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Parcours de formation axée sur l’emploi: de stagiaire à propriétaire

le mardi 30 avril 2019
Modifié à 7 h 00 min le 30 avril 2019
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

ENTREVUE. En entrant dans le garage de Ram-Ko, entreprise de pare-brise de l’arr. de Saint-Hubert, il a fallu peu de temps au jeune Joé Laberge, 15 ans, pour prendre conscience qu’il était sur son X. Il y est entré pour un stage de trois mois, dans le cadre du Parcours de formation axée sur l’emploi (PFAE). À 35 ans, il en est le propriétaire.  À LIRE AUSSI: Plusieurs chemins mènent au marché du travail et Un win-win pour employeurs et stagiaires Q Comment avez-vous appris l’existence du programme de stages? R C’est l’école qui m’a poussé à aller vers ce type de programme. J’allais à l’école André-Laurendeau et j’avais des problèmes. C’était d’ordre académique, mais j’étais assez mature pour l’époque. Ils m’ont proposé un programme qui me permettrait de bouger un peu plus. On s’entend que les bancs d’école, ce n’est pas pour tout le monde. Je ne cadrais pas du tout. J’avais envie de bouger et avec un stage, c’était plus libre. Tout de suite, ç’a cliqué. Q Est-ce vous qui avez choisi votre lieu de stage? R Oui. Je me suis toujours passionné d’électronique et de bidules. Pour donner une idée, j’avais un système de sons dans une remorque sur mon vélo et j’avais des clignotants! On est tous fait pour quelque chose; moi, j’étais fait pour l’électronique. J’ai demandé au prof d’aller rencontrer les gens chez Ram-Ko, car c’est ce qui m’intéressait. Q À quoi ressemblait votre stage? R Je voulais apprendre l’installation de démarreurs à distance et d’accessoires d’auto. Dans ce domaine, c’est particulièrement complexe. Il n’y a pas de formation pour «accessoiriser» les véhicules. J’avais un intérêt pour ça, mais ce n’est pas évident de rentrer dans le métier. À l’époque, apprendre à installer un démarreur à distance prenait un an de formation. Durant mon stage de trois mois, j’en ai installé un. Ça sortait de l’ordinaire, les gens ne comprenaient pas. Ils disaient: «Ok, il s’est appliqué, il est fait pour ça». Q Comment êtes-vous devenu employé? R Dans un parcours de stage, le but est de finir son secondaire ou d’obtenir une attestation. J’ai terminé mon stage, j’en ai fait dans d’autres milieux de travail, qui m’ont apporté des connaissances. Puis, j’ai lâché l’école à 16 ans et j’ai demandé de travailler chez Ram-Ko. J’avais un pied dans la porte; ils m’ont embauché rapidement. Q Pourquoi être retourné dans ce milieu? R Il y a beaucoup d’entreprises qui prennent des stagiaires, mais ce ne sont pas tous les patrons qui sont de bons hôtes. Maintenant, c’est bien encadré, mais des stagiaires qui passent le balai et lavent les murs, j’en ai vus, et je l’ai fait ailleurs. Chez Ram-Ko, ils m’ont dit: «Tu sais passer le balai, tu n’es pas ici pour ça». Ça fait une différence. On est là pour apprendre un métier. Je trouvais qu’il y avait de belles valeurs d’entreprise. Depuis, je prends des stagiaires tous les ans et ils sont avertis: ils ne sont pas là pour passer le balai! Q Quel a été le chemin parcouru jusqu’à propriétaire d’entreprise? R J’ai toujours eu la fibre entrepreneuriale. Au primaire, je faisais des étuis à crayons que je cousais et vendais. Après trois ans chez Ram-Ko, j’ai dit au patron que je voulais acheter. En 2006, je suis allé voir toutes les banques pour avoir du financement. C’est très complexe, ça n’a pas fonctionné. Mais je n’ai pas baissé les bras. Et après 11 ans de travail intensif, le patron a pris sa retraite. J’ai trouvé une façon de me financer et j’ai acheté. Aujourd’hui, j’ai fini de payer mon commerce. Ça fait six ans que je suis propriétaire. Q Auriez-vous cru, à 15 ans, devenir un jour le propriétaire de la place? R On ne peut pas s’attendre à ça. Mais c’est la magie des stages: ça vous met le pied dans une entreprise où vous n’auriez pas nécessairement pu appliquer et avoir un travail. Quand il y a des véhicules à 30 000$ qui entrent ici et qu’on engage un jeune, ce n’est pas évident, il faut faire confiance. Mais quand il a déjà le pied dans la place, il comprend les normes et tout, c’est facile. Q Pourquoi est-ce important pour vous d’accueillir des stagiaires? R Ce n’est pas évident d’avoir de bons stagiaires, ce sont des enfants. Mais ça vaut tellement la peine. Ça leur donne une expérience de travail. Les jeunes ne savent pas toujours dans quelle branche se lancer. Faire un cours en mécanique, ça vient avec des coûts... mais faire un stage permet de s’aiguiller et de ne pas faire des études pour rien. Q Accéder ainsi à un stage peut redonner confiance en soi? R On va se le dire, ça m’a sauvé la vie. Je suis propriétaire de mon commerce, j’ai un duplex, un chalet, je vais à Hawaii la semaine prochaine. Je vis très bien... avec un secondaire 2. De nos jours, pouvoir se permettre ça à 35 ans, ce n’est pas donné à tout le monde. C’est grâce au stage. La souche, c’est le stage. Ça permet de toucher un peu à tout, ça ouvre des portes.