Les kings de la place

Quand ils arrivent en ville, tout l’monde change de trottoir dans les banlieues-dortoirs.  Non, il ne s’agit pas des zonards dont parlent Plamondon dans Starmania.

À chaque année, à l’approche de la belle saison, c’est la même histoire.  Ils débarquent en gang et envahissent ma ville.  

À chaque année, mon niveau de tension explose aussi haut que le niveau de décibels qu’ils produisent et de pollution qu’ils génèrent.

À chaque année, oui, mais ça ne devait plus être le cas à partir de cette année.  Pourquoi?  Parce que ma ville a adopté l’été dernier un règlement afin d’encadrer ces envahisseurs pour qu’ils soient un peu moins envahissants cette année.  Pas un règlement pour les empêcher de débarquer en ville (comme le fait la Californie depuis 1975), seulement un règlement tout doux pour diminuer un peu leur niveau d’envahissement.  Mais je m’en réjouissais quand même.  Mieux vaut avancer à pas de tortue que de ne pas avancer du tout. 

Mais finalement, le pas de tortue, ce n’est pas cette année que ma ville va le faire.  Tous les élus de ma ville sauf un, ont préféré reculer devant les menaces de ces envahisseurs.  Ça s’est passé au conseil municipal du 17 mai dernier.  J’ai compris alors pourquoi les élus municipaux ont reporté d’un an l’entrée en vigueur du règlement.  Vive les séances du conseil municipal en zoom!  Ils ont sorti leur épouvantail, les moineaux ont eu peur.  L’entrée en vigueur du règlement est reportée d’une année.

Les élus municipaux ont bien beau étudier et voter un règlement demandé depuis de nombreuses années par ces citoyens, si les Kings de la place débarquent à l’hôtel de ville, ce sont eux qui font la loi.  Ça vous dit quelque chose les Kings de la place?  Vous savez ceux qui menacent de déménager leur festival ou leur course automobile dans une autre ville ou dans un autre pays si nos élus prennent des décisions qui les contrarient?

À Saint-Lambert, il semblerait que les Kings de la place aient menacé de doubler la facture de ceux qui les engagent (dont la ville) si la ville ne reportait pas la mise en vigueur de son règlement.  À chaque King son moyen de pression.

À Saint-Lambert, les Kings de la place sont souvent habillés de rouge.  Ils sillonnent la ville et soufflent tout sur leur passage.  Ce sont des pros de la soufflerie. Ils débarquent rarement en solo.  Le plus souvent, ils soufflent en duo, mais ils aiment aussi les trios.

Ce sont des instrumentistes à vent ou des spécialistes du soufflage.  Ils soufflent n’importe quelle surface : trottoirs, stationnements, contours de plate-bandes et patios.  Ils soufflent n’importe quoi, n’importe où.

Le règlement de Saint-Lambert voté l’été dernier, interdisait les souffleurs à feuilles opérés par un moteur essence à compter de mai 2021.  Est-il nécessaire de plaider encore les multiples nuisances causées par ces engins?  (risques pour la santé humaine et animale, pollution de l’air, nuisance sonore etc).  Les souffleurs à feuilles, qu’ils soient à essence ou électriques, ne sont pas nécessaires à notre vie sur terre.  Pourquoi pas le balayage et le raclage plutôt que le soufflage?  Pour préserver notre santé et soutenir le développement durable peut-être?  La pandémie aura permis au cœur de Venise de se débarrasser des bateaux de croisière.  Mais à Saint-Lambert, il semble bien qu’il faudra plus qu’une pandémie pour se débarrasser des souffleurs à feuilles.

Le règlement de Saint-Lambert était un tout petit pas dans la bonne direction, mais c’était un pas trop rapide semble-t-il pour certaines entreprises d’entretien paysager de notre municipalité.  C’est qui les Kings de la place? 

Marie-Hélène Larouche

Citoyenne de Saint-Lambert