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Euthanasie de cerfs : « c'est ce que la Ville doit faire », soutient un biologiste

le jeudi 12 novembre 2020
Modifié à 9 h 48 min le 05 novembre 2021
Par Geneviève Michaud

gmichaud@gravitemedia.com

«C'est clairement ce qu'ils doivent faire», répond d'entrée de jeu Marco Festa-Bianchet, directeur du département de biologie de l'Université de Sherbrooke, quand on le questionne sur l'opération d'euthanasie de près de la moitié de la population de cerfs du parc Michel-Chartrand planifiée par la Ville de Longueuil.

«Si la Ville ne fait rien, ils vont mourir de faim», poursuit le biologiste.

«C'est très bien d'avoir un milieu urbain où on retrouve des cerfs, mais il faut en contrôler la population.»  

– Marco Festa-Bianchet, directeur du département de biologie de l'Université de Sherbrooke

Une population d'herbivores comme celles du cerf de Virginie se multiplie facilement dans un espace vert comme le parc-nature de Longueuil, où le climat est doux et où il y a peu ou pas de prédateurs, souligne le professeur titulaire en écologie terrestre.

«Cette surpopulation aura des effets néfastes sur l'environnement, avance-t-il, en freinant la régénérescence du sous-bois et en compromettant l'habitat de différentes espèces, comme les oiseaux qui nichent au sol. Et ces effets négatifs vont se manifester bien avant que les cerfs meurent de faim.»

Stériliser ou relocaliser ?

Selon celui qui détient une maîtrise en zoologie et un doctorat en écologie comportementale, il n'existe pas vraiment d'autre solution que celle privilégiée par la Ville de Longueuil pour contrôler la surpopulation de cerfs de Virginie.

«L'option de les relocaliser, qui cause un grand stress à l'animal, s'accompagne d'un risque élevé de mortalité», souligne-t-il. Il cite en exemple une récente étude menée en Colombie-Britannique démontrant que la moitié des cerfs d'une population relocalisée étaient morts en l'espace d'un an.

«Et le tiers des survivants sont retournés en milieu urbain», ajoute-t-il.

Si la possibilité de relocaliser les bêtes dans un refuge comme le Miller Zoo semble plus intéressante aux yeux du chercheur et professeur, elle s'accompagne tout de même d'un risque de mortalité, ainsi que de coûts élevés.

L'option de la stérilisation – «très difficile et très coûteuse» – ne fonctionnera quant à elle que si au moins 80% des femelles sont opérées. Pourquoi les femelles?

«Parce que les mâles vont venir de l'extérieur et que ça n'en prend qu'un pour féconder toutes les femelles.»

«La stérilisation va donc fonctionner si la population est isolée, mais ce n'est pas le cas à Longueuil», précise-t-il.

Introduire des coyotes ?

La solution proposée par la députée de Marie-Victorin Catherine Fournier d'introduire des coyotes au parc Michel-Chartrand n'est pas viable non plus, selon Marco Festa-Bianchet.

«Les coyotes ne s'attaqueront pas aux chevreuils en milieu urbain parce qu'ils ont accès à d'autres types de nourriture beaucoup plus facilement, indique-t-il. Ils peuvent également s'attaquer aux animaux domestiques comme les chats et les chiens.»

L'argumentaire de la députée s'appuyait pourtant sur le Plan de gestion du coyote de la Ville de Montréal, datant de 2018, qui affirme que «dans les milieux ruraux, le coyote est un important prédateur de cervidés, et ce rôle semble pouvoir se transposer en milieux urbains».

Opération à répéter

Alors que la Ville de Longueuil souhaite ne pas devoir répéter cette opération d'euthanasie, Marco Festa-Bianchet croit plutôt qu'elle devrait prévoir des actions similaires aux trois ou quatre ans.

«On retrouve beaucoup de cerfs en milieu urbain parce que c’est un environnement que cet animal apprécie.»  

– Marco Festa-Bianchet, directeur du département de biologie de l’Université de Sherbrooke

«Ils ne vont pas régler le problème en en éliminant quinze cette année, affirme-t-il. Selon ce qu'on voit ailleurs, ce sera à nouveau nécessaire dans quelques années.»

«Ce qui ne veut pas dire qu'ils ne devraient pas le faire, poursuit-il. Et c'est très bien d'en enlever quinze plutôt que seulement trois ou quatre. Mais ce sera à répéter dans le futur.»

«Longueuil ne souhaite pas devoir répéter ce genre d’opération, réitère la Ville au Courrier du Sud. C’est pourquoi l’augmentation de la pression de chasse au boisé du Tremblay est importante et récurrente.»