Opinion

OPINION - Lettre ouverte du Comité Longueuil Villes sans Racisme ni Discrimination

le lundi 15 mai 2023
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(Photo gracieuseté)

Le Québec accueille quotidiennement des femmes, des hommes, des jeunes, des couples qui sont forcés de quitter leur foyer à cause des conflits, de la pauvreté, des persécutions ou encore la faim, pour trouver sécurité et protection sur une terre d’accueil tel le Canada. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un phénomène nouveau, l’ampleur de la situation actuelle est sans précédent. En tenant compte de l’arrivée de certaines de ces personnes sur le territoire de l’agglomération de Longueuil, le CLVsSRD juge important d’agir et de mettre en lumière leur situation pour soutenir l’inclusion et ainsi lutter contre le racisme au sein de la communauté en considérant que ces personnes en font pleinement partie.

On entend bien souvent les difficultés engendrées par l’immigration en mettant de côté les avantages de cette dernière pour la société d’accueil. Nous savons que la population québécoise vieillit et qu'il y a une diminution du nombre de naissances; l'immigration est, à l'heure actuelle, la source principale de croissance. Les personnes migrantes aussi, créent des emplois locaux essentiels dans plusieurs secteurs économiques comme la construction, les services professionnels, les soins de santé et le commerce de détail. Ces dernières redonnent à leur collectivité en faisant davantage de dons aux organismes de bienséance ou en heures de bénévolat, ce qui représentent des millions de dollars épargnés en services à la communauté1.

De plus, dans les dernières années les personnes migrantes aident activement à combattre le manque d’employés, qui affectent grandement l’économie en empêchant le développement de certaines entreprises ou projets et donc qui retardent leurs investissements, ce qui occasionnent la perte de milliards de dollars. Il faut également se souvenir que les travailleurs migrants occupent, souvent, des postes que d'autres citoyens ne veulent ou ne peuvent pas prendre, tels que les emplois saisonniers ou les emplois mal payés bien souvent par manque de reconnaissance de leurs qualifications professionnelles. Les personnes migrantes peuvent apporter de nouvelles compétences et perspectives à la société d'accueil, si elles sont accueillies de manière positive et équitable.

Un des aspects si importants à aborder, est la question de la demande d’asile au Canada. La définition du terme « demandeur d’asile » est bien souvent comprise comme une personne qui immigre au Canada sans aucune autre nuance, alors que ces personnes ne représentent qu’une portion des celles qui s’installent ici. Dans les faits, il s’agit d’une personne dont la vie, la sécurité ou la liberté est en danger dans le pays où elle réside. Elle prend donc la décision de le quitter afin d’assurer sa survie ou celle de ses proches. Ne feriez-vous pas la même chose dans cette situation ? Elle prend, par la suite, le chemin vers un pays sécuritaire à qui elle demandera sa protection. Les personnes qui entreprennent ce périple, le font sans avoir la moindre garantie de résultat. D’une part, car le déplacement sera long, très coûteux, précaire et bien peu sécuritaire. Un des exemples est le passage par les États-Unis : de par l’entente sur les tiers pays sûrs, une personne doit faire une demande d’asile dans le premier pays où elle arrive. Si elle est déterminée à déposer une demande au Canada, elle se doit de traverser la frontière terrestre à pied, et bien souvent d’emprunter le chemin Roxham dans l’État de New York. D’autre part, plusieurs critères devront être respectés pour pouvoir ne serait-ce que déposer une demande, sans quoi elle devra quitter le pays. Si elles peuvent déposer une demande et passer la frontière, elles feront également face à des difficultés : le manque de logement, le manque d’accès aux services de santé, l’aide sociale qui est insuffisante, le manque d’accès aux garderies subventionnées, de longs délais pour obtenir le permis de travail plaçant certaines personnes dans l’impossibilité de travailler. L’accumulation de ces difficultés obligent bien souvent ces personnes à accepter des conditions de vie qui sont déplorables. À cela s'ajoutent les mois voire années d’attente et d’incertitude pour l’obtention du statut de personne protégée. Il est important de comprendre que toutes ces embûches participent à maintenir ces personnes dans des situations bien souvent précaires et même à vivre comme des citoyens de seconde zone. En tant que communauté, il est important de comprendre que bien plus qu’une menace, ces personnes arrivent après avoir vécu des moments douloureux et très éprouvants et qu’elles méritent l’humanité, l’empathie et la solidarité de la communauté d’accueil.

Ce qui participe bien souvent à augmenter l’écart entre les personnes migrantes et la population québécoises sont des idées préconçues qui conduisent dans certains cas, à des attitudes négatives qui engendrent de la xénophobie, des préjugés et de la discrimination à leur encontre. Il est important de se rappeler qu’au Québec, chaque personne a le droit à une vie digne et à la protection de leurs droits fondamentaux, quelles que soient leurs origines.

Il est vrai que dans une société en contexte d’appauvrissement, l'arrivée de nouvelles personnes migrantes peut augmenter la concurrence dans certains secteurs, créant une situation difficile pour les personnes qui sont moins fortunées. Il est malheureux que les personnes nouvellement arrivées puissent parfois être utilisées comme boucs émissaires, en particulier dans des contextes socio-économiques difficiles, où les ressources sont limitées et la concurrence pour les biens et services est intense. Cependant, les personnes migrantes ne sont pas responsables de ces problèmes - elles sont souvent elles-mêmes vulnérables et en subissent les conséquences. C'est pourquoi il est important que les gouvernements travaillent à améliorer les délais de traitement des demandes et des politiques pour leur permettre une meilleure intégration.

Souvenons-nous que les personnes migrantes qui traversent nos frontières par des voies irrégulières ou qui se retrouvent au pays sans statut officiel ne sont pas des criminelles. Ce sont simplement des personnes qui fuient des menaces graves à leur intégrité physique et/ou psychologique. Ce sont des personnes motivées par l’espoir d’une meilleure vie pour leurs enfants et elles-mêmes. Des personnes qui souhaitent sincèrement contribuer à leur pays d’accueil et qui sont en attente d’une décision.

Le Canada - comme 144 autres pays signataires du principe de non-refoulement inscrit dans la Convention de Genève de 1951 - s’est engagé à considérer la demande de toute personne sollicitant sa protection. Dans un contexte international où le pays fait face à l’arrivée massive de personnes migrantes, il est de la responsabilité des différents paliers de gouvernements d’établir des politiques d’accueil équitables et d’accélérer les processus administratifs afin d’honorer ses engagements. Les décideurs devraient aussi travailler en partenariat avec les communautés locales, pour identifier les besoins et offrir un support logistique et financier adéquat.

Le CLVsSRD souligne l’importance de garder l’esprit ouvert et invite la population à faire acte d’humanité en accueillant avec respect et solidarité les personnes demanderesses d’asile.


Comité Longueuil Villes sans Racisme ni Discrimination

 

1 STATISTIQUE CANADA. Les immigrants sur le marché du travail : tendances récentes entre 2006 et 2017, produit No 71-606-X au catalogue de Statistique Canada, mise à jour en décembre 2018, Ottawa, Ontario, URL : pub/71-606-x/71-606-x2018001-fra.htm (consulté le 1er mai 2023).