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Comment bâtir un sanctuaire de chimpanzés ?

le dimanche 24 avril 2016
Modifié à 0 h 00 min le 24 avril 2016
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

PORTRAIT. C'est après avoir pris part au projet Caring for Chimpanzees de la Chimpanzee and Human Communications Institute – un cadeau de son mari Dr Richard Allan – que Gloria Grow a voulu construire le premier sanctuaire de chimpanzés au Canada et le premier au monde à héberger des chimpanzés atteints du VIH.

Dr Richard Allan est vétérinaire à Longueuil: il soigne des chats et des chiens et n'avait donc jamais été en contact avec des chimpanzés. «On n’apprend pas à soigner des singes à l'école vétérinaire de Saint-Hyacinthe!»

Il a tout de même été séduit par cette volonté de sa femme d'offrir une belle retraite à des chimpanzés qui ont trop longtemps souffert.

Même si la presque totalité des recherches sur les chimpanzés n'ont pris fin aux États-Unis qu'en 2013, déjà, à la fin des années 90, les laboratoires se sont retrouvés avec un surplus de chimpanzés, notamment en raison des nombreuses recherches sur le VIH qui n'ont pas porté fruit.

«Comme c'est une espèce menacée, ils ne pouvaient les tuer, alors ils cherchaient des gens pour s'occuper d'eux.»

Dr Allan et Gloria Grow ont jeté leur dévolu sur 15 chimpanzés qui ont fait l'objet de recherches au Laboratory for Experimental Medicine and Surgery in Primates (LEMSIP), affilié à l'école de médecine de l'Université de New York.

«On nous a dit que ceux qui avaient le plus souffert et qui "méritaient" le plus cette retraite, c'étaient ceux atteints du VIH», relève Dr Allan.

La relative proximité avec New York a aussi facilité le transport. «On a dû faire une demande d'importation. Puisqu'il n'y avait pas de règle précise sur les chimpanzés qui ont le sida – tout simplement parce que ça ne s'était jamais vu –, ç'a été accepté.»

L'obtention de permis pour un zoo faisait aussi partie des démarches.

Fortes réactions

Lorsque les citoyens et résidents voisins de la Fondation Fauna ont eu vent de la présence de chimpanzés atteints du VIH, la levée de bouclier a été instantanée. Craignant la contamination, des citoyens ont lancé une pétition demandant leur départ et des experts de la Santé publique ont été convoqués sur place. «Ils ont tout fait pour nous sortir», se rappelle Dr Allan.

Pourtant, en 17 ans, aucun problème majeur ou accident n'est survenu en lien avec les chimpanzés. Dr Allan a bien été mordu par l'un d'entre eux, mais il se souvient surtout du «cocktail de drogues» qu'il a dû prendre pour éviter tout risque de contagion au VIH, et qui l'a rendu malade pendant des jours.

Projet coûteux

C'est avec ses propres fonds que le couple a mis sur pied la Fondation Fauna et le Sanctuaire de chimpanzés. Ne recevant aucune subvention gouvernementale, la mission du sanctuaire est rendue possible uniquement grâce aux dons et aux investissements du couple.

«Une très grande partie des profits de la clinique va à la Fondation», illustre Dr Allan.

Uniquement pour les chimpanzés, il en coûte environ 200 000$ par année. «C'est environ 40$ par chimpanzé, par jour. Les dépenses en épicerie sont énormes. Et été comme hiver, on doit aussi chauffer leur bâtiment.»

Comme moyen d'amasser des dons, la Fondation organise des symposiums, quelques fois par année. Mais pas question d'en faire un véritable lieu public. «Vous ne verrez jamais une affiche "Zoo de Carignan". D'abord, parce que ce serait dangereux – il y a quand même un petit risque de contagion – et aussi parce que ça ne nous intéresse pas d'avoir 100 personnes par jour, ici. Ceux qui paient pour une visite sont sensibilisés à la cause.»

Au fil des ans, la mission de la Fondation Fauna s'est aussi élargie, incluant la Réserve naturelle du ruisseau Robert, qui compte sur une importante variété d'espèces, dont près de 1000 canards.

Langage des signes

Les chimpanzés peuvent apprendre à communiquer par le langage des signes. C’est le cas de Tatu, élevée comme un enfant sourd et dernière survivante d’un groupe de quatre chimpanzés utilisés dans les recherches comportementales, qui connaît plus de 250 signes qu’elle emploie encore aujourd'hui. À son arrivée à Fauna, il était même mêlant pour elle de constater que les autres chimpanzés ne pouvaient communiquer avec ce langage.

Loulis a lui aussi appris le langage des signes, grâce aux enseignements de sa mère adoptive, Washoe. Pendant cette expérience, aucun humain ne pouvait lui parler en langage des signes. Par l’interaction avec Washoe, il a appris en une semaine.

Mais les chimpanzés communiquent aussi avec les humains. «Ils peuvent amorcer des conversations, poser des questions, clarifier quelque chose si on ne comprend pas», énumère Dre Jensvold.

Pour faire un don, devenir bénévole ou participer à une visite: www.faunafoundation.org

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