Opinion
Tribune libre
Monsieur le ministre, c’est en jouant que les enfants apprennent
le mercredi 02 septembre 2020
Modifié à 9 h 27 min le 03 septembre 2020
Lettre au ministre de l'Éducation Jean-François Roberge
Dans sa parution du 22 août 2020, le journal Le Devoir titrait : Québec garde le cap sur la maternelle 4 ans. Cet article faisait suite à une entrevue que vous leur avez accordée sur différents sujets concernant la rentrée scolaire en situation de COVID-19, et vous avez annoncé en dépit de la pénurie avérée d’enseignants au Québec, que : « quelque 350 nouvelles classes de maternelles 4 ans ouvriront ainsi comme prévu cet automne malgré la pandémie. »
Faut-il le rappeler, le Regroupement des CPE de la Montérégie (RCPEM), sur mandat de ses membres et suivant les recommandations de notre argumentaire élaboré dans le cadre de la consultation sur la réussite éducative, a pris position contre ce projet depuis 2018 et défend ardemment l’idée que « les enfants apprennent en jouant », énoncé soutenu par de nombreux spécialistes et acteurs du milieu de la petite enfance.
Il s’agit dans le cadre de cette rentrée scolaire et en réponse à votre annonce, de vous rappeler les raisons pour lesquelles nous défendons l’apprentissage par le jeu pour les enfants de 4 ans; si ce n’est pas pour vous obliger à faire machine arrière, tout au moins pour que vous n’oubliiez pas combien la pression scolaire sur des enfants en bas-âge peut avoir des effets pervers.
On peut comprendre que des parents désirent une scolarisation précoce de leur enfant; cependant, il est du devoir des spécialistes de la petite enfance d’attirer l’attention des gouvernants et des populations sur les dangers de cette pratique.
À 4 ans personne n’est prêt pour l’école
Dans le secteur de la petite enfance, Monsieur le ministre, nous parlons « d’accompagnement par des adultes qualifiés et bienveillants » pour aider les enfants à trouver leur voie dans un environnement sécurisant et adapté. L’accent est mis sur les acquisitions désirées par l’enfant tout en respectant son rythme individuel. Alors que dans le secteur scolaire, les développements pédagogiques et didactiques dominent fortement, et instaurent ainsi un environnement qui ne garantit d’aucune façon la qualité des résultats. La raison est que cet environnement contraignant pour les jeunes enfants, néglige tous les processus éducatifs auxquels ils doivent passer pour développer pleinement et efficacement leurs potentiels.
Une équipe conjointe de psychologues des Universités du Colorado et de Denver, a étudié l’horaire de 70 enfants âgés de 6 ans. Les chercheurs ont découvert que les enfants qui passent davantage de temps dans des activités « moins structurées » ont un meilleur développement de leur capacité d’autogestion. Sachant que la capacité d’autogestion est un indicateur du rendement scolaire, les activités moins structurées ne peuvent être favorables aux enfants de 6 ans sans l’être davantage à ceux de 4 ans.
D’autres arguments contre la scolarisation précoce, notamment pour les familles les plus en difficulté doivent nécessairement attirer votre attention et nourrir vos décisions :
- Le taux d’encadrement par groupe d’enfants est trop bas (1 pour 20 en maternelle) pour garantir un accompagnement efficace et individuel aux enfants de 4 ans.
- L’organisation des espaces extérieurs à l’école est inadéquate pour les tout petits et offre peu de possibilités de passer du temps de qualité à l’extérieur nécessaire pour grandir en santé.
- L’attention insuffisante portée aux repas et au sommeil en raison des horaires des écoles en discontinuité avec les autres services (service de garde scolaire et services aux dîneurs).