Justice

L’ex-vp de Dessau reconnait avoir participé au système de collusion

le mardi 06 mars 2018
Modifié à 14 h 37 min le 06 mars 2018
Ville de Longueuil COLLUSION. Le 22 février, l’ancien vice-président de la firme Dessau Normand Fallu a plaidé coupable devant l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) à deux chefs d’accusation relativement à sa participation à un système de partage de contrats à Longueuil, de 2005 à 2010. Il a également reconnu avoir fait entrave à l’enquête du syndic de l’Ordre, lors d’une comparution téléphonique. Durant cette époque, Normand Fallu occupait le poste de vice-président du développement des affaires de la firme Dessau et en était le principal représentant pour la Rive-Sud. Il a également siégé à titre de Président de la Chambre de commerce et d'industrie de la Rive-Sud (CCIRS) de 2009 à 2010. Une enquête de l’OIQ a montré que Dessau et quatre autres firmes de génie se sont partagé les contrats publics à Longueuil, entre 2005 et 2010. Selon le syndic de l’OIQ, l’homme de 54 ans a participé «indéniablement» à ce système de collusion. «Les autres firmes étaient littéralement écartées du processus de sélection en échange de contributions politiques, a expliqué le syndic Réal Giroux. Tout le monde y trouvait son compte.» La firme Dessau faisait partie, avec Consultants S.M, du Club A, c’est-à-dire les plus généreux donateurs politiques qui héritaient de la part la plus importante des contrats municipaux. En 2013, Normand Fallu a été transféré en Alberta par son employeur, alors que des informations explosives sur la corruption et la collusion dans l’industrie de la construction au Québec étaient révélées au cours de la Commission Charbonneau. Dessau était alors dans un processus d’accréditation auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et tentait de «se débarrasser des pommes pourries», selon M. Fallu. Un mois après son arrivée dans l’Ouest canadien, son employeur lui a finalement annoncé que son emploi était supprimé. L’ingénieur a alors décidé alors de rester en Alberta et a trouvé un emploi chez la firme Stantec à Calgary. «Champion de l’éthique» Normand Fallu affirme être devenu alors un «champion de l’éthique». «À mon arrivée, il y avait aussi une zone grise dans l’Ouest et j’ai aidé à assainir les pratiques là-bas», a-t-il mentionné lors de son témoignage, soulignant qu’il ne représentait pas un risque de récidive. Le syndic Réal Giroux a mentionné être très pessimiste relativement à cette affirmation, ajoutant que selon lui, le risque de récidive de l’accusé reste élevé en raison de son faible niveau de collaboration lors de l’enquête. «Les ingénieurs que nous avons interrogés lors de notre enquête ont pour la plupart collaboré, répondu de bon gré à nos questions et même transmis des documents. Il n’en est rien dans le cas de M. Fallu», a mentionné le syndic de l’OIQ, exprimant dans un même souffle sa frustration face au manque de collaboration de l’accusée. «Ce dernier n’a pas collaboré malgré le fardeau de la preuve contre lui. Lors de nos entretiens, sa réponse était systématiquement ‘’non’’.» Sans emploi À la suite de l’enquête de l’OIQ, une plainte a officiellement été déposée contre l’ingénieur en septembre. Normand Fallu a été contraint à démissionner de son poste chez Stantec, le 18 janvier. Il est sans emploi depuis. L’ordre professionnel albertain aurait récemment ouvert une enquête concernant l’ingénieur québécois, qui est membre de l’Ordre professionnel des ingénieurs de l’Alberta (APEGA) depuis cinq ans. M. Fallu a exprimé des regrets devant l’OIQ, mais a aussi soutenu que ce genre de pratiques s’inscrivait «dans le contexte de l’époque». «C’était presque la normalité. Ça n’excuse pas, mais ça explique, a mentionné l’ingénieur. Ça fait deux fois que je perds mon emplois à cause de cette affaire-là.» L’avocate du syndic de l’OIQ a mentionné que l’accusé a reconnu sa culpabilité seulement après que la plainte a été officiellement déposé. Elle soutient de plus que les remords de M. Fallu sont liés aux conséquences de son geste sur sa personne et son entourage plutôt que sur les torts qu’ils ont causés à son corps de métier et à la population en général. Normand Fallu n’est plus membre de l’OIQ depuis 2013 et ne prévoit pas revenir au Québec à court terme ou y repratiquer son métier d’ingénieur. M. Fallu ne possédait pas d’antécédents disciplinaires à l’OIQ. Il pourrait écoper d’une amende de 22 500$.