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La famille Ho Huu donne dans l’ombre

le mardi 08 janvier 2019
Modifié à 8 h 00 min le 08 janvier 2019
Par Maryanne Dupuis

mdupuis@gravitemedia.com

GÉNÉROSITÉ. Ils ont quitté un Vietnam en cendres en 1975 et sont arrivés au Québec quelques semaines plus tard, les mains vides, devant tout recommencer à zéro avec leurs six enfants. Hien Ho Huu et Dien Chi Thi Nguyen ont reconstruit leur vie et redonnent généreusement à la communauté, dont la Fondation de l’Hôpital Charles-LeMoyne, depuis plusieurs années. Pour échapper au chaos d’après-guerre, la famille Ho Huu a fui le pays et est venue s’établir au Québec. C’était en 1975, après une vingtaine d’années de guerre civile. Le père, la mère – enceinte et à quelques jours d’accoucher – ainsi que les cinq enfants ont pris place dans une embarcation de fortune et ont passé 11 jours dans la mer de Chine. «Certains s’en rappellent, nous étions affamés et assoiffés, raconte une des filles du couple, Phuong Anh Ho Huu. Heureusement, nous sommes arrivés sains et saufs sur une première terre d’accueil: la Thaïlande. Le pays nous a accueillis en tant que réfugiés politiques.» Quatre jours après son arrivée en sol thaïlandais, la famille s’est agrandie, la maman ayant donné naissance à son sixième enfant. Une semaine plus tard, ils prenaient tous l’avion pour venir s’établir au Québec, où un proche installé depuis plusieurs années. Ce dernier a accepté de se porter garant de la famille afin qu’elle puisse immigrer. Tout laisser derrière Dans leur pays d’origine, M. Ho Huu était lieutenant-colonel dans l’armée de l’air du sud du Vietnam tandis que sa conjointe occupait un poste d’enseignante en français dans un lycée. «Mes parents étaient relativement aisés, explique Phuong Anh Ho Huu. Ils possédaient plusieurs rizières et étaient propriétaires de quelques villas; leur idée était de donner plus tard une maison à chacun de leurs enfants.» «Une des grandes qualités de papa – mais qui peut aussi parfois être un défaut – est qu’il a toujours été un éternel optimiste, ajoute-t-elle. Il n’a jamais envisagé qu’un jour, nous perdrions la guerre. Par conséquent, il a attendu que le régime tombe, le 30 avril 1975, pour fuir le pays in extremis. Mes parents ont tout laissé derrière; ils sont vraiment partis les mains vides.» À leur arrivée au Québec, Hien Ho Huu et Dien Chi Thi Nguyen ont dû travailler très fort pour tout reconstruire et pour réussir à subvenir aux besoins de leurs enfants. Le père de famille a occupé un emploi de fleuriste quelques mois, tout en étudiant le soir pour obtenir un diplôme d’opérateur d’ordinateurs. Après avoir complété sa formation d’un an, il a été engagé chez Rona, où il a travaillé durant 21 ans, jusqu’à sa retraite. Mme Nguyen a travaillé dans une manufacture de vêtements pendant un an, puis comme commis de bureau chez Rona. Avec la vague de mises à pied au début des années 1980 et avec six enfants en bas âge, elle a pris la décision de s’occuper de sa famille à temps plein. En 1978, le couple acheté sa première maison à Longueuil, où il habite encore à ce jour. «Mes parents sont économes et ont fait beaucoup de sacrifices, explique leur fille. Nous ne manquions de rien, mais il n’y avait pas de superflu; pas de repas au restaurant, pas de voyages, pas de loisirs autre que de s’occuper de leur magnifique jardin de fleurs et de leur potager. Nos parents sont de fervents bouddhistes; ils mènent une vie contemplative et sont heureux dans les petites choses.» De grands donateurs En 2001, Dien Chi Thi Nguyen a été victime d’un accident vasculaire cérébral (ACV) et a été traitée à l’hôpital Charles-LeMoyne. Depuis ce jour, son mari et elle, qui soutiennent déjà de nombreuses œuvres caritatives, remettent chaque année un don à la Fondation de l’Hôpital. Lorsqu’ils ont atteint les 1000$ en dons à la Fondation HCLM, cette dernière a souhaité les inscrire sur sa liste officielle de donateurs, chose que le couple a refusé puisque dans la philosophie bouddhiste, les dons revêtent une plus grande valeur s’ils sont faits de manière anonyme. Puis, en 2018, le couple d’octogénaires a remis 50 000$ à la Fondation, toujours en tout anonymat. Mais devant une telle générosité, la Fondation a voulu dévoiler une plaque à l’honneur des deux grands donateurs, offre qu’ils ont fini par accepter, pour plusieurs raisons. «Une des raisons est d’abord pour exprimer leur gratitude envers l’Hôpital Charles-LeMoyne et envers tout le Québec, notre terre d’accueil, mentionne leur fille Phuong Anh Ho Huu. Mais surtout, ils ont accepté pour que les prochaines générations se souviennent et soient fiers de leurs origines, de leurs ancêtres.» [caption id="attachment_61641" align="alignright" width="418"] Hien Ho Huu et Dien Chi Thi Nguyen, au centre, ont reçu une plaque soulignant leur généreux don.[/caption] À la fin octobre, toute la famille s’est donc réunie pour le dévoilement de la plaque honorifique, à l’Hôpital. «À nos yeux, papa et maman personnifient la droiture, la force tranquille, le travail acharné, l’optimisme, la détermination, le courage, l’honnêteté, la bienveillance, la résilience... Ces valeurs qu’ils nous ont inculquées, nous tentons aujourd’hui de les inculquer à nos enfants, qui, à leur tour, les inculqueront à leur descendance», conclut-elle.