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« Je quitte au sommet ! » lance Pierre Petroni

le mardi 15 mai 2018
Modifié à 11 h 14 min le 15 mai 2018
Par Jonathan Tremblay

jtremblay@gravitemedia.com

Plus de 26 ans de hockey à Longueuil

Son dernier match à titre d’entraîneur du Collège Français de Longueuil − une défaite de 10 à 1 le 6 mai − ne s’est pas avéré à l’image de la carrière couronnée de succès de Pierre Petroni derrière le banc d’équipes juniors. Ce sont les 14 finales, dont 8 desquelles il est sorti vainqueur, qui ont fait la réputation de l’entraîneur, directeur général et propriétaire du CF. Non, il ne se trouvera désormais plus derrière le banc ni dans le vestiaire, mais Pierre Petroni conservera jusqu’à nouvel ordre ses titres de propriétaire et directeur général de la formation évoluant au sein de la Ligue de hockey junior AAA du Québec (LHJAAAQ). Il s’agit d’une décision longuement réfléchie que l’ex-entraîneur a récemment prise et qu’il a annoncée au Courrier du Sud, lors d’une entrevue au cours de laquelle l’homme derrière l’entraîneur a livré ses états d’âme sur sa carrière. «Ça me trottait dans la tête depuis quelques années, avoue Pierre Petroni, serein. J’ai été malade cette année et l’émotion était palpable. Je pleurais facilement. Dans la vie, tu le sens quand tu dois quitter et je le fais au sommet. Est-ce que je pourrais continuer? Oui. Mais ça demande beaucoup de temps et c’est une des raisons pour lesquelles j’ai été malade.» Les joueurs qu’il a dirigés cette saison ont été mis au parfum de la nouvelle au terme du calendrier. Rivalités et moments inoubliables Est-ce que les dernières saisons étaient une question d’orgueil? Un désir de vengeance face aux rivaux du CF, les Cobras de Terrebonne, et de leur entraîneur Robert Dubuc? «Non, pas du tout. J’ai fait ces années-là parce que j’avais un bon groupe, souligne Pierre Petroni. Des gars comme Maxime Chagnon et Samuel Sénécal, qui ont commencé il y a quatre ans, me poussaient à rester. Mon capitaine va beaucoup me manquer, il m’a laissé des souvenirs incroyables.» Les souvenirs; comment en fait-on le tri lorsqu’on en a une panoplie? Y en a-t-il de meilleurs que d’autres? «Ce sont tous de bons souvenirs. Mon plus beau serait probablement toute la qualité humaine que j’ai rencontrée. Celle de mes joueurs comme du personnel qui m’entourait. Tu ne peux pas gagner si tu n’as pas de qualités exceptionnelles. Les équipes sont de grosses familles. On est toujours ensemble à l’aréna.» Mais s’il avait à mettre le doigt sur un seul moment mémorable, Pierre Petroni choisirait les championnats canadiens de 1990 – ancêtre de la Coupe Fred Page −, à une époque où les équipes se disputaient des séries 4 de 7 et alors qu’il dirigeait les Sieurs de Longueuil. «C’est sûr que cette année-là était super le fun. C’était Bob Hartley qui coachait les Hawks de Hawkesbury, de sa ville natale. On a gagné en cinq matchs même si je nous croyais battus d’avance, se remémore Petroni. Et ensuite, contre Sudbury, on a gagné les trois premiers matchs, perdu les trois suivants et gagné le septième à la maison.» Les Sieurs avaient finalement perdu en demi-finale à Vernon, en Colombie-Britannique. «Ç’a été une année extraordinaire», réaffirme-t-il. Un dur au cœur tendre Diriger, d’hier à aujourd’hui, a nécessité une capacité d’adaptation chez plusieurs entraîneurs de carrière. Pierre Petroni n’a pas fait exception à la règle. «J’ai lu beaucoup sur les nouvelles générations. Pour moi, c’est important de voir le leadership et les nouvelles motivations, de trouver les méthodes pour que ces gens-là performent. C’était ma force de mener les joueurs à un autre niveau», relate-t-il. «Tout mon entourage a fait en sorte que j’étais meilleur. Je laissais beaucoup de responsabilités de l’aspect hockey aux autres entraîneurs. Ces gens-là m’ont beaucoup apporté. Une chance que je les ai eus. Dans le temps, tu avais un coach, un assistant, un trainer, et c’était tout. Tu devais t’occuper de tout. C’était très différent.» Considéré comme un mentor pour certains, il en a également fait baver plus d’un. Il ne se perçoit toutefois pas comme un bourreau. «Je n’étais pas tough comme entraîneur, mais il ne fallait pas que tu piles sur mon orteil, explique Petroni. Je savais ce que je voulais et ce que je ne voulais pas. Je ne pouvais pas diriger un joueur qui ne donnait pas son plein rendement. J’aime diriger les gars qui ont des personnalités fortes.» «Avec la majorité de mes joueurs, on pouvait jaser et ils savaient où je voulais aller. Si un gars se laissait traîner les pieds, il était conscient qu’il ne pouvait pas rester chez nous. C’était impossible. C’est la raison du succès», continue-t-il. Au-delà du don de soi Un entraîneur de calibre junior ne compte pas ses heures. Avec le travail, et le temps passé à l’aréna, rares sont les journées de moins de 12 heures de labeur. Mais selon Pierre Petroni, la récompense va plus loin que le don de soi. «Ça nous apporte de la fierté. Pour moi, ma job de vie et d’entraîneur, c’est la même chose. Je suis consultant. Mon but, c’est qu’on gagne et qu’on atteigne les plus hauts sommets dans les deux cas. La seule différence, c’est que dans le sport, il y a l’aspect très émotif de la game, de la victoire. C’est une adrénaline incroyable.» Et qu’est-ce que le coaching lui a appris de plus important? «Que les joueurs t’apportent autant que ce que tu leur apportes. J’ai eu une influence positive dans leur vie, je les vois aller aujourd’hui et je sais qu’ils seront de super personnes. On a une influence positive sur eux et ils nous le remettent.» Un soutien familial primordial Pierre Petroni ne s’en cache pas; le hockey a toujours empiété sur sa vie familiale. «Les gens qui sont dans ma vie vivent ma passion avec moi. J’ai toujours été bien appuyé par ma femme et ma fille», confirme-t-il. Cette dernière a 31 ans, et des heures dans des arénas, elle en a passées. Ce qu’elle ne s’est vraisemblablement pas tannée de faire pour son père. «Elle est venue à Ottawa, encore cette année, pour encourager son papa à la Coupe Fred Page», révèle l’homme de 60 ans. Un parcours en deux temps Le 13 août 1986, Pierre Petroni est nommé entraîneur-chef des Sieurs de Longueuil, à la suite d’une carrière de joueur dans les rangs du junior B – l’équivalent du junior AAA à l’époque – et d’un passage avec les Patriotes de l’Université de Trois-Rivières durant ses études. En 1990-1991, il dirige les Olympiques de Montréal, et la formation remporte le championnat pour une troisième année consécutive. Après quatre saisons à la tête des Sieurs, Pierre Petroni dirige le défunt Laser de Saint-Hyacinthe dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ), le temps de deux saisons, de 1991 à 1993. Le célèbre gardien de but Martin Brodeur fait alors partie de la formation, tout comme l’ancien attaquant du Canadien de Montréal Patrick Poulin. Pourquoi ne pas avoir tenté de refaire le saut dans une ligue supérieure par la suite? «Il y a eu une possibilité avec Shawinigan, mais le projet a avorté question de salaire, admet Petroni. Rendu là, c’est une question d’opportunisme. C’est aussi simple que ça. Je n’ai aucun regret de ne pas avoir entraîné à un plus haut niveau. Mon emploi a toujours été trop bien pour que ça vaille la peine de l’abandonner pour le hockey», laisse-t-il entendre. Pendant la saison 1993-1994, il dirige à Saint-Hubert avant de prendre une courte pause. Puis, un match d’anciens lui redonne la piqûre et une offre arrive sur la table. C’est ainsi qu’il reprend les rênes en 1998 à La Prairie, sous la gouverne de Pierre Mouton, avant de prendre la direction de Joliette pour une courte période lors de la saison 1999-2000. Depuis 2000-2001, le CF présente une équipe compétitive avec Pierre Petroni à sa barre. Au cours des neuf dernières années, la formation a cumulé sept finales et cinq championnats. «Cette année, on n’avait pas un gros club au début, il fallait être réaliste. On avait quelques bons éléments mais offensivement, il nous manquait des attaquants. On a malgré tout commencé l’année fort. On n’a jamais perdu le premier rang, avec une excellente fiche. Je ne veux pas me souvenir de la dernière game, mais de notre saison au complet.» Au total, Pierre Petroni a pris part à 26 des 32 dernières saisons de hockey junior québécois. Ils l’ont côtoyé «C’est encore un ami à ce jour. On a une relation particulière. J’étais dans son équipe à ses quatre premières années comme entraîneur. C’est un motivateur qui tire toujours le meilleur de ses joueurs, un gars avec un franc-parler qui peut déplaire, qui ne se gêne pas quand il a quelque chose à dire. Même s’il en a dérangé certains, il a influencé beaucoup de vies. Ça dépasse le hockey avec Pierre.» -  Marc-Alain Duchaîne, ancien des Sieurs et joueur le plus utile de la ligue en 1989 «J’ai commencé dans cette ligue en même temps que lui. Il était déjà un monument dans son coin et il est devenu quelqu’un qui a fait énormément pour la ligue. On ne peut que lui lever notre chapeau. Je n’en reviens pas de la passion qu’il a encore et de l’énergie qu’il met sur le modèle collectif qu’il a bâti autour de son équipe, où chacun sent qu’il contribue. C’est un apport important pour la ligue.» - Jacques Laporte, commissaire de la LHJAAAQ «Pierre a été un homme de parole tout au long de mon séjour; un passionné avec un sens de l’humour incroyable. On avait une connexion spéciale. Même quand il essayait de me chicaner, il ne pouvait s’empêcher de rire. Peu importe l’âge, il y allait avec l’effort du joueur. Si tu ne faisais pas l’affaire, dehors!» - Victor Beaulac, ancien du CF (2010-2013) et vainqueur de deux coupes NAPA «Pierre est un passionné comme il ne s’en fait plus. Ce qui va toujours rester gravé dans ma mémoire, c’est ce qu’il m’a dit après le dernier match de la saison 2011. On avait la chance de finir premiers au classement général si on battait Lennoxville. On a perdu, mais après la rencontre, Pierre m’a regardé dans les yeux et m’a dit: ‘’On va gagner les séries cette année, je te le dis.’’ L’histoire lui a donné raison! C’est la première chose que je lui ai rappelée une fois la finale terminée. C’était vraiment spécial comme moment.» - Félix Levasseur, ancien du CF (2011) «Pierre a été un de mes entraîneurs préférés. Un homme rempli d’énergie positive; un entraîneur attentionné envers ses joueurs, qui savait comment obtenir le meilleur d’eux en conservant une ambiance le fun et excitante!» - Hugo Belanger, ancien des Sieurs (1988-1989), repêché par les Blackhawks de Chicago en 1990