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Déneigement à Longueuil: les petits soumissionnaires écartés, critique un avis juridique

le mardi 23 juin 2020
Modifié à 11 h 10 min le 23 juin 2020
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Un avis juridique questionne le critère d’admissibilité d’expérience imposé par la Ville de Longueuil dans un appel d’offres pour des contrats de déneigement. Regrouper des secteurs de déneigement aurait eu pour effet de favoriser les gros joueurs et d’écarter les petits soumissionnaires, critique le document. Le critère d’expérience de l’appel d’offres porterait atteinte à la saine concurrence, peut-on lire dans l’avis juridique du cabinet Morin Daoud, déposé à la séance du conseil municipal du 16 juin par le conseiller municipal Jacques Lemire. Le journal a obtenu copie de l’avis, que le directeur général de la Ville Patrick Savard a transmis par courriel à une trentaine d’élus, fonctionnaires et membres du personnel politique. Parmi les exigences de la Ville, le soumissionnaire doit démontrer une expérience de trois saisons hivernales. Selon les secteurs, l’expérience exigée était d’une valeur minimale par saison de 200 000$ et 400 000$. Cette exigence du critère de la valeur minimale des contrats engendre un «effet pervers», avertit Me Yannick Morin dans son avis juridique, soit d’empêcher les petits entrepreneurs de soumissionner. «Il est raisonnable de s’interroger à savoir quelle est la réelle motivation justifiant l’imposition du critère de la valeur minimale des contrats et s’il existe un motif implicite caché derrière cette condition.» Il rappelle néanmoins la légalité des conditions d’admissibilité qui exigent un niveau d’expérience. Par ailleurs, la valeur plus importante des contrats comme justification pour exiger un tel critère serait de la «poudre aux yeux», selon Me Morin. La Ville aurait pu séparer les secteurs des territoires de déneigement «comme c’était la pratique avant, pour favoriser la concurrence et les petits contrats». Selon l’avis juridique, l’intérêt des citoyens n’est pas bien servi avec cette nouvelle façon de faire. Appuyant son argumentaire notamment sur les dispositions de la Loi sur les contrats des organismes publics, l’avis conclut qu’une juge pourrait considérer ce critère d’admissibilité invalide, puisqu’il dérogerait au principe de l’égalité de traitement des soumissionnaires. Des exigences «pleinement justifiées» Selon la Direction des services juridiques de la Ville, ces exigences d’expériences «apparaissent pleinement justifiées», à la lumière de «l’importance financière et opérationnelle de ces contrats», lit-on dans une note de service du directeur général, qui accompagnait l’envoi de l’avis juridique aux élus et fonctionnaires. Les soumissions reçues pour ce contrat de déneigement variaient entre 16,6 M$ et 57,6 M$. Ces exigences d’expériences «visent justement à s’assurer de la capacité des soumissionnaires d’exécuter correctement des contrats d’envergure». Quatre soumissionnaires potentiels ont affirmé ne pouvoir participer à l’appel d’offres en raison du critère de l’expérience requise, selon la liste des non-soumissionnaires fournie dans le même courriel. Concernant les critiques à l’égard de la grosseur des secteurs de déneigement qui favoriserait les plus grands entrepreneurs, le directeur général précise par ailleurs que «les avocats de M. Lemire passent sous silence que la Ville a expressément prévu cette possibilité d’adjuger des contrats séparés pour chaque secteur». La Direction des services juridiques relève également dans la note que la Loi sur les contrats des organismes publics – sur laquelle se base l’analyse de l’avis juridique – ne s’applique pas aux villes (à l’exception des autorisations de contracter de l’AMP et du Registre des entreprises non admissibles aux contrats publics). Le processus de gestion contractuelle des villes est plutôt encadré par la Loi sur les cités et villes. «Aucun soumissionnaire n’a formulé de plainte à la Ville suivant le mécanisme en place et prévu par la loi, et aucune plainte à l’AMP n’a été formulée par quiconque selon les informations disponibles», indique aussi Patrick Savard.