Affaires

Me Nathalie Dubord: chef d’orchestre au service de la communauté

le mercredi 11 juillet 2018
Modifié à 13 h 45 min le 11 juillet 2018
Par Marie-Josée Bétournay

mjbetournay@gravitemedia.com

Directrice générale de CAECapital depuis juin 2017, Me Nathalie Dubord se définit comme une chef d’orchestre au sein de l’organisme à but non lucratif qui a développé une expertise dans l’accompagnement d’entrepreneurs et le financement de firmes. Entrevue avec une femme qui, sans jouer de tous les instruments, est en mesure de remplacer un musicien durant son absence. Q Vous êtes avocate de formation. Quels facteurs vous ont menée vers le milieu communautaire? R Comme étudiante en droit, j’avais une propension vers le droit social, sauver la veuve et l’orphelin. Les circonstances ont fait que je me suis dirigée vers le litige commercial. Je n’étais pas super heureuse dans ce milieu très vindicatif. J’ai donc décidé d’ouvrir mon propre cabinet axé sur la prévention pour les jeunes entrepreneurs. À cette époque-là, le centre d’aide aux entreprises offrait l’accompagnement et je suis allée voir. Puis, un poste d’entrepreneuriat féminin s’est ouvert au sein du centre d’aide aux entreprises et on me l’a offert. Q Quel est votre rôle à titre de directrice générale de CAECapital? R Comme chef d’orchestre, il faut aider l’équipe à maintenir le cap sur notre mission, notre vision, faire ressortir nos valeurs, le développement des affaires. Il faut rapporter l’information au conseil d’administration. Le rôle de directrice générale se situe entre la clientèle, les employés et le conseil d’administration. Il faut faire en sorte que tout fonctionne super bien. On est une petite équipe, on est multitâches. Mon mantra: je suis une leader inspirée et inspirante et c’est ce que je veux apporter au sein de mon équipe et de ma communauté. Q Votre équipe voit au soutien et à l’encadrement d’entrepreneurs en matière de financement. En quoi votre formation de juriste constitue un rôle-clé dans le processus? R Le droit mène à tout. J’ai 22 ans d’expérience en financement d’entreprises et accompagnement au sein de CAECapital. Le droit, c’est une formation académique assez large. Toutes les transactions, particulièrement financières, sont juridiques à la base. Quand il faut s’assurer que la responsabilité du prêteur et de l’emprunteur est respectée, il y a un avocat derrière chaque transaction. Q Le centre d’aide répond aux besoins de quels types d’entrepreneurs? R L’accompagnement s’adresse aux individus qui ont une idée à valider. Ils sont en prédémarrage. Cet accompagnement se fait via les Cercles d’entraide de la Rive-Sud. Si le projet a une structure, notre volet soutien au travailleur autonome permet à un entrepreneur de développer son projet d’entreprise tout en maintenant un revenu de la prestation d’assurance-emploi ou d’assistance-emploi. Le centre d’aide offre aussi du financement aux PME établies ou en démarrage au chiffre d’affaires de 300 000$ à 4 M$ et qui vivent une croissance importante. Les institutions financières ne peuvent pas les suivre parce que la croissance est trop grande. Q Qu’est-ce que le crédit relais? R Le crédit relais provient d’une notion de financement américaine, le <@Ri>bridge financing<@$p>. Ce type de financement sert de pont entre une situation et une autre. C’est le financement temporaire d’un actif. L’entreprise est admissible à recevoir un crédit d’impôt du gouvernement, par exemple, et doit produire sa réclamation à la fin de l’année. Le gouvernement a un délai avant de répondre et d’émettre le paiement. Un crédit relais va financer l’actif et le centre d’aide se repaie dans un délai de moins d’un an. Q L’an dernier, votre organisme a soutenu 48 projets avec des prêts autorisés totalisant 12,5 M$. Parlez-nous de quelques-uns de ces projets qui vous paraissent les plus prometteurs. R Il y a beaucoup d’entreprises innovantes et créatives au Québec et sur la Rive-Sud. En voici quelques exemples. Dans la région de Marguerite-d’Youville, il y a une étoile filante. Il s’agit d’une entreprise qui a conçu une technologie pour imprimer des substances actives dans des tissus. On parle par exemple d’un cuissard muni d’un produit anticellulite ou d’une taie d’oreiller dotée d’un produit pour contrer la perte de cheveux. Dans la région de la Vallée-du-Richelieu, des artistes recréent des membres artificiels dédiés au domaine de la science et au milieu de la formation, surtout pour la pratique médicale. Ça peut être des petits pieds de bébé dans lesquels les infirmières se pratiquent à donner des injections. Q Est-ce que le financement représente un défi particulier pour les start-ups? R Les banquiers regardent le passé des entreprises. Les start-ups n’ont pas d’historique. Le risque pour un prêteur est très grand; seulement une start-up sur dix ira jusqu’au bout. Le centre d’aide intervient au début de la phase de commercialisation et lorsqu’il y a des premières commandes. Le dynamisme est très fort. Il y a beaucoup de partenaires et de liquidités sur le territoire. Mais il y a peu de subventions parce que notre région est plus prospère. Il y a peu d’outils financiers pour les start-ups. C’est encore difficile pour elles, malgré un dynamisme régional important. Q Le climat économique actuel, avec la menace d’imposition de barrières tarifaires sur certaines matières premières aux États-Unis, change-t-il les règles du jeu? R C’est inquiétant. L’impact sera la rentabilité de l’entreprise. Il n’y aura pas moins de financement disponible, mais les entreprises seront moins profitables, moins prospères. On risque de vivre une difficulté importante. Il va falloir que des mesures soient mises de l’avant pour réduire l’impact. Q Comment s’annonce l’avenir des entrepreneurs de la Rive-Sud, clients de la CAECapital? R En ce moment, il y a une belle effervescence. Tout va dépendre comment va se dessiner les actions de nos voisins. Cela risque de nous impacter. Propulser les femmes en affaires

Me Nathalie Dubord aide ses pairs à se propulser pour atteindre l’équité hommes-femmes, tant en entreprises qu’au sein de conseils d’administration.

Se lancer en affaires constitue un défi pour la gent féminine, selon la directrice générale de CAECapital.

«Elles vont tisser leur parachute avec beaucoup d’assurance avant de sauter, image-t-elle. La femme a besoin d’aller valider, de faire rebondir son projet sur d’autres personnes, d’aller chercher tous les éléments avant de sauter.»

Selon Me Dubord, le manque de confiance des femmes constitue un facteur à leur absence au sein de conseils d’administration. Elles craignent de ne pas avoir les compétences et le temps nécessaire pour s’engager, dit-elle.

«Le temps, ça se multiplie. C’est gratifiant. J’incite fortement les femmes à le faire. Il faut que les femmes prennent leur place. On fait partie de la population, il faut avoir une représentativité au sein des décideurs», précise-t-elle.

Me Dubord accorde une place de choix à l’engagement social auprès des femmes qui œuvrent dans le milieu des affaires. Ambassadrice de la cohorte Leadership au féminin de la Chambre de commerce et d’industrie de la Rive-Sud, l’avocate contribue de plus à l’organisation de LADN Montérégie, un événement qui fait la promotion du leadership, de l’audace, de la détermination et de l’esprit novateur des entrepreneurs.

Dans le milieu des affaires, Me Dubord est vue comme une chandelle. Elle met son expertise et son savoir – sa lumière, comme elle l’appelle – au service des entrepreneures pour les aider à rayonner, à prospérer.

«Être une chandelle, c’est en allumer une autre. Quand on en allume une autre, on ne perd jamais de sa lueur. Au contraire, on éclaire davantage. C’est comme cela que je vois mon rôle d’entrepreneure. Je veux que toutes les femmes soient des chandelles et que l’on transmette toutes mutuellement notre lumière pour que l’on ait un Québec prospère et des femmes qui prennent leur place», conclut-elle. 

Qu’est-ce que CAECapital ? Le centre d’aide aux entreprises a été fondé en 1985. L’organisme à but non lucratif, qui a bénéficié d’un fonds de Développement ressources humaines Canada, est privatisé depuis le début des années 2000. Le centre d’aide reçoit le soutien financier de Développement économique Canada et Emploi Québec. Il se divise en deux volets, soit l’accompagnement de micro-entreprises en démarrage (CAE Rive-Sud) et le financement de PME à forte croissance (CAECapital).