Chroniques
Opinion

Lettre à Guy A. Lepage

le mardi 23 janvier 2018
Modifié à 6 h 02 min le 23 janvier 2018
Par Pierre Sévigny

psevigny@gravitemedia.com

Salut Guy, Le 12 novembre, à Tout le monde en parle, tu recevais une délégation d’humoristes menée par Martin Petit qui venait parler de l’affaire Rozon et par le fait même annoncer un nouveau gala d’humour, le Festival du rire de Montréal. Je n’ai aucun problème avec ça; nous vivons dans une société de libre concurrence. Mais nous vivons aussi ‒ vous sembliez l’avoir oublié ‒ dans une société de droit. Oui, dénonçons les abus. J’ai d’ailleurs écrit une chronique sur le sujet, Les tordus, le showbiz et moi, parue le 25 octobre dans Le Courrier du Sud. À l’émission du 12 novembre, Martin Petit a affirmé ceci. «Pendant 30 ans, [Gilbert] Rozon a abusé de la confiance de tout le monde.» C’est prouvé, ça? Parce que vois-tu, jusqu’à présent, ce sont des allégations. Ce sera à la justice de trancher. Martin Petit, en montrant son trousseau de clés, a ajouté que Rozon devrait dire: «J’ai créé un festival, voici les clés, arrangez-vous avec, je vous le donne.» Question: est-ce que les allégations à son sujet sont pour des agressions sexuelles ou pour une fraude économique? Rozon vend tout et disparaît. Ce qui lui appartient lui appartient. Martin Petit parlait comme si Rozon était devenu riche grâce à des agressions plutôt qu’avec une brillante idée de festival… C’est quoi cette danse du bacon de ce collectif d’humoristes sur l’argent de Rozon? Nous avons assisté à une justice expéditive d’un procès public à TLMP? Tu sais, Guy, ton émission a énormément d’influence et pour beaucoup de gens, elle est même un «prêt-à-penser». Si les Cosby, Weintein et cie sont trouvés coupables, qu’ils soient emprisonnés, mais ils vont demeurer riches, que cela plaise ou non. Le 14 janvier, l’une de tes invitées, Lise Bilodeau, de l'ANCQ (Action des nouvelles conjointes et nouveaux conjoints du Québec), devant ce flot de dénonciations, expliquait comment elle se sentait mal à l’aise qu’on en vienne à oublier la présomption d’innocence et que de plus en plus, on juge sur la place publique. Tu t’es défendu en répondant: «En même temps, peut-être que les journalistes ont fait le travail que les policiers n’ont pas fait.» Un sophisme et tu le sais. On ne peut déclarer quelqu’un coupable sur des allégations. En 1998, Rozon a plaidé coupable à une accusation d’agression sexuelle. Les humoristes du collectif – et toi aussi – avez continué votre association avec Juste pour rire. La question qui tue: la victime d’alors valait-elle moins qu’une victime alléguée du milieu artistique aujourd’hui?