Actualités

Maison pour personnes trisomiques: il fera une grève de la faim devant le bureau du premier ministre

le vendredi 09 août 2019
Modifié à 11 h 10 min le 12 août 2019
Par Katherine Harvey-Pinard

kharvey-pinard@gravitemedia.com

Une grève de la faim, non pas devant le bureau du ministre Lionel Carmant comme initialement prévu, mais devant le bureau du premier ministre François Legault. C’est la solution qu’a trouvée Sylvain Fortin pour se faire entendre. Le citoyen de Terrebonne se sent floué après que le gouvernement de la CAQ ait renoncé à sa promesse électorale d’appuyer son projet de maison accueillant des personnes de plus de 21 ans atteints de la trisomie 21 et leur parent. Sylvain Fortin a un fils de 22 ans, Mathieu, vivant avec une Trisomie 21 sévère. Il est également le fondateur et président du Centre national de la Trisomie-21, la Maison Anne et Charles de Gaulle. Cette cause, il la porte sur son cœur. Son projet est d’offrir une maison permettant d’accueillir à la fois le parent et son enfant âgé. «On est dans un processus de double vieillissement, qui se vit de manière concomitante, explique Sylvain Fortin. En 2019, il faut être en mesure de rendre des services humanisés et personnalisés. Le réseau public a de la grande difficulté à cet égard.» Lors de la campagne électorale provinciale, il avait rencontré Marguerite Blais, qui est aujourd’hui la ministre des Aînés et des Proches aidants, et lui avait expliqué son projet et les besoins financiers nécessaires pour le réaliser. «Une nouvelle génération vit longtemps, écrivait Mme Blais sur son compte Twitter, après la rencontre. Les parents vieillissent. Une Maison Anne et Charles de Gaules permettrait répit, hébergement.» Le tout, accompagné de photos de M. Fortin à ses côtés. Une fois élue, Mme Blais lui a toutefois indiqué que le projet «ne concordait pas avec les orientations du ministère». «Laquelle des Marguerite Blais dit la vérité? Est-ce celle qui parle en période électorale ou celle qui parle quand elle est arrivée comme ministre à Québec?» questionne l’homme de 56 ans. Une première grève de la faim Le 1er mai, Sylvain Fortin a donc entamé une première grève de la faim devant l’Assemblée nationale, à Québec. «C’était l’enfer à vivre», se souvient-il. Après deux semaines sans manger, il a reçu un appel de la conseillère politique du ministre Carmant, Sonia Côté, qui «voulait absolument que je quitte ma grève de la faim». «Elle disait que le dossier avait été attribué au ministre Carmant, mais qu’il ne pouvait pas travailler avec moi si j’étais sous un chapiteau devant l’Assemblée nationale.» Elle lui a du même coup annoncé qu’une aide financière de 50 000$ du budget discrétionnaire serait accordée au service d’aide et de soutien aux familles du Centre national pour les aider à vivre moins de tension. Afin que le dossier puisse avancer, M. Fortin a accepté de mettre un terme à sa grève, tout en leur disant que l’aide de 50 000$ «ne réglait pas du tout le problème». Une rencontre infructueuse En juin, Sylvain Fortin a pu rencontrer Lionel Carmant, comme convenu. «Pendant une heure et demie, je lui ai fait part des problématiques des personnes qui vivent avec la Trisomie 21 et leur famille. Il m’a dit que c’était la première d’une série de rencontres», relate-t-il. M. Fortin avait alors proposé à M. Carmant qu’un montant du budget du Programme québécois de dépistage pré-natal de Trisomie 21 soit attribué à la maison Anne et Charles De Gaulle. «Il a demandé la permission au responsable du programme, qui lui a dit: il n’en est pas question. Le ministre est allé demander la permission à un fonctionnaire. Ce n’est pas comme ça que ça marche!» lance-t-il. Depuis cette rencontre, M. Fortin affirme ne pas avoir de réponses à ses courriels. Une deuxième grève de la faim Le 12 août, Sylvain Fortin s’installera devant le bureau du premier ministre Legault. Et il affirme que ça lui prendra cette fois plus qu’un appel téléphonique pour lui faire changer d’idée. «Je me suis fait avoir comme un enfant d’école et c’est insultant quand tu es de bonne foi et conciliant…» Il déplore que le gouvernement ne fasse pas plus d’efforts pour venir en aide aux personnes et familles vivant avec la Trisomie 21. «Le premier ministre avait dit en période électorale, et je l’ai encore dans l’oreille, “On ne laissera personne derrière”. J’essaie de dire au ministre Carmant que c’est exactement ce qu’il se passe; vous nous laissez littéralement derrière», conclut-il. Le ministère se prononce Questionnée sur le sujet, l’attachée de presse de Lionel Carmant Maude Méthot-Faniel affirme que le cabinet est «tout à fait sensible à la cause de la Trisomie 21». «Effectivement, on avait donné de l’argent à M. Fortin, mais c’était pour qu’il s’organise, explique Mme Méthot-Faniel. Dans le cadre du programme dans lequel il pourrait avoir de l’argent, le Programme de soutien aux organismes communautaires (PSOC), on a besoin de certaines documentations administratives, notamment sur ses états financiers, et il refuse de nous les fournir.» «On aimerait qu’il présente son dossier pour qu’on puisse l’évaluer de façon complète», ajoute-t-elle. Sylvain Fortin affirme toutefois avoir envoyé ses états financiers au bureau de M. Carmant le 19 juin; il a d'ailleurs fait parvenir le courriel en question au Journal. Le citoyen de Terrebonne dit également avoir indiqué au bureau du ministre que le PSOC ne répondait pas aux besoins de leur organisme. Quant à l’affirmation de M. Fortin selon laquelle il n’a pas de réponse depuis sa rencontre avec M. Carmant, le cabinet nie. «Sonia Côté lui a parlé à maintes et maintes reprises, dit Mme Méthot-Faniel. Zéro réponse, c’est tout à fait impossible.» La porte-parole indique qu’il n’y aura pas d’autre rencontre avec M. Fortin tant qu’il n’aura pas fourni les informations nécessaires pour le PSOC.