Chroniques
Opinion

Le tribunal populaire fait des ravages

le mardi 21 juillet 2020
Modifié à 16 h 16 min le 16 juillet 2020
Par Claude Poirier

redactiongm@gravitemedia.com

La vague de dénonciations d’inconduites sexuelles sur les réseaux sociaux est inquiétante. Je ne peux pas croire que le premier ministre du Québec, François Legault, endosse d’une certaine façon cette pratique en la qualifiant de normale. Heureusement, la ministre de la Condition féminine, Isabelle Charest, encourage plutôt les victimes à se tourner vers les tribunaux. Je comprends que certains soient en colère parce qu’ils n’ont pas gain de cause devant la justice. Malheureusement, dans une enquête d’agression ou de harcèlement, quand il s’agit de la parole d’un contre celle de l’autre, c’est complexe. Je pense au cas de Jian Ghomeshi, ancien animateur de CBC qui a été accusé d’agressions sexuelles sur quatre femmes en 2014. Il a été acquitté. Pourquoi? Parce que le dossier a été contaminé par des témoignages dans les médias d’information. Idem pour l’affaire Gilbert Rozon. Lorsque les médias ont dévoilé les allégations racontées par les victimes, ça a nui à celles-ci. Le directeur du Service de police de la Ville de Montréal à l’époque me l’a confirmé. Les gens qui croient pouvoir avoir gain de cause en dénonçant sur les réseaux sociaux ont tort. Je suis d’accord avec le chef du Bloc québécois Yves-François Blanchet, qui fait également face à des allégations d’inconduites sexuelles sur les réseaux sociaux: une plainte doit être formellement déposée aux autorités. J’ai bien aimé la déclaration d’une criminaliste que je connais bien, Danielle Roy, qui dit que les dénonciations publiques ouvrent la porte à des poursuites en diffamation. Lorsque des personnalités publiques sont dénoncées sur les réseaux sociaux et que l’information est reprise par les médias traditionnels, le mal est fait et cause des torts irréparables aux personnes jugées par ce tribunal populaire. Les ravages s’étendent aussi à leur famille, à leur entourage et à leur carrière. Les médias ont une responsabilité ici. Il faut aussi être prudent, car certaines personnes agissent par vengeance. Sylvain Archambault, réalisateur de la série <@Ri>Le négociateur<@$p>, a vécu pareil traitement. Un média traditionnel a mis sa photo en une après une dénonciation semblable, près de celles de Gilbert Rozon et d’Éric Salvail. M. Archambault n’a pourtant jamais été rencontré par des enquêteurs. Malgré tout, sa carrière est terminée. Il faut que le lynchage public cesse. Quelqu’un quelque part doit agir. J’espère que le nouveau ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, interviendra. 10-4! (P.S.: À tous ceux qui me contactent pour que je commente l’affaire des fillettes retrouvées décédées à Lévis, notez que je m’abstiens pour le moment parce que le dossier continue d’évoluer. J’y reviendrai sans doute.) (Propos recueillis par Gravité Média)