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La communauté de Saint-Lambert se mobilise pour intégrer un réfugié syrien

le lundi 19 mars 2018
Modifié à 15 h 40 min le 19 mars 2018
Par Jonathan Tremblay

jtremblay@gravitemedia.com

C’est connu, de nombreux jeunes Québécois rêvent d’un jour percer l’alignement d’une équipe de la Ligue nationale de hockey. Il n’en est pas moins vrai pour George Hallak, un jeune réfugié syrien de Saint-Lambert qui ne connaissait pas l’existence de ce sport à son arrivée au Canada, en mai 2016. Les 10 et 11 mars derniers, le colisée Jean-Béliveau s’animait au rythme des séries éliminatoires de catégorie pee wee C. Au sein de la brigade défensive des Red Wings de l’entraîneur Gabriel Perrier se dressait George Hallak, 13 ans, qui possède un bâton de hockey depuis à peine un an. «On ne voit pas de différence de talent avec les autres sur la patinoire quand on le regarde jouer, raconte Gabriel Perrier à propos de l’apprentissage tardif de son joueur recrue. George est un petit gars qui s’adapte très bien. Il n’a pas le choix, avec ce qu’il a vécu.» Le jeune, tout sourire, a bien prouvé sa capacité d’adaptation dans un excellent français, lors d’une entrevue réalisée avec Le Courrier du Sud, quelques minutes avant sa première rencontre de séries éliminatoires à vie. «Quand je suis arrivé au Québec, je savais juste dire bonjour, mon nom et mon âge, admet George. Je n’avais jamais patiné de ma vie, en Syrie. Là-bas, je jouais au soccer et au basketball.» S’est-il amélioré durant sa toute première saison? L’athlète-né le croit. «Je pense que oui. La première fois que j’ai patiné, je ne suis pas tombé, mais mon tir n’était pas assez fort. Maintenant, je trouve que tout le monde est à peu près comme moi, illustre-t-il. Plus tard, j’aimerais être un vrai joueur de hockey; un joueur de la Ligue nationale. Mais pour ça, il faut bien pratiquer.» Une inspiration Le jeune réfugié a eu un impact concret auprès de ses coéquipiers, si l’on se fie à son entraîneur, car du hockey, «George en mange». «Le kid est toujours de bonne humeur, le premier arrivé et content d’être à l’aréna. Il pose beaucoup de questions et a les yeux grands ouverts. Il est impressionnant à voir aller et donne un effort constant, affirme Gabriel Perrier. C’est lui-même qui nous a demandé de jouer à la défense et le fit était parfait. Ses coéquipiers l’apprécient. C’est comme s’il avait toujours joué avec eux.» Ses joueurs préférés sont Brendan Gallagher et Shea Weber, du Canadien de Montréal. À l’instar de ses idoles, le Syrien d’origine démontre de la combativité sur la patinoire et fait preuve d’une vision du jeu des plus aiguisées pour un débutant. Il a d’ailleurs inscrit deux filets et quelques mentions d’aide à sa première campagne. Un homme charitable L’initiative de mettre des patins aux pieds de George est venu du porte-parole d’Œcumen-Refuge James Marchant. Le regroupement d’églises chrétiennes de Saint-Lambert s’est formé en 2015 pour accueillir des familles de réfugiés. Son objectif: parrainer des familles du Moyen-Orient et les aider à s’intégrer dans la communauté «pour qu’elles soient pleinement autonomes et remplies de joie de vivre», de dire M. Marchant. Jusqu’à présent, deux familles sont venues s’établir à Saint-Lambert, dont celle de George. [caption id="attachment_47631" align="alignright" width="366"] George Hallak en compagnie de James Marchant[/caption] James Marchant a désiré prendre ce dernier sous son aile, car le jeune garçon n’a jamais connu son père, décédé. «C’est une famille de quatre: une mère, deux sœurs et George. J’ai senti qu’il avait besoin d’une figure paternelle dans sa vie, élabore M. Marchant. Je lui ai donc acheté des patins et un casque afin de l’amener à l’aréna. C’est profond pour moi, l’importance du hockey au Québec, quand tu es un jeune homme.» Selon ce que raconte l’homme de 72 ans, dès ses premiers coups de patins, George filait sur la patinoire. «C’était le coup de foudre! Il voulait patiner tout le temps», se souvient M. Marchant, présent au match du 10 mars. Là où tout a commencé Après quelque mois au Québec, un ami a invité George à un de ses matchs à l’aréna Eric-Sharp. «Je suis allé et j’ai vraiment aimé ça. J’ai dit à M. James que j’aimerais ça, jouer», explique George. Selon James Marchant, la situation a été plutôt anecdotique. En décembre 2016, alors que George et lui était assis dans les estrades de l’aréna, l’adolescent lui a demandé si le père Noël existait vraiment et a voulu savoir comment le contacter. «Écris-lui une lettre et donne-la moi, a dit M. Marchant. Je vais lui transmettre.» Une semaine plus tard, l’homme recevait des mains de George une lettre signée. Sur celle-ci se trouvait sa seule demande: un bâton de hockey. James Marchant et son ami Gilles Legault, à ce moment entraîneur de l’équipe pee wee C, ont organisé une pratique durant laquelle George a pu participer et découvrir sa nouvelle passion. Les parents de l’équipe se sont ensuite cotisés pour l’équiper de la tête aux pieds. À partir de ce moment, il est devenu impossible de débarquer George de la surface glacée. Les employés de l’aréna Eric-Sharp veillaient sur lui en l’absence de son «parrain». George a aujourd’hui la tâche de gérer la circulation sur la patinoire lors des séances de patinage libre. Le #43 des Red Wings jouera vraisemblablement dans le bantam l’an prochain. Cette éventualité s’avérera certainement une adaptation bien mineure pour le nouveau passionné qui ne cesse de s’améliorer. Une dérogation exceptionnelle Comme George Hallak en n’était qu’à ses débuts, l’Association de hockey mineur des Red Wings de Saint-Lambert a voulu mettre tout en œuvre afin de faciliter l’intégration et la progression du jeune homme sur la glace. Pour ce faire, une dérogation spéciale a été adoptée afin que George puisse évoluer dans la catégorie pee wee au lieu de bantam, où il aurait normalement dû être classé en raison de son âge. Une décision facile à accepter, autant chez les parents que chez les joueurs, selon Gabriel Perrier. «Dans le pee wee C, ce n’est pas comme si George avait pris la place de quelqu’un d’autre. On accepte tous les jeunes qui veulent jouer au hockey», souligne l’entraîneur. «L’Association a été incroyable. Les membres étaient prêts à tout pour accommoder George, confie James Marchant. Ils ont dit qu’il n’y avait aucun problème. C’est ça, l’intégration!» La Fondation lambertoise d’implication communautaire a subventionné les frais d’inscription de George. Lorsqu’il s’agit de faire affiler ses patins à la boutique, le garçon sait qu’il peut compter sur M. Marchant. «Il sait qu’il peut obtenir autres choses s’il le demande, mentionne James Marchant, complice. En plus, il joue très bien. Je suis fier de lui!»