Itinérante happée à Brossard : l’histoire suscite l’indignation
Alors qu’elle était en état d’itinérance derrière un commerce du boulevard Taschereau à Brossard, Caroline a été la cible d’un chauffard le 27 mai dernier. (Photo: Le Courrier du Sud – Sylvain Daignault)
Caroline, 44 ans, se tient péniblement debout, appuyée sur des béquilles, à quelques mètres de l’endroit où sa vie a basculé. C’est ici, le 27 mai, qu’un automobiliste aurait foncé délibérément sur elle, alors qu’elle campait sous des cèdres près de la rue Allard, à Brossard. Ce mardi, elle attend le début d’un point de presse organisé par des organismes communautaires locaux, rassemblés pour dénoncer la violence et la précarité auxquelles font face les personnes en situation d’itinérance.
«C’est mon tibia qui a été écrasé, mais les ligaments de ma cheville sont aussi touchés», confie Caroline, le pied droit emprisonné dans un imposant plâtre qui lui monte jusqu’au genou.
Hébergée temporairement chez son frère, dans un petit logement non loin de là, Caroline raconte qu’elle avait préféré chercher un endroit à elle pour ne pas trop déranger. «Ça faisait des jours qu’on promenait nos affaires sous la pluie mon ami et moi… Quand on a trouvé cet endroit, on s’est dit qu’on pourrait s’y poser un peu», se remémore-t-elle.
Mais moins de 24 heures après s’être installée avec son ami à l’abri des arbres, son quotidien a pris un tournant tragique. «On n’a rien fait pour provoquer ça. Il n’y avait ni bruit, ni déchets. Je ne comprends toujours pas», murmure-t-elle, les sanglots dans la voix.
Un geste condamnable, mais aussi un symptôme
Lors du point de presse, plusieurs représentants d’organismes sont intervenus pour dénoncer à la fois l’inhumanité de l’agression et le manque criant de ressources pour les personnes sans-abri.
«À Longueuil comme ailleurs, la rareté des logements abordables et une aide sociale insuffisante forcent des gens à vivre dans des campements. L’itinérance n’est pas un choix, c’est une conséquence. Tant qu’on ne s’y attaque pas, la détresse et la violence vont continuer», affirme Gilles Beauregard, coordonnateur de la Table Itinérance Rive-Sud.
L’histoire de Caroline, qui aurait pu connaître un dénouement tragique, a attiré l’attention des médias sur la crise de l’itinérance. (Photo: Le Courrier du Sud – Sylvain Daignault)
Même indignation du côté de Suzanne Demers, présidente de la TROC – Montérégie : «Ce n’est pas normal qu’en 2025, dans un Québec aussi riche, une femme doive dormir dehors et devienne la cible d’un acte haineux. Ce n’est pas un fait divers, c’est un échec collectif. Nous devons refuser de banaliser l’inacceptable.»
Crise du logement à Brossard : l’itinérance en hausse, s’alarment les intervenants
La récente montée de l’itinérance à Brossard inquiète les acteurs communautaires, qui dénoncent un manque criant de ressources pour les personnes en situation de précarité. Pour Sylvie St-Amant, coordonnatrice du Centre de femmes Com’Femme et membre active de la Table de concertation de Brossard, un geste survenu récemment vient souligner une réalité souvent occultée : celle des sans-abri dans une ville perçue comme prospère.
« Le manque de logements sociaux à Brossard est immense. On considère la ville comme aisée, mais ce n’est pas le cas pour tout le monde », affirme Mme St-Amant.
Comme plusieurs de ses collègues du milieu communautaire, elle redoute les conséquences de la possible fermeture de la Maison Chez Lise à Longueuil, un refuge important pour les personnes vulnérables. Une telle décision pourrait, selon elle, précipiter plusieurs résidents dans la rue. « Cette histoire met en lumière le manque de financement des organismes communautaires », déplore-t-elle.
Mme St-Amant appelle également à un changement de regard envers les personnes en situation d’itinérance. « Le pire qu’on peut faire, c’est de les ignorer. On peut les saluer, leur dire bonjour, leur demander s’ils ont besoin d’aide. Ce sont des êtres humains à part entière. »
La Table de concertation de Brossard a pour sa part rappelé qu’il n’existe que 109 logements sociaux dans une ville de près de 100 000 habitants, où 13 % des locataires vivent sous le seuil de la pauvreté.
«Je suis Caroline»
Invitée à prendre la parole, Caroline a lancé un appel à la solidarité et encouragé la population à signer une pétition réclamant un plan d’action d’envergure sur la crise du logement. À la fin de son allocution, plusieurs dizaines de femmes présentes ont entonné à l’unisson : «Je suis Caroline!»
Quant à l’auteur présumé de l’attaque, Luigi Fragomele, âgé de 46 ans, il fait face à quatre chefs d’accusation. Selon les premiers éléments de l’enquête, il aurait volontairement dirigé son véhicule vers la victime.
Absences politiques remarquées
Pour les organismes communautaires réunis à Brossard, l’histoire de Caroline incarne tragiquement les conséquences d’un désengagement social grandissant face à l’itinérance. Alors que la gravité de la situation aurait pu justifier une mobilisation politique plus large, les organisateurs déplorent l’absence quasi totale des élus de la région.
Tous avaient été invités à assister à la conférence de presse, mais seule une représentante de la députée fédérale Sherry Romanado (Longueuil—Charles-LeMoyne) a répondu présente.