Dans les nouvelles installations, les 30 places en chambres individuelles facilitent un peu la tâche. L’Abri de la Rive-Sud compte aussi cinq studios équipés de salles de bain individuelles. Ces espaces sont réservés aux bénéficiaires présentant des symptômes de la COVID-19 ou qui en sont atteints. Au moment de l’entrevue avec le journal, les studios étaient vides. Dans les circonstances actuelles, l’Abri de la Rive-Sud a également éliminé la contrainte de la limite de durée de séjour. D’ordinaire, les séjours varient entre une journée et un mois. Les bénéficiaires sont ensuite dirigés vers une autre ressource d’hébergement, un appartement ou une ressource spécialisée. «Nous voulons réduire les risques de contagion», a expliqué Mme Latulippe. Au début de la crise, les 30 places étaient comblées.  Malgré cet assouplissement, certains ont décidé de quitter. Les admissions ont donc repris. Le processus d’admission a également dû être revu. Les personnes en situation d’itinérance sont désormais référées par un centre hospitalier et doivent avoir été testées pour la COVID-19. À La Casa La Casa Bernard-Hubert, dans l’arr. de Saint-Hubert, accueille des hommes en situation d’itinérance. La maison d’hébergement vise la réinsertion sociale des sans-abri. Les personnes hébergées peuvent y rester jusqu’à six mois. La Casa a depuis quelques semaines mis un frein aux nouvelles admissions, qui nécessitent un processus plus long qu’un service de première ligne, et a aussi permis à ses résidents de demeurer aussi longtemps qu’ils le désirent. Les 20 places sont occupées. «On veut être certain que personne ne se retrouve à la rue», évoque le directeur général Nicholas Gildersleeve. Après leur séjour à La Casa, certains sont logés dans l’un des 22 appartements transitoires du Relais. En ce moment, les résidents qui souhaitent franchir cette étape vers l’indépendance devront n’avoir présenté aucun symptômes de la COVID-19 pendant 14 jours. «Au Relais, c’est plus difficile de faire un suivi [sur les respect des consignes de santé publique], admet le directeur général. On n’est pas là pour les surveiller, mais les accompagner.» L’arrivée du premier avril – et du paiement du loyer – représentait une certaine inquiétude pour l’organisme. Sans accorder un délai systématique, M. Gildersleeve se disait prêt à prendre des accords sur une base individuelle, au «cas par cas». À nouveau, il assure que personne ne se retrouvera à la rue. Sorties limitées [caption id="attachment_88472" align="alignright" width="444"] À La Casa Bernard-Hubert, les résidents participaient à l'activité Faire danser un village, avant la pandémie.[/caption] Ces deux ressources de Longueuil ont redoublé d’efforts pour adapter leurs pratiques. À La Casa, les résidents sont limités à deux sorties de 30 minutes par jour. «Ils ne doivent pas avoir le temps de se rendre à Montréal, comme ils avaient l’habitude de le faire», expose le directeur. À l’Abri de la Rive-Sud, ils sont autorisés de prendre des marches, mais ne peuvent sortir du territoire. Dans les deux organismes, on s’assure que l’espace où sont donnés les repas respecte les règles de distanciation sociale. Et tout est nettoyé régulièrement. «Tout le monde met la main à la pâte, détaille Lucie Latulippe. On frotte en masse, de deux à trois fois par jour. On a du Purell, du désinfectant partout. Ça sent le produit nettoyant!» Les activités de groupe de La Casa ont été mises sur pause et les suivis des intervenants sociaux auprès des résidents sont effectués en télétravail. Deux réactions [caption id="attachment_88468" align="alignleft" width="300"] À l'Abri de la Rive-Sud[/caption] Dans les deux centres d’hébergement, on observe deux types de réactions qui se manifestent chez les résidents en réponse à ce contexte plus contraignant. Certains ont besoin de structure et demandent même que les consignes soient plus strictes, rapporte M. Gildersleeve. D’autres vivent moins bien avec ce sentiment d’être confinés. Mme Latulippe se réjouit que la plupart respectent très bien les consignes de santé publique et sont sensibilisés à leur importance. Malgré tout, certains sont plus anxieux; d’autres, moins conscients de l’impact de leurs comportements. L’accès limité aux endroits publics peut être vécu difficilement. «Ce sont de gens très mobiles, de par leur situation, rappelle-t-elle. Ils se promènent d’une ressource à l’autre, vont au centre commercial, au métro... Le fait d’être confiné, ce n’est pas l’fun. Ça joue sur le moral.» Personnes vulnérables Les mesures mises en place à Montréal pour soutenir les nombreux sans-abri a mis en lumière la vulnérabilité de ces personnes, dont plusieurs sont aux prises avec des problèmes de santé physique, de santé mentale ou de toxicomanie. «On a senti la préoccupation du gouvernement pour ces personnes, ce qui n’était pas le cas au début de la crise, estime Nicholas Gildersleeve. Depuis, tout le monde est sur le qui-vive. Mais ça devrait être comme ça à longueur d’année. Le soutien aux plus démunis devrait avoir une place prépondérante, et pas seulement en situation d’urgence.» Tant La Casa Bernard-Hubert que l’Abri de la Rive-Sud ont fait des demandes d’aides aux autorités. Lucie Latulippe souhaiterait voir une ressource, comme les centres de jours mis en place à Montréal, déployée en Montérégie.