Culture

Le photographe Bertrand Carrière récompensé par le Conseil des arts de Longueuil

le vendredi 12 octobre 2018
Modifié à 15 h 23 min le 12 octobre 2018
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

ENTREVUE. Le photographe Bertrand Carrière l’admet d’emblée: il vit une bonne année. Entre des expositions en préparation, le travail sur une monographie à publier avec Plein sud et une résidence en création de six mois à Londres qui s’en vient, il a récolté le prix Reconnaissance Desjardins du Conseil des arts de Longueuil, qui souligne l’excellence de l’ensemble de son parcours professionnel. L’exposition que le photographe de Longueuil prépare actuellement pour le Centre VU à Québec est le résultat d’une résidence à Glasgow, en Écosse, cet été. Il partage aussi son temps à l’élaboration d’une grande exposition qui sera présentée à la Cinémathèque québécoise, à Montréal, et qui dresse un portrait de tout son travail portant sur le cinéma depuis les trois dernières décennies. L’exposition ne s’attarde pas à ses films – car il compte aussi cette corde à son arc – mais plutôt aux photos qu’il a faites à partir de la collection de la cinémathèque québécoise. «C’est un peu compliqué à expliquer comme ça au téléphone», reconnait-il, en entrevue avec <@Ri>Le Courrier du Sud<@$p>. Pour ce photographe de plateau de métier, le cinéma peut aussi être objet photographique. L’utilisation de la caméra de cinéma pour faire des photographies fait d’ailleurs partie de sa démarche; une façon de revisiter l’héritage photographique à la base du septième art. «Ça permet de montrer la durée des choses. En montrant une séquence d’images, on montre le temps, un morceau de temps. Et en une seconde, ça se transforme rapidement.» Anti-spectaculaire La photographie comme pratique quotidienne, qui nécessite une grande observation de ce qui l’entoure, est une autre approche qu’il privilégie. «Ce que j’aime, dans l’ensemble du travail, c’est l’anti-spectaculaire. Je fais un pied de nez à la photographie sportive, à la photographie de presse, qui montrent l’extraordinaire, à l’autre bout du monde, évoque-t-il. L’extraordinaire peut se trouver à ma porte. J’écoute… avec les yeux.» Celui qui a fait beaucoup de photographie noir et blanc remarque dans sa carrière un tournant, au début des années 2000, où il a privilégié la couleur – alors qu’il ne réservait cette dernière que pour son travail commercial. «Le noir et blanc suggère déjà un niveau d’abstraction. La couleur demande un effort supplémentaire. Il y avait cette volonté d’aller plus loin.» Numérique La révolution numérique a certes transformé son métier, contribué à la prolifération des images et multiplié le nombre de photographes amateurs. Mais si Bertrand Carrière dit à la blague que «tout le monde peut être photographe jusqu’à ce qu’il trouve le bouton manuel sur l’appareil», il ne voit pas cette démocratisation de la photographie d’un mauvais œil. «Il n’est pas question de se rebeller ou de lever le nez là-dessus. Il faut l’embrasser, y participer de façon intelligente.» Après tout, le cellulaire demeure, comme l’appareil photo, un outil qu’il faut maîtriser, croit-il. «L’amateur moyen peut être aussi équipé que le professionnel. L’important, ce n’est pas la machine, mais toi, ta sensibilité, ta vision.» La plus grande circulation des images contribue aussi à une plus grande accessibilité des livres de photographie. Une joie pour ce «boulimique» doté d’une bibliothèque bien garnie, se disant entre autre inspiré par la photographie japonaise, anglaise et des pays de l’Est. Le numérique lui aura aussi permis de travailler autrement, avec des collaborateurs comme des retoucheurs et imprimeurs, notamment. 40 ans de métier Les nombreux projets qui s’en viennent pour Bertrand Carrière sont aussi l’occasion de replonger dans ses archives cumulées en 40 ans de métier. Il estime que du matériel qui n’a pas été publié ou valorisé pourrait bien sortir de l’ombre. Cet été, à Glasgow, il avait emporté avec lui deux bobines de films qu’il avait faites à l’âge de 20 ans, lors d’un voyage en Écosse. «J’ai regardé ces photos. Ce sont des images que j’aurais pu faire hier. En 40 ans, c’est toujours là, les mêmes préoccupations. Je ne dirais pas que c’est troublant, réfléchit-il. C’est joyeux.» Le prix Reconnaissance est accompagné d’une bourse de 5000$ offerte par les caisses Desjardins du Grand Longueuil.