Culture : le ciné-parc de Saint-Mathieu éteignait son projecteur il y a 40 ans

Le ciné-parc de Saint-Mathieu à une date inconnue. (Photo : gracieuseté)
En 1985, le ciné-parc de Saint-Mathieu, l’un des premiers établissements de ce genre au Québec, cessait ses activités en raison notamment des changements d’habitudes des cinéphiles. Retour sur une histoire qui ferait un bien bon film.
Propriété de Georges Gagné, qui sera maire de Delson de 1973 à 2009, le ciné-parc de Saint-Mathieu ouvre ses portes en 1970. Cette année-là, six ciné-parcs voient le jour au Québec en raison d’un changement législatif : Saint-Georges (22 mai), Sept-Îles (4 juin), Saint-Mathieu (19 juin), Drummondvile (en activité dès le 27 juin 1970 mais inauguration officielle le 30 juillet), Boucherville (3 juillet) et Châteauguay à Mercier (13 août).
Georges Gagné, fondateur du ciné-parc de Saint-Mathieu. (Photo Le Reflet : archives)
Le ciné-parc Saint-Mathieu occupe donc le 3è rang. Situé sur la Montée Monette, le long de l’autoroute 15, l’endroit peut accueillir 1000 véhicules.
Une longue lutte
Georges Gagné a fait des pieds et des mains pour obtenir son permis du gouvernement de l’Union nationale, longtemps opposé à ce concept pour des raisons d’ordre moral.
Lors de la première, on y présente le film familial Le cheval aux sabots d’or sur un écran de 103 pieds sur 43 pieds construit par Les Forges Laurentiennes.
Le cheval aux sabots d’or (The Horse in the Gray Flannel Suit) est un film familial produit en 1968 par Walt Disney Productions avec Kurt Russell, Dean Jones et Diane Baker. (Photo : gracieuseté)
Le 21 juillet suivant, un contrat de 3500 $ est accordé à la firme Guilmain Asphalte Paving pour le pavage de la rue du Ciné-Parc.
Plusieurs années plus tard, M. Gagné raconte dans l’hebdomadaire Le Reflet comment les choses s’étaient passées. «C’est par hasard que j’ai obtenu ma licence. Jean-Jacques Bertrand, de l’Union nationale, était premier ministre et il avait changé la loi pour permettre au Québec d’avoir des ciné-parcs. J’ai appliqué et mon nom est sorti.»
Sans attendre, M. Gagné s’est rendu à Plattsburgh pour rencontrer le propriétaire d’un ciné-parc qui lui a vendu ses plans. Le tout représentait alors un investissement de 350 000 $ – l’équivalent de 2,8 M$ aujourd’hui – qui couvraient l’installation de l’écran et du système de sonorisation. Celui-ci avait deux haut-parleurs accrochés à l’écran et non par le système radiophonique habituel.
«Les samedis soir, il n’était pas inhabituel que 150 et 200 voitures supplémentaires se placent à l’arrière de l’écran, de raconter M. Gagné. Mais les gens à l’intérieur de ces autos n’entendaient pas le son des haut-parleurs».
M. Gagné vend son ciné-parc deux ans plus tard à Cinéma Odéon avant de se lancer en politique municipale et de connaître une prolifique et longue carrière.
En février 1979, on procède à l’installation d’un second écran. L’avenir semble prometteur pour les ciné-parcs au Québec!
Mais c’était sans compter sur l’arrivée des lecteurs de vidéocassettes dans les foyers du Québec!
Déclin rapide
Comme bien d’autres, le ciné-parc de Saint-Mathieu ferme ses portes au milieu des années 1980, plus précisément en 1985, victime des changements d’habitudes des cinéphiles qui préfèrent dorénavant louer des vidéocassettes VHS dans les clubs vidéo et regarder les films dans le confort de leur salon.
Ruines de béton, possiblement du bâtiment qui abritait la salle de cabine, le restaurant et les toilettes du ciné-parc. (Photo : Le Courrier du Sud – Sylvain Daignault)
Le terrain est aujourd’hui occupé par la compagnie Signel Services. Seule la rue du Ciné-Parc nous rappelle la présence de celui-ci.
Le panneau de la rue Ciné-Parc à Saint-Mathieu nous rappelle l’existence de cet établissement. (Photo : Le Courrier du Sud – Sylvain Daignault)
Georges Gagné est décédé le 26 décembre 2015 à l’âge de 91 ans.
En bref
En 1975, on compte 28 ciné-parcs et 34 écrans au Québec. En 1980, ces nombres sont passés à 44 ciné-parcs pour 64 écrans. Durant ce laps de temps, les recettes ont doublé, passant de 4M$ à 8 M$. Mais le déclin s’amorce au milieu des années 1980 et le nombre de ciné-parcs passe à 36 pour 58 écrans.
En 2025, il ne reste plus que 5 ciné-parcs au Québec soit Saint-Eustache (Rive-Nord de Montréal), Orford (Cantons-de-l’Est), Saint-Hilaire (Montérégie), Belle-Neige (Laurentides) et Paradiso Chandler (Gaspésie).
Une invention américaine
Le concept du ciné-parc est inventé en 1933 par Richard Hollingshead, qui expérimente une projection extérieure en installant un drap entre deux arbres et un projecteur sur sa voiture, afin de visionner un film depuis l’habitacle. Il obtient un brevet le 16 mai 1933 et inaugure le premier ciné-parc le 9 juin 1933 à Camden, dans le New Jersey. Bien que la Grande Dépression freine leur développement initial, les ciné-parcs connaissent un essor important à la fin des années 1940 et au début des années 1950, favorisé par la croissance des banlieues et la prospérité économique d’après-guerre aux États-Unis.
Le concept de ciné-parc a vu le jour au New-Jersey en 1933. (Photo : domaine public)