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COVID-19

Fermeture des restaurants en zone rouge: de la compréhension à la colère

le mercredi 30 septembre 2020
Modifié à 11 h 35 min le 30 septembre 2020
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

La fermeture des bars et des salles à manger de restaurants s’appliquent peut-être à tous ces établissements qui tomberont en zone rouge dès mercredi minuit, mais tous n’ont pas réagi de la même façon à l’annonce du gouvernement. Le Courrier du Sud a discuté avec trois restaurateurs de la Rive-Sud, qui ont livré trois sons de cloches différents. «Justifiée» Philippe Haman, propriétaire et directeur général de La Distillerie no 4, dans l’arr. du Vieux-Longueuil, n’est pas tombé en bas de sa chaise lorsque le premier ministre a annoncé la fermeture des restaurants pour une période de 28 jours. En regard de l’augmentation marquée du nombre de cas, «c’était prévisible et inévitable». «L’objectif est clair: limiter le plus possible les contacts sociaux. Il fallait donc envoyer ce message clair» et agir en conséquence, expose celui qui est aussi propriétaire des trois bars La Distillerie à Montréal. «Au moins, on n’est pas en train de stigmatiser notre industrie. On ne nous a pas fait les boucs émissaires de tout ça», constate-t-il, le gouvernement n’ayant pas pointé du doigts les restaurants, où l’on a d’ailleurs remarqué peu d’éclosions. La rétention des employés demeure le premier de sa liste d’objectifs. «C’est important que l’on ne perde pas cette compétence et cette culture que l’on a bâties», évoque-t-il. À Longueuil, il compte une douzaine d’employés. Dans l’ensemble de ses établissements, La Distillerie emploie entre 30 et 35 employés, soit une vingtaine de moins qu’avant la pandémie. Malgré tout, Philippe Haman demeure optimiste.

«C’est rendu kitsch de le dire, mais ça va bien aller. On va trouver la joie dans le quotidien.» -Philippe Haman, propriétaire de La Distillerie
Il entend saisir cette occasion pour faire connaître davantage son offre de nourriture. Le sous-sol du restaurant abrite une cuisine qui dessert aussi ses bars, et M. Haman a également pour projet de revendre des produits à d’autres établissements. En plus des commandes pour emporter, le restaurant offrira la livraison dans un court rayon autour de l’établissement de la rue Saint-Charles. «Je ne sais pas si ça va survivre 28 jours, mais on essaie. Si des personnes veulent nous encourager, c’est important que ce soit simple.» Lors de la réouverture, La Distillerie avait revu ses stratégies, notamment en réduisant le nombre d’items à son menu. En cas de fermeture, cela fait moins de pertes. Les trois jours entre la conférence de presse et l’entrée en vigueur de la zone rouge font d’ailleurs «toute la différence», à son avis. «La gestion des aliments frais, c’est un enjeu, c’est très coûteux. Alors si on a l’opportunité de liquider du stock, même un peu, ça nous aidera.», soulevait M. Haman mardi. «Le même cauchemar» «Après 20 ans dans la restauration, j’ai vécu l’un des été les plus difficiles de ma vie.» C’est en ces termes qu’un restaurateur du Quartier DIX30, qui préfère ne pas être identifié, décrit les derniers mois. Son restaurant a suivi les consignes sanitaires à la lettre, assure-t-il, avec pour effet collatéral de devoir gérer une clientèle pas toujours au fait de ces directives. Le gouvernement et les médias ont beau avoir répété plusieurs fois «maximum de 10 personnes, d’un maximum de 3 adresses», le message n’a pas passé chez certains clients, a-t-il constaté à la dure. «Il y en a pour qui le déconfinement, ça signifiait : il n’y en a pas de problème. Les gens nous demandaient pourquoi on posait ces questions. On s’est fait insulter, traiter de tous les noms, des gens voyaient une conspiration», raconte-t-il. Il donne en exemple des gens d’affaires qui venaient pour un dîner: 4 personnes de 4 adresses, qui quittaient frustrés de n’avoir pu être servies. Une réalité qui démontre, croit ce restaurateur, que plusieurs ne suivent pas scrupuleusement les règles. Dans ce contexte, la fermeture des salles à manger, qui portera un dur coup aux restaurants, est d’autant plus frustrante. «Je ne comprends pas la décision du gouvernement, ça n’a pas de sens. Il faut laisser aller l’économie, plutôt que d’ouvrir et fermer constamment. Elle sera où la limite?» Il est d’ailleurs peu optimiste quant à la suite des choses, croyant que ces restrictions dureront plus d’un mois et que la fermeture des écoles et garderies pourrait suivre. «Dommage» Peu surpris, Jean-François Rondeau, propriétaire du Café Passion, à Saint-Lambert, trouve dommage que les restaurants doivent fermer à nouveau. «On ne devrait pas jouer comme ça, à ouvrir, fermer, ouvrir, fermer. À un moment, il faut prendre la décision.» Si la subvention salariale offerte par le fédéral lui a permis de souffler comme propriétaire, d’autant plus que la reprise de l’été a été «super positive», les répercussions sur les employés est ce qui «l’attriste le plus». Le restaurant de la rue Victoria emploie 27 personnes. «Ça pose l’enjeu de la rétention : si ça demeure aussi instable, les employés se trouveront peut-être un travail ailleurs.» M. Rondeau se considère somme toute chanceux, étant propriétaire d’un café à Montréal qui pourra demeurer ouvert en offrant des commandes pour emporter. Pour l’établissement de Saint-Lambert, il hésite à se lancer à nouveau dans cette formule. «Ma décision n’est pas encore prise. On a tenté l’expérience lors de la première fermeture et le volume de commandes, par rapport à ce que qui se fait sur place, c’est incomparable. J’étais seul pour préparer tout ça», détaille-t-il.