Culture

Dans la peau d’un caméléon

le mercredi 24 février 2021
Modifié à 13 h 13 min le 24 février 2021
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

La marionnettiste Marie-Claude Daoust considère comme un grand cadeau cette main tendue d’Hélène Ducharme, directrice du Théâtre Motus, qui lui a offert sa résidence de création à la Maison Théâtre, du 15 au 19 février. L’artiste de Longueuil a pleinement saisi l’occasion pour faire évoluer son spectacle Un caméléon près de chez vous. En tant qu’artiste de la relève, elle voit comme une chance inouïe d’avoir accès à un plateau de qualité professionnelle, et ce, sans frais. Le projet sur lequel travaillait le Théâtre Motus ayant été annulé – on connait les circonstances –, Mme Ducharme s’est tournée vers une de ses camarades de Longueuil pour lui offrir sa résidence. Marie-Claude Daoust explique que ces précieuses journées ont été consacrées à réaliser la captation des 15 premières minutes de son spectacle. La vidéo lui permettra de présenter son projet dans le cadre de demandes de financement, L’artiste transforme ce solo en duo et ajoute des personnages. Elle s’est d’ailleurs alliée au marionnettiste Salim Hammad et à la metteure en scène Pavla Mano, directrice artistique de Puzzle Théâtre. «Ils sont capables de m’amener plus loin. C’est vraiment une cocréation», détaille celle qui porte les chapeaux d’auteure, productrice et actrice de cette œuvre, en plus de créer les marionnettes et costumes. Fable interactive Sa fable met en scène Grimin, un caméléon propulsé au Canada par un cyclone qui l’a extirpé de son Madagascar natal. Le texte évoque les défis de l’intégration à une société qui nous est inconnue. Donner vie à cette histoire par l’intermédiaire d’animaux avait cet avantage de présenter l’«étranger» sans tomber dans les stéréotypes ou par une couleur de peau. «Le caméléon marche lentement, hésitant, tout en prudence, en méfiance. Il ouvre ses grands yeux, a l’air un peu perdu», relate-t-elle. L’artiste se réjouit de constater à quel point un lien se crée entre le caméléon et le public. «Je le savais que la marionnette peut faire ça chez les gens. Et je suis touchée de le voir en pratique.» Un personnage est d’ailleurs né de l’une des réactions d’un sans-abri à l’histoire de Grimin, à la suite d’une présentation au centre-ville de Montréal. «Il me disait : "Ton caméléon, il a nulle part où aller. Moi, je l’amènerais à la Maison du père, je lui paierais son entrée et il va manger chaud". Je lui ai demandé pourquoi il ferait ça. Il m’a répondu. "Je connais les ressources, mais lui, il est vraiment mal pris".» Nouvelle vocation La marionnette est arrivée dans la vie de Marie-Claude Daoust, de façon impromptue, lorsqu’elle était à Madagascar dans le cadre de son travail. «J’ai un diplôme en développement international. Je pensais que c’était ça ma vie.» Jusqu’à ce qu’elle assiste à un spectacle de marionnette et qu’elle doive glisser ses mains sous ses cuisses pour se retenir d’intervenir. «J’avais toujours été dans des postes de gestion, et j’ai réalisé que jamais envie d’être devant le monde.» Son retour au pays a été difficile et elle a traversé une période plus sombre. «Quand ce dont tu rêves depuis longtemps se brise, comment rêver à nouveau?» Durant cette année et demie où elle se cherchait un emploi, la Longueuilloise s’est inscrite à un cours de fabrication de marionnettes. C’est dans le cadre de ce cours qu’est né Grimin. Nul besoin de chercher bien loin pour trouver où Marie-Claude Daoust a puisé l’inspiration pour ce petit animal en perte de repères, avoue-t-elle elle-même. Cette diplômée du programme d’études supérieures spécialisées en théâtre de marionnettes contemporain de l’UQAM souhaite faire cheminer son caméléon encore longtemps. «Ma job, c’est de l’amener sur scène, et de le laisser parler.»   Il est possible de voir le travail de Marie-Claude Daoust dans l’un des Studios éphémères, à la station de métro de Longueuil.