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Déontologie : les élus de Saint-Lambert acquittés de deux des trois chefs

Il y a 3 heures
Modifié à 16 h 50 min le 06 août 2025
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Stéphanie Verreault, Pascale Mongrain et Loïc Blancquaert. (Photo: Le Courrier du Sud - archives)

La Commission municipale du Québec (CMQ) n’a retenu qu’un seul des trois manquements en déontologie reprochés aux conseillers municipaux de Saint-Lambert, Stéphanie Verreault et Loïc Blancquaert.

La juge Sandra Bilodeau conclut que Mme Verreault a bel et bien commis le manquement d’avoir participé à une séance en huis clos alors qu’elle s’était déclarée absente. En guise de sanction, elle s’est vu imposer une réprimande. 

La juge ne retient pas les deux autres manquements, relatifs à la divulgation d’informations confidentielles de la part de Mme Verreault et de M. Blancquaert.

La séance de la discorde

Cette histoire tourne autour d’une séance à huis clos tenue le 31 mai 2024 en visioconférence, où la mairesse Pascale Mongrain remettait en question la performance du directeur général de l’époque François Pépin et souhaitait élaborer un plan pour gérer cette situation.

Alors en congé de maladie, Mme Verreault avait assisté à cette séance à l’insu des autres membres du conseil, chez M. Blancquaert, et avait ensuite contacté M. Pépin pour lui fait part de ce qui s’était dit. M. Blancquaert avait enregistré la séance et en avait ensuite transmis le contenu à M. Pépin.

Les audiences à la CMQ du 29 et 30 mai 2025 ont révélé une importante tension au sein du conseil municipal.

Favoriser les intérêts

Pour prouver qu’ils avaient commis des manquements sur la divulgation d’informations, la Direction des enquêtes et des poursuites en intégrité municipale (DEPIM) devait entre autres démontrer que les deux élus avaient communiqué des renseignements confidentiels pour favoriser leurs intérêts personnels ou ceux d’une autre personne, et qu’ils avaient eu une conduite portant atteinte à l’honneur et à la dignité de la fonction d’élu.

La juge Bilodeau conclut que ce n’est pas le cas. 

Elle note la «situation singulière» qui prévalait à Saint-Lambert, notamment «une situation difficile entre la mairesse et le directeur général» et «un climat de travail néfaste».  

«La divulgation de ces informations avantage-t-elle le directeur? Face à ces informations, le directeur ne se trouve pas favorisé. Il ne peut qu’entrevoir des relations encore plus difficiles avec la Mairesse s’il reste en poste, ou bien quitter ou encore déposer une plainte. […] L’on ne peut concevoir qu’il obtienne un avantage dans tout cela», soutient-elle dans les décisions.

La magistrate constate également que la DEPIM a manqué une occasion de le prouver lors du témoignage de M. Pépin.

«La DEPIM n’a d’ailleurs pas questionné le directeur sur un avantage dont il aurait tiré profit, par exemple dans une entente de départ ou autrement, et il était certes le meilleur témoin pour le prouver le cas échéant», évoque-t-elle.

Quant au manquement à l’honneur et à la dignité, elle estime que le comportement est dérogatoire – les élus admettent avoir transmis de l’information confidentielle – mais que l’écart n’est pas suffisamment grand pour justifier une sanction déontologique.

«Nous sommes ici, comme la preuve l’a démontré, dans une situation de climat de travail néfaste, et le directeur vit au premier plan cette difficulté, puisqu’il intervient couramment avec la Mairesse, étant donné ses fonctions. Nous l’avons dit, une situation telle ne doit pas être tolérée. Ainsi, est-ce un acte qui s’écarte grandement du comportement attendu d’un élu de se soucier du climat de travail de la Ville, quand le directeur en fait les frais et que selon la preuve, la chef du conseil en est l’auteure, selon la preuve administrée», explique la juge.  

Pas de crédibilité

La juge Bilodeau n’est pas tendre envers Mme Mongrain, déclarant ne «pas accorder de crédibilité» à son témoignage lors des audiences. 

«Elle n’a pas témoigné avec objectivité, ayant plutôt une attitude revancharde», lit-on dans les deux jugements. La magistrate souligne son manque d’objectivé en lien avec le droit de veto apposé en séance publique sur l’étude du climat de travail.

«Elle a nié être au courant d’un climat de travail inadéquat et de plaintes la visant, alors qu’en contre-interrogatoire, elle a dû admettre avoir été informée d’une plainte logée contre elle, comme on l’a vu ci-haut», ajoute-t-elle.

Absence

Concernant le manquement de Mme Verreault sur sa participation à une séance sans déclarer sa présence, la juge Bilodeau affirme qu’on «s’attend d’un élu qu’il agisse ouvertement, sans jeu de cache-cache».

Satisfaction

Mme Verreault se dit d’une certaine façon soulagée par cette décision. Elle estime que le manquement retenu contre elle est justifié, affirmant avoir eu des «remords» après l’avoir commis. 

Elle n’approuvait toutefois aucunement le deuxième manquement, qui n’a pas été retenu, car elle était «convaincue avoir agi de bonne foi et dans l'intérêt de la Ville. Je devais donc me défendre pour le principe.»

Néanmoins, l’élue se dit perturbée que la mairesse n’ait pas été sanctionnée pour «tous ces agissements», et se désole des frais encourus pour la Ville. 

«Je crois que le rapport rend justice à cette cause qui je l'espère pourra contribuer à la jurisprudence et à encourager à dénoncer les dynamiques toxiques dans les villes, encore trop nombreuses», signifie-t-elle.

Mme Verreault revient aussi sur la lettre signée par les cinq directeurs membres du comité de direction de la Ville, dans laquelle ils dénoncent «l’ingérence constante» de la mairesse dans les dossiers de Saint-Lambert. 

Au Courrier du Sud, Mme Mongrain avait rapporté en juillet une «pression» qu’aurait subi des directeurs pour signer la lettre. Mme Verreault soutient plutôt qu’elle a été écrite par un des cadres signataires.

De son côté, Loïc Blancquaert se dit «très satisfait que finalement toute la lumière ait été faite sur les graves problématiques de gestion des ressources humaines qui ont affectées le bon fonctionnement de notre ville et ont grevées son budget».

Il insiste sur les propos de la juge concernant le rôle des élus pour maintenir un climat de travail sain et concernant ses démarches afin de minimiser l’instabilité au poste de directeur général, qui «ont été entreprises afin de veiller aux intérêts supérieurs de la ville». 

« Graves erreurs de faits et de droits »

La mairesse Pascale Mongrain affirme être «abasourdie» par le jugement, comme le sont, avance-t-elle, la majorité des élus du conseil, l’administration de la Ville et ses conseillers juridiques, ainsi que «de nombreux citoyens».

Ce jugement «comporte de graves erreurs de fait et de droit, ainsi que de nombreuses lacunes, reproche la mairesse. Truffé de ouï-dire, de preuve testimoniale sans contre-interrogatoire, et de confusion dans la chronologie et la nature des évènements rapportés, le jugement se solde par un endossement de comportements sans éthique qu’une personne raisonnable ne peut accepter.»

Selon Mme Mongrain, la prémisse de base du jugement est «erronée» puisque le «climat de travail au sein de la Ville n’était pas toxique». Elle nie aussi toute difficulté relationnelle entre le dg et elle-même. «Aucune preuve en ce sens ne fut d'ailleurs présentée, insiste-t-elle. Même l’ancien dg qui a été entendu n’a pas rapporté de climat toxique.» 

Au Courrier du Sud, Mme Mongrain détaille la chronologie des événements, rapportant le huis-clos du 31 mai 2024, l’appel de Mme Verreault au dg le lendemain pour lui rapporter des propos de Mme Mongrain et la transmission le 18 juillet, par M.Blancquaert, de l’enregistrement du huis-clos au dg.

«Entre le 1er juin et le 22 juillet 2024, le dg orchestre trois plaintes contre la mairesse, avant de quitter en congé de maladie, poursuit Mme Mongrain. Chacune des plaintes est jugée irrecevable ou abandonnée, et il quittera la Ville pour de bon au printemps 2025.»

Aux yeux de Mme Mongrain, la Direction des enquêtes en éthique de la CMQ «n’a tout simplement pas présenté de preuve en lien avec les faits tels qu’ils sont survenus. Le résultat est évidemment bien décevant et surtout, mine la confiance que l’on peut avoir dans le système de justice.»

Elle estime qu’il s’agit d’une histoire «d’instrumentalisation d’un dg par deux élus à des fins électoralistes». 
«Il est en effet de connaissance publique que le conseiller Blancquaert veut se présenter comme maire et fait tout en son pouvoir pour entacher la réputation de la mairesse, accuse Mme Mongrain. La conseillère Verreault est son amie d’enfance et sa fidèle acolyte, et l’appuie inconditionnellement dans toutes ses tactiques.»
 

Avec la collaboration d'Ali Dostie

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