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Incendie de la rue Toulouse: cette nuit-là

le mardi 19 février 2019
Modifié à 12 h 18 min le 14 octobre 2022
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Janick Laroche vient de se coucher, 15 minutes plus tôt, lorsque les pompiers font le tour des appartements du 240-246, rue Toulouse. Il faut évacuer.

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Alors qu’il ne voit aucune trace de feu, ni même de fumée à proximité, Janick sort pour voir ce qu’il en est. Le feu a pris naissance à l’autre extrémité du bâtiment adjacent. Ils ont au moins le temps de s’habiller.

Janick, Catherine Veillette, Léonie et Frédérique se précipitent à l’extérieur. Les parents laissent les enfants en sécurité, dans la voiture, avant de retourner sauver les animaux de compagnie (le chat Luciole et le hérisson) et récupérer ce qu’ils peuvent.

Frédérique s’inquiète pour son amie Amélianne, qui habite aussi l’immeuble. Elle ne l’a pas vue dehors et a aperçu les flammes qui sortaient de son appartement.

Une policière s’approche de l’auto. «Elle nous a demandé où étaient nos parents. On a dit qu’ils étaient partis chercher des affaires. J’ai demandé à la policière si la maison qui était en feu a été évacuée et elle a dit oui. J’étais soulagée», raconte Frédérique, en manipulant nerveusement la boule de pâte à modeler qu’elle ne lâchera presque pas de toute l’entrevue.

Dans le bloc, toutes les portes d’appartements sont ouvertes, un léger brouillard s’immisce dans le couloir. Les pompiers continuent d’évacuer. Janick et Catherine ciblent facilement le hérisson, encore dans son bac. En compagnie d’une policière, ils retournent l’appartement dans tous les sens à la recherche de Luciole. «Un moment donné, la policière a dit "Ok, il faut y aller". Alors, j’ai ramassé deux sleeping bags et on est partis», se désole le père de famille.

Ils n’ont même pas pensé aux sacs de survie qui traînaient dans le garde-robe; des sacs que Janick avait préparés il y a longtemps, dans l’éventualité d’une catastrophe comme un tremblement de terre ou une inondation.

À ce moment, l’incendie ne s’est que peu propagé, les laissant croire que les pompiers pourront contrôler rapidement les flammes et les circonscrire à un seul immeuble. La famille se réfugie au Carrefour Mousseau, le temps que ça se calme.

Puis, Janick retourne sur les lieux. Cette fois, il passe derrière le bâtiment et constate l’ampleur du brasier. «Les panaches de fumée étaient vraiment très intenses. En 15 minutes, j’ai vu le feu traverser deux appartements au complet. J’ai appelé Catherine: "on ne rentre pas ici ce soir".»

Après la nuit passée chez le frère de Catherine, les réseaux sociaux leur ont appris l’état de la situation; le feu avait tout ravagé, les pompiers étaient encore sur place à éteindre les braises. «Jusqu’à ce que je revois le bloc, j’avais l’espoir d’aller récupérer les souvenirs des filles, les bijoux, relate Catherine. Jusqu’à la dernière minute, j’ai gardé espoir.»

Une discussion avec le pompier en chef fait comprendre à Janick que ce sera impossible de retourner sur les lieux. Au-delà des enjeux de sécurité – ce qui reste de la structure est très instable –, l’appartement du sous-sol est inaccessible.

«Il y a cinq pieds d’eau dans le logement. C’est gelé, un bloc de glace», annonce le pompier à Janick.

Avec le peu de recul que leur donnent les quelques jours les séparant des événements, ils constatent que la prudence, l’expérience et même leur bagage du milieu communautaire ne changent rien; impossible de se prémunir contre un tel drame.

«On a beau se préparer, je pensais à mes enfants, au chat, relate Catherine. Je n’ai jamais pensé à rien d’autre. C’est l’adrénaline, la survie.»  

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