Culture
Exposition Téléscopages: après la tempête, des mutations forcées
le mercredi 07 novembre 2018
Modifié à 9 h 30 min le 07 novembre 2018
ARTS VISUELS. C’est à regret que l’artiste Philippe Allard a dû démanteler son œuvre Arts plastiques – Déroulez le tapis blanc, installation qui attirait les regards des passants de la rue Saint-Charles. Le long mur de 3000 bidons de lave-glace entassés de façon symétrique devant la Maison de la culture a subi les contrecoups des forts vents et de jeunes malins qui ont tenté de l’escalader.
L’œuvre s’inscrit dans l’exposition Téléscopages, présentée à la Maison de la culture jusqu’au 23 décembre.
«C’était une installation éphémère… plus qu’on ne le souhaitait», admet Philippe Allard. Il a tout de même voulu lui donner une deuxième vie; un processus récurrent dans sa démarche artistique.
Les bidons occupent désormais le corridor central de la Maison de la culture; l’œuvre a été rebaptisée Arts plastiques – après la tempête.
Son message environnemental – peu importe la forme de l’œuvre – était fort et indéniable: une critique de la consommation de plastique qui pollue la planète.
[caption id="attachment_59435" align="alignright" width="485"] La deuxième mouture d’Arts plastiques[/caption]
Et l’artiste est aussi bien conscient de l’ironie derrière cette création, qui a nécessité des milliers de contenants.
Il a bien réussi à en grappiller quelque 600 ici et là, mais le besoin d’uniformité l’a forcé à en acheter 2400 directement d’un fournisseur.
«Il y a contradiction. Ça prend de la matière pour passer un message. Mais en même temps, tout cet amas de bouteilles, ça représente peut-être la consommation durant une journée d’hiver au Québec», estime-t-il.
Quant à l’oeuvre métamorphosée, son titre cadre bien avec l’ensemble de l’exposition Téléscopages, dont les œuvres sont issues d’un phénomène purement inventé par l’artiste, un «accident».
«Qu’arrive-t-il après le cataclysme, après la tempête? Les histoires post-apocalyptiques sont très à la mode. Les œuvres portent des titres tragicomiques qui évoquent cela.»
«Après l’accident» pose aussi la question, dans une perspective plus positive, de ce qui peut être fait pour consommer différemment, consommer moins.
Recherche formelle
[caption id="attachment_59434" align="alignleft" width="383"] L’exposition Téléscopages est présentée à la Maison de la culture jusqu’au 23 décembre.[/caption]
Les œuvres de la présente exposition gravitent toutes autour du thème de l’automobile, l’artiste employant des réflecteurs de voitures, des sacs gonflables, des pneus ou encore des parebrises comme matières premières.
L’artiste insiste sur la recherche formelle de sa démarche, au-delà de la critique environnementale des pièces qu’il crée.
«Utiliser les réflecteurs de voitures conférait une qualité optique à l’œuvre. Je pouvais faire réfléchir la lumière de plusieurs façons», donne-t-il en exemple.
Il souligne aussi «la régularité, le détournement de la fonction et la texture dans la répétition» qui composaient Arts plastiques dans sa forme originale.
Issu du milieu du design, Philippe Allard pourrait très bien s’imaginer créer des œuvres purement ludiques ou abstraites, sans message social.
L’artiste ne se formalise pas que ses installations aient un effet rébarbatif pour un certain public. «J’emploie le langage de mon époque. Ce sont des dispositifs propres à l’art contemporain d’aujourd’hui, justifie-t-il. J’essaie d’être le plus honnête possible par rapport à mes intentions, mes goûts. Je ne cherche pas à plaire à Monsieur-Madame Tout-le-monde.»
Les oeuvres monumentales, comme celle qui trônait devant la Maison de la culture, occupent une grande place dans le travail de Philippe Allard. La rue n’est pas seulement l’apanage du street art, est-il d’avis. Toutes les formes d’art ont cette portée.
«On m’a souvent accolé l’étiquette de street art. Mais j’ai juste le goût de sortir l’art de l’atelier et du centre d’artiste.»