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«J’étais certaine que dans le monde où l’on vit, une telle guerre ne pouvait pas durer» − Lilia Yukhymchuk

le mardi 05 juillet 2022
Modifié à 22 h 17 min le 05 juillet 2022
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Lilia Yukhymchuk et ses fils Vladyslav (5 ans) et Volodymyr (10 ans). (Photo: Le Courrier du Sud – Denis Germain)

Même si la guerre en Ukraine sévit depuis plus de 125 jours, l’incrédulité habite encore Lilia Yukhymchuk face à ce conflit qui l’a expulsée, elle et ses fils, de son pays natal. Au Québec depuis mars, elle est reconnaissante de l’accueil chaleureux, mais son inquiétude persiste, alors que son mari est resté derrière. 

C’est aussi ce sentiment d’incrédulité qui l’a prise lorsque les premiers soldats russes ont foulé le sol ukrainien. Elle peinait à croire ce qu’il se passait, lorsque son mari l’a réveillée à 5h du matin pour lui dire que c’était la guerre. 

Le mari de Mme Yukhymchuk, à qui il est interdit de quitter l’Ukraine, leur a suggéré de fuir vers la Pologne, la frontière la plus proche. Le jour de leur départ, ils entendaient des sirènes et une roquette menaçait de tomber sur leur ville, Dubna. 

«On pensait que la guerre durerait deux ou trois jours. Il m’a promis que ce serait réglé très vite et que l’on reviendrait à la maison. Mais le temps a passé…», témoigne Lilia Yukhymchuk, en ukrainien. 

La Lambertoise Ekaterina Lavrentyeva, qui a mis le Journal en contact avec Mme Yukhymchuk, a gentiment traduit ses propos durant l’entretien.

La vie à l’hôtel en Pologne devenant dispendieuse, son mari les a incités à venir au Canada, qui ouvrait ses portes aux réfugiés.

«J’ai eu une grande panique. Je n’avais jamais pris l’avion sans lui. On ne s’était jamais séparé plus que deux jours, une semaine maximum», raconte-t-elle.

Pour une rare fois durant la rencontre, le visage de cette jeune femme souriante s’assombrit, des larmes étouffant sa voix. 

«La panique était tellement intense que physiquement, j’étais incapable de me lever du lit, de lever mon bras pour me brosser les dents», se remémore-t-elle.

Prière exaucée

C’est en quelque sorte des circonstances administratives et – peut-être – une intervention divine qui ont convaincu Mme Yukhymchuk de s’envoler pour le Canada. 

«J’ai fait une prière : mon Dieu, si c’est une bonne chose pour moi d’aller au Canada, que mes documents soient faits vraiment vite!», lance-t-elle. 

À l’ambassade, Lilia Yukhymchuk a pu passer le jour même de sa visite, malgré sa 99e place sur la liste.

Bon coeur

(Photo: Le Courrier du Sud - Denis Germain)

La mère et ses fils Volodymyr et Vladyslav sont arrivés le 24 mars. Ils ont été hébergés quelques temps chez son beau-frère, dans l’arr. de Saint-Hubert.

Puis, une bénévole à l’église ukrainienne de Saint-Lambert lui a suggéré de fournir une photo et une courte description de sa famille au propriétaire d’un logement du Loggia Saint-Lambert, qui souhaitait apporter son aide à une famille.

«Deux jours plus tard, on a eu la réponse: "On ne peut pas aider tout l’Ukraine, mais on peut aider une famille".»
Mme Yukhymchuk et ses fils vivent dans le logement gratuitement pour un an. L’appartement est meublé et tout équipé. La communauté de Saint-Lambert a également offert des jouets aux enfants. 

«Je suis très reconnaissante. Les gens sont très sincères et généreux, tous veulent aider et ont très bon cœur!» partage la mère de famille.

Elle occupe aussi un emploi au Loggia. Elle nettoie les logements une fois que les ouvriers ont terminé de les aménager pour les futurs propriétaires. 

La jeune femme espère pouvoir apprendre bientôt le français, «pour bien communiquer et bien faire mon travail», a-t-elle indiqué. 

Inquiétudes
Volodymyr et Vladyslav, qui fréquentent l’école primaire Rabeau, ont quant à eux déjà commencé à apprendre la langue. 

«Lors d’une rencontre de parents, le professeur a dit que Volodymyr est très gentil et que c’est un vrai diamant! soutient la maman, fière. Il réussit tellement bien que le professeur a demandé s’il avait déjà appris le français en Ukraine!»

Ses deux fils s’adaptent bien à leur nouvelle réalité, mais s’ennuient de leur père.

Mme Yukhymchuk parle à son mari plusieurs fois par jour. «Aussitôt qu’il se lève le matin, il m’appelle pour savoir si tout va bien», précise-t-elle.

Il va sans dire qu’elle aussi s’inquiète pour lui, qui amasse de la nourriture envoyée aux sinistrés. 

«Le plus difficile est d’être ici et de savoir que l’on ne peut rien faire pour ceux restés en Ukraine. Je me souviens tout le temps qu’il y a beaucoup d’enfants qui sont en train de souffrir et que je ne peux pas aider.»
-Lilia Yukhymchuk

Pense-t-elle retourner en Ukraine? La jeune femme marque une longue pause, alors que la guerre ne semble lui donner qu’une perspective à court terme de l’avenir.

«Je ne sais pas quoi répondre, reconnait-elle. Si la guerre était finie, ce serait plus simple de décider. Mais en ce moment, on ne sait pas où ça peut tomber. Je dis à tout le monde qui est resté de quitter.» 

«Personne ne pensait que ça les toucherait, poursuit-elle. Les Ukrainiens qui tardent à partir ont sans doute le même sentiment. Ils croient jusqu’au dernier moment que ça ne leur arrivera pas.»

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