Actualités
Santé

L'épilepsie lui a enlevé son fils

le mardi 05 mars 2019
Modifié à 8 h 00 min le 05 mars 2019
Par Katherine Harvey-Pinard

kharvey-pinard@gravitemedia.com

SENSIBILISATION. Le 1er mars 2016, la famille Morotti-Monderie a perdu l’un des siens, Jérémie, décédé des suites d’une crise d’épilepsie nocturne. Il avait 21 ans. Depuis cette journée où sa vie a été chamboulée, Martine Morotti s’est donné comme mission de sensibiliser la population aux risques de l’épilepsie, une «sournoise» maladie. La semaine de relâche venait tout juste de commencer. Ce matin-là, Martine Morotti devait aller faire des achats avec Jérémie en vue d’une activité familiale. À 10h, il n’était toujours pas sorti du lit. «Je suis entrée dans sa chambre et j’ai dit “Jérémie lève-toi, je veux aller faire mes affaires”. Je n’avais pas de réponse. J’ai ouvert le store et je lui ai dit “Allez, arrête de niaiser”. Je l’ai retourné de bord et j’ai tout de suite vu dans son visage qu’il n’était plus là», relate difficilement la maman. Après qu’un voisin ait tenté en vain de le réanimer, les services d’urgence sont arrivés chez les Morotti-Monderie. Un moment «surréel». Lors de son entrevue avec Le Courrier du Sud, la mère de famille avait en main le rapport du coroner. «Monsieur Jérémie Morroti-Monderie est décédé suite aux complications d’une crise d’épilepsie. Il s’agit d’une mort naturelle», peut-on y lire. À LIRE AUSSI: L'épilepsie expliquée L’histoire de Jérémie Jérémie avait 13 ans lors de sa première crise nocturne. Alertés par les cris du plus jeune des deux frères, Martine et son conjoint Benoit ont filé dans la chambre. «J’étais certaine qu’il mourait. J’étais désemparée, je criais, j’ai appelé le 911.» Après que Jérémie ait été hospitalisé, la famille a rencontré un neurologue, qui a confirmé que le jeune homme avait été victime d’une crise d’épilepsie. Aucune trace cependant d’un champ magnétique à son cerveau; il s’agissait donc d’une épilepsie mineure. «J’étais crédule; on m’a dit que c’était minime alors, je ne m’en faisais pas, se souvient Martine Morotti. Je leur faisais confiance.» Avec le temps, Jérémie s’est mis à faire des crises tonico-cloniques, c’est-à-dire généralisées. Et elles ne se manifestaient que de nuit. «Son corps devenait raide, il avait des spasmes partout, claquait de la bouche, avait les yeux à l’envers, avait de l’écume», relate la maman, qui ne pouvait rien faire d’autres lors de ces épisodes que d’être au chevet de son fils. Elle se souvient d’ailleurs d’une crise en particulier, où Jérémie ne cessait de convulser. À l’hôpital, des infirmières criaient «On doit l’intuber rapidement! On va le perdre!» se remémore-t-elle. «Dès ce moment-là, je me suis mise à dire à mes sœurs que j’allais le perdre un jour…» Effets dévastateurs Après chacune des crises – lesquelles survenaient environ une fois par mois – Jérémie Morotti-Monderie avait de la difficulté à fonctionner normalement. «C’est comme s’il avait couru quatre Ironmans, image Mme Morotti. Il pouvait avoir mal à la tête, avoir des oublis. Il me parlait avec la bouche croche. Parfois, je me disais qu’il ne parlerait plus comme il faut.» Il était très difficile pour le jeune homme d’accepter sa condition; aucun de ses amis n’était au courant. «Jérémie n’avait pas une très belle estime de lui», se souvient sa mère. Étudiant en soins infirmiers au cégep Édouard-Montpetit, Jérémie avait été engagé comme préposé dans un hôpital. Mais lorsqu’une crise survenait, il devait manquer le travail le lendemain; une situation qui ne faisait pas l’affaire de son employeur. «Jérémie leur disait qu’il était épileptique. Le syndicat est entré là-dedans; il disait qu’il ne pouvait pas avoir un employé qui manque le travail. Il fallait des papiers médicaux. Tout ça a fait que Jérémie a fini par faire une petite dépression.» Le même scénario se produisait à l’école. «En soins infirmiers, les gens sont censés être au courant de l’épilepsie, mais ils ne l’étaient pas. Les professeurs le rencontraient et lui demandaient s’il était sûr d’être à la bonne place.» Une situation crève-cœur pour les parents. Peu ou pas informée Martine Morotti considère avoir manqué de ressources et d’informations sur la maladie de son fils. Elle déplore également l’ignorance de la population et le silence radio des médias sur l’épilepsie. «Toutes les fois que j’en parle, les gens ne comprennent pas vraiment, dit-elle. On ne se rend pas compte que tu peux devenir dépressif, tu peux perdre ton travail…» Et elle ne leur en veut pas; personne n’est informé comme il se doit sur la maladie, croit-elle. «Je ne comprends pas qu’on ne fasse pas autant de sensibilisation sur cette maladie qu’on en fait pour le tabac. Fumer, c’est un choix. Ça fait 20 ans qu’ils nous disent que ce n’est pas bon pour la santé. L’épilepsie, ce n’est pas un choix», compare-t-elle. Mme Morotti déplore qu’il n’existe pas de groupes de discussion ou de blogues qui permettraient à des jeunes atteints d’épilepsie d’échanger entre eux. Elle a d’ailleurs contacté des gens du milieu artistique et des équipes d’émissions de télévision afin que de la sensibilisation soit faite au sujet de l’épilepsie. Parce que Martine Morotti souhaite faire tout en son pouvoir pour que personne d’autre n’ait à vivre ce qu’elle a vécu. Mars, mois de l’épilepsie Le 26 mars aura lieu la Journée internationale de l’épilepsie, célébrée au cours du Mois de l’épilepsie. Au Québec, cette journée est associée à la Journée Lavande; un événement créé en 2008 qui vise à diminuer les préjugés contre l’épilepsie tout en sollicitant les personnes concernées à s’impliquer dans leur communauté.