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La santé publique, pour un peu plus de justice sociale

le mardi 20 août 2019
Modifié à 16 h 37 min le 20 août 2019
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Récipiendaire du prix Jeunes chefs de file de l’Association médicale canadienne (AMC), le Dr David-Martin Milot multiplie les projets dont le dénominateur commun pourrait bien être de combler son désir de justice sociale. La santé publique et la prévention sont les chemins qu’il emprunte pour y parvenir. Médecin-conseil à la Direction de la santé publique du CISSS Montérégie-Centre, le Dr David-Martin Milot est également professeur à la Faculté de médecine et des sciences de la santé et chercheur en toxicomanie à l'Université de Sherbrooke. Il revient tout juste de Paris, où il a pris part à un colloque international portant notamment sur les politiques publiques encadrant les drogues. Il a terminé une surspécialité à Paris et à Londres en addictologie et en mobilisation citoyenne autour des déterminants de la santé. Lumière sur la santé publique Il est rare d’entendre des politiciens promettre des investissements massifs en santé publique et en prévention. Débourser maintenant et ressentir les effets bénéfiques dans 10 ou 15 ans n’est pas tout à fait compatible avec le mandat de 4 ans pour lequel ils tentent se faire élire. À la suite des coupes qui amputaient du tiers le budget de la santé publique en 2015, David-Martin Milot et d’autres médecins en début de carrière ont fondé Jeunes médecins pour la santé publique. «Nous voulions davantage participer au débat, donner cet angle plus global qui manque parfois. On ne pense pas toujours au big picture. Et dans ce big picture, les personnes vulnérables sont le plus souvent oubliées.»

«Il faut se rappeler que nous avons un système de santé, plutôt qu’un système de soins.» - Dr David-Martin Milot
Le travail de sensibilisation et d’éducation doit néanmoins se faire «des deux côtés», tant chez les politiciens, qui doivent comprendre l’intérêt de l’approche scientifique pour prendre les meilleures décisions, que chez les scientifiques. Ces derniers auraient avantage, croit le Dr Milot, à mieux vulgariser leurs recherches, mettre de l’avant les résultats et participer à l’implantation de leurs recommandations. Son prix de l’Association médicale canadienne lui offrira d’ailleurs la tribune pour faire davantage connaître la santé publique auprès de ses collègues. «On est souvent vu comme des pelleteux de nuage, on a un langage qui est différent. Je crois que ça permettra d’améliorer la compréhension du milieu clinique envers la santé publique, et vice versa.» Le rôle social du médecin Il a beau être médecin lui-même, David-Martin Milot estime que l’avis de ces derniers pèse parfois trop lourd dans la prise de décisions et estime que la position sociale du médecin doit être «réajustée». «On leur prête parfois une expertise qu’ils n’ont pas et les médecins n’ont pas toujours tendance à dire "c’est au-delà des limites de ma connaissance"», avance celui qui avait d’abord songé à une carrière comme travailleur social. Il ose aussi s’aventurer sur le terrain de la rémunération des médecins qui est, selon lui, «exagérée». «Concentrer la richesse dans les mains de quelques individus, ça peut avoir une incidence sur la population, globalement, quand on sait que le revenu est un des déterminants principaux de la santé de la population.» Aller vers les personnes marginalisées Au sein de l’OSBL Médecins du monde, le Dr Milot a contribué à la mise en place de cliniques mobiles, dont une à Montréal. Ces cliniques se rendent là où les services publics ne sont pas et accueillent les personnes vulnérables et marginalisées. Des infirmières et des travailleurs sociaux, entre autres, répondent à leurs besoins et les dirigent vers les ressources disponibles. Le but n’est pas de dédoubler les services publics, mais bien de compléter l’offre des programmes existants, de «patcher les trous». «Mais notre but ultime, ce serait de ne plus devoir exister, que les services publics reprennent ce que l’on fait.» Drogues: de la prévention chez les enfants en Colombie David-Martin Milot prend également part à un projet de prévention de la consommation de drogues chez les enfants et adolescents en Colombie. La consommation de drogues affecte les jeunes plus tôt que ce que l’on peut voir au Canada et les substances diffèrent, compare-t-il. La cocaïne sale (issue des résidus de la production de cocaïne) est une des substances de prédilection. Le programme mise beaucoup sur les arts et le sport pour aider les adolescents dépendants à la drogue, en offrant des activités encadrées par des art-thérapeutes et sport-thérapeutes. «Les jeunes disent souvent qu’ils n’ont rien à faire. Ils se tiennent avec leurs amis, qui consomment, et c’est comme ça qu’ils finissent par consommer aussi. On veut donc leur donner d’autres choix, que le sport et les arts deviennent l’option A.» Chez les enfants en bas âge, l’approche évite d’aborder spécifiquement les drogues, mais mise sur l’acquisition de compétences personnelles et sociales (estime de soi, résistance à l’influence des pairs, importance d’une santé mentale positive, où c’est une passion et non la drogue qui sert à oublier les problèmes).