Actualités

Combattre le racisme, à force d’éducation

le jeudi 11 juin 2020
Modifié à 15 h 08 min le 11 juin 2020
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Martine Audate et Valérie Heurtelou, les deux fondatrices de l’entreprise de soutien scolaire Alpha Tutorat, ont contacté Le Courrier du Sud car elles voulaient faire entendre leurs voix. Pour dire que oui, le racisme existe au Québec. Pour affirmer aussi que les discours ne deviendront réels que lorsqu’ils se transformeront en action. Une action qui passe surtout par l’éducation. Les soulèvements aux États-Unis et ailleurs qu’a entraînés la mort de Georges Floyd, à Minneapolis, ne sont malheureusement pas les premiers. Nous n’en sommes pas aux premiers appels à la fin de la discrimination raciale. Mais les deux résidentes de la Rive-Sud, dont l’entreprise de tutorat est située à Brossard, ont espoir que cette fois pourrait être la bonne. «Dans les années 1990, je regardais ce qui se passait à Los Angeles. En ce moment, l’énergie est différente. Mais la frustration est toujours la même», observe Martine Audate. Cette énergie différente se voit dans la foule multiethnique des manifestations, dans la volonté des jeunes pour un vrai changement. «Les gens dénoncent des choses qui n’avaient jamais été dites avant, ajoute Valérie Heurtelou. La première étape est de réaliser qu’il y a un problème en tant que société: oui, il y a du racisme de monsieur et madame Tout-le-Monde, oui, il y a du racisme systémique. On le reconnait. Maintenant, qu’est-ce qu’on fait?» Des gestes doivent être posés de la part des autorités, du gouvernement, de l’ensemble des membres de la société. «Passer par-dessus le malaise», dit Mme Heurtelou, et ouvrir un dialogue. «Il doit y avoir une conversation», insiste Mme Audate. Par l’éducation L’éducation sera le meilleur moyen pour permettre un avancement et engager cette conversation. «On est en première ligne: on est avec les jeunes tout le temps. On a ce pouls. Il faut mettre nos énergies là», croit Martine Audate. «C’est notre avenir, on sent qu’on a une responsabilité envers eux», ajoute sa collègue. Ce pouls dévoile d’ailleurs que Rosa Parks, que Malcolm X, que Martin Luther King et que le Mois de l’histoire des Noirs sont peu connus chez les jeunes, même ceux issus de la communauté noire. «On a jugé important d’aborder le sujet, indique Mme Heurtelou, alors que les séances de tutorat se déroulent en ligne pendant la pandémie. Ils ne savent pas ce qu’est le racisme, la diversité culturelle. On veut aussi encourager les parents à avoir cette conversation.» «Le Québec n’est plus le même Québec, dit Mme Audate. Il faut avoir une sensibilité avec tout le monde.» «Pour une Noire» Toutes deux ont été victimes de racisme. Et malheureusement, cela se conjugue aussi au présent. «Le racisme, c’est là, affirme Martine Audate. C’est le commentaire d’un homme à l’épicerie qui me dit: "Tu parles bien pour une Noire", c’est le fait qu’un Noir se fait intercepter en sortant du concessionnaire BMW.» Valérie Heurtelou cite des commentaires sur ses cheveux ou sur ses origines. «Les gens ne réalisent pas que c’est offensant. Pour eux, c’est banal.» «Et en tant qu’immigrants bien intégrés, on a appris à dire «Ce n’est pas grave, car la société est comme ça». Mais ce n’est pas correct», renchérit Mme Audate. Elle raconte aussi qu’un jeune de la famille s’est fait traiter «du N word» au sein de son équipe sportive et que la famille a dû se rendre jusqu’à la direction de la commission scolaire pour que ce soit pris au sérieux. Âgée de 30 ans, Valérie était la seule élève noire de son école au primaire. «À huit ans, je savais c’était quoi le racisme.» Et même à l’université, les membres de la communauté noire se comptaient sur les doigts d’une main parmi des centaines de Blancs. Alors oui, Valérie Heurtelou et Martine Audate sont optimistes quant au vent de changement que laissent croire les dernières semaines. Mais… «Il y a encore énormément de choses à faire, affirme Valérie. Ce n’est pas la fin de la bataille, pour que les futures générations ne voient pas de racisme.»