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Malgré sa proximité au fleuve: le centre-ville de Longueuil serait à l’abri des inondations

le lundi 03 juin 2019
Modifié à 14 h 51 min le 07 juin 2019
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

ENVIRONNEMENT. Avec les inondations qui ont frappé plusieurs municipalités du Québec ce printemps émerge à nouveau la question de l’aménagement du territoire. Doit-on encore construire à proximité des cours d’eau? Y a-t-il lieu de s’inquiéter sur la Rive-Sud? À Longueuil, on se pose entre autres la question si le projet de centre-ville autour de la Place Charles-Le Moyne restera au sec. Selon les experts, il semble bien que oui. Lorsqu’il est question d’aménagement du territoire dans des zones jugées à risque d’être inondées, les précautions sont de mises, avise la professeure associée au Département de géographie de l’Université du Québec à Montréal Ursule Boyer-Villemaire. Cette dernière s’est penchée sur l’évolution des risques associés aux changements climatiques. «De plus en plus, c’est le "vivre avec" qui s’avère une situation plus résiliente, décrit-elle. Il faut faire place à l’eau: si elle déborde, il faut qu’elle ne fasse pas trop de dommages et ne tue personne.» Éviter les logements au sous-sol ou au rez-de-chaussée et privilégier par exemple des garages ou des espaces publics, pour lesquels les dommages seraient moindres, en est un exemple. Sans connaître les détails du projet de centre-ville à Longueuil, Mme Boyer-Villemaire se dit «convaincue qu’ils ne le font pas les yeux fermés. Mais le printemps 2019 devrait nous inciter à redoubler de précaution et les municipalités ont un grand pouvoir pour le faire.» Zone tampon La politique de protection des rives du littoral et des plaines inondables du ministère de l’Environnement prévoit une zone tampon de 5 à 10 mètres entre les rives et les constructions. «À mon avis, c’est assez désuet et ce n’est pas assez», juge la docteure en science de l’environnement. Une distance d’environ 200 mètres serait selon elle plus raisonnable. Cette zone tampon n’est cependant pas condamnée à devenir un espace perdu: elle peut offrir une plus-value collective, qui permettrait aussi de filtrer l’eau et atténuer l’effet de l’érosion. Quant aux méthodes à employer comme les digues ou la végétalisation pour retenir les débordements, l’une n’est pas meilleures qu’une autre; il importe de s’adapter au cours d’eau. «Le 1% du temps où c’est sous pression face au fleuve, ça fait son travail de filtration, et 99% du temps, il peut y avoir une piste cyclable, des parcs», donne-t-elle en exemple. Le centre-ville «à l’abri» Avec un parc et une longue bande riveraine le long du fleuve ainsi que la grande part de ses bâtiments du côté sud de la route 132, le projet de centre-ville de Longueuil n’est pas si loin de ces principes et mises en garde. De tout le territoire de Longueuil, seuls les parcs riverains au fleuve, comme celui de l’île Charron, se trouvent dans une zone inondable. La question a d’ailleurs été prise en considération dans l’élaboration du programme particulier d’urbanisme (PPU) du centre-ville. «Le territoire du centre-ville de Longueuil est quasi totalement à l’abri des inondations, car seules deux petites portions du secteur sont situées dans une zone inondable [le parc de l’Île-Charron et une portion du parc Marie-Victorin], explique le porte-parole de la Ville Louis-Pascal Cyr. Ces secteurs ont une vocation récréative ou de conservation.» Même le quartier Longue-Rive, entre le fleuve et la route 132, n’est pas à risque des débordements. La hauteur du centre-ville le protègerait d’ailleurs des inondations. Actuellement, la cartographie des zones inondables de la région ne tient pas compte des changements climatiques. La Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) travaille à une mise à jour de la cartographie, grâce aux 5,5 M$ alloués par Québec dans le cadre du Plan d'action en matière de sécurité civile relatif aux inondations. Dans le schéma d’aménagement et de développement de l’agglomération de Longueuil, la cartographie des zones inondables concerne la rivière Saint-Jacques, à Brossard, et la rivière aux Pins, à Boucherville, ainsi que des cotes de crues pour les plaines inondables du fleuve Saint-Laurent. «Lorsque de nouvelles cotes seront connues pour cette portion du territoire [le centre-ville], la Ville pourra procéder à des ajustements, si requis, ajoute Louis-Pascal Cyr. Ces nouvelles cotes devraient cependant être sous le niveau actuel puisqu’il n’y jamais eu d’inondation.» Nouvelle station limnimétrique La CMM prévoit implanter un réseau de stations limnimétriques de mesures des niveaux d'eau «permettant un monitorage en temps réel ainsi qu'une cartographie 3D, incluant une fonction de prévision des niveaux d'eau, détaille Louis-Pascal Cyr. Ces données, accessibles via une plateforme Web, serviront à améliorer la cohésion des interventions en matière de sécurité civile.» À la séance du conseil municipal du 14 mai, les élus ont d’ailleurs approuvé l’installation par la CMM d’une station limnimétrique au Club nautique de Longueuil. Selon Ursule Boyer-Villemaire, la surveillance des cours d’eau, fort dépendante des stations météorologiques et limnimétriques, est très variable à l’échelle municipale. Elle fait état d’un «désinvestissement» au cours des dernières années dans ces stations. «On a tellement un grand territoire, on n’a pas beaucoup de stations pour le nombre de cours d’eau à surveiller.» À Longueuil, un comité de coordination regroupant plusieurs directions a été formé. L’équipe visite les sites tous les trois ou quatre jours afin de constater le niveau de l’eau et documenter les actions à prendre.       Pas que les changements climatiques Le lien entre la hausse des inondations et les changements climatiques est difficile à établir avec certitude, puisque «le climat n’est qu’une composante de la problématique entourant le risque d’inondation», indique Ouranos, consortium sur la climatologie régionale et l'adaptation aux changements climatiques. Il est également ardu de prédire si des inondations telles que l’on a connues ce printemps seront plus ou moins fréquentes. Pour les grands bassins versants, la tendance à long terme des probabilités d’inondations est à la baisse. «Quant à la tendance à moyen terme, plusieurs simulations tendent à montrer que les crues les plus extrêmes devraient continuer à s’amplifier pendant un certain temps, mais ce type de résultats ne se retrouve généralement pas dans la majorité des simulations que l’on analyse», explique le consortium. Ursule Boyer-Villemaire mentionne pour sa part que l’analyse sur les extrêmes des niveaux des eaux restent à faire au Québec. «Ça fait quelques années que le GIEC [Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat] essaie de tirer la cloche à l’effet que les extrêmes sont en augmentation et qu’il faut se prémunir contre les dommages anticipés.» «Mais il n’y a pas que les changements climatiques, poursuit-elle. Il faut réfléchir aussi à notre aménagement du territoire, à l’imperméabilisation des surfaces, à la réduction des milieux humides. Tout ça contribue à accélérer la vitesse à laquelle une goutte d’eau, une fois tombée sur le sol, va se diriger vers la rivière.»