ANALYSE. Selon le directeur du Centre d’expertise et de formation sur les intégrismes religieux et la radicalisation (CEFIR) de la Rive-Sud, Martin Geoffroy, le drame survenu à Québec dimanche soir n’est pas une surprise.
Pour cet expert en matière de radicalisation, les discours haineux distillés par certains hommes politiques ou médias donnent la légitimité à de tels actes.
«Lorsque le président américain Donald Trump a signé son décret « anti-immigration », j’étais persuadé qu’il se produirait quelque chose dans les jours suivants, a confié Martin Geoffroy au Courrier du Sud, lundi. Quand un gouvernement comme celui des États-Unis prend de telles décisions, cela ne peut que favoriser les discours haineux, les actes xénophobes et violents.»
M. Geoffroy fait allusion au décret signé le 27 janvier par Donald Trump interdisant l’entrée aux États-Unis de réfugiés et ressortissants de Somalie, de Libye, de Syrie, d’Iran, d’Irak, du Yémen et du Soudan pendant 90 jours.
Le poids des mots
Le spécialiste a également souligné l’importance des termes utilités dans les médias.
«Un journaliste s’est ouvertement dit surpris qu’un acte terroriste puisse être perpétré sur la communauté musulmane; il a parlé de « terrorisme renversé », a indiqué Martin Geoffroy. C’est choquant de ne pas savoir en tant que journaliste que le terrorisme a plusieurs visages et qu’il ne relève ni d’une religion ni d’une culture en particulier. J’ai été horripilé d’entendre cela.»
Le directeur du CEFIR a d’ailleurs rappelé que les musulmans étaient les principales victimes du terrorisme dans le monde et que la radicalisation pouvait prendre bien des formes idéologiques, comme celle de l’extrême droite.
«Des chroniqueurs de grands médias alimentent ouvertement ces discours anti-immigration et anti-multiculturalisme, ajoute-t-il. Cela ne fait qu’attiser les peurs.»
Pour le chercheur, il s’agit donc de faire une «introspection profonde en tant que société» et ne pas autoriser les discours de haine au nom de la liberté d’expression.
Place à l’éducation
«Malheureusement, dans notre société où les discours rationnels ont moins de poids que les discours de peur et les approches perceptuelles, il est plus difficile de se faire entendre et on se fait souvent décrédibiliser, explique le chercheur. Aujourd’hui, le gouvernement investit beaucoup dans l’intervention et la répression, mais très peu dans la recherche. On travaille toujours avec peu de moyens. J’espère que tout cela va changer.»
Le CEFIR, qui travaille sur tous les intégrismes religieux et les phénomènes de radicalisation, continue de promouvoir l’éducation populaire comme principale arme contre l’extrémisme et la violence. Il fera d’ailleurs partie de la Chaire en prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violent de l’UNESCO dès le mois d’avril.
