Culture

Pauline Gill consacre son dernier roman au parcours exceptionnel d’Elsie Reford

le mercredi 20 novembre 2019
Modifié à 14 h 44 min le 20 novembre 2019
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Dans son dernier roman Une bourgeoise d’exception, Pauline Gill fait la lumière sur Elsie Reford, qui a contribué au florissement des Jardins de Métis qu’elle a fondés... et à celui de la société montréalaise du début du 20e siècle. Aux yeux de Pauline Gill, Elsie Reford était une femme complète, «multidouée» : à la fois artiste (elle jouait le violon), sportive (pratiquait l’équitation) et très engagée. «Jusqu’à 55 ans, elle s’est énormément dévouée à Montréal. L’arrière-petit-fils d’Elsie, Alexander, a dit que son seul regret était que son arrière-grand-mère ait passé inaperçue. C’est le temps qu’elle arrive à la connaissance du grand public», témoigne Pauline Gill. Elsie Reford a vécu à Montréal dès le début des années 1880, dans le luxueux quartier du Mille carré doré. Son père était le président de la Lake of the Woods Milling Company, productrice de la farine Five Roses. Elle était reconnue comme une grande philanthrope, entre autres auprès de l’hôpital Montreal Maternity. Née d’une mère écossaise et d’un père irlandais, cette anglophone qui avait appris le français en Europe s’étonnait de l’absence des femmes dans les clubs comme le Canadian Club. Elle a donc fondé, avec Julia Drummond, le Women’s Canadian Club of Montreal, un lieu de partage de connaissances et de discussions sur des idées politiques. En plus de leur important caractère intellectuel, ces clubs s’occupaient également des «bonnes œuvres» auprès des plus démunis. «Elle a vécu dans la richesse, mais jamais dans le snobisme. Elle était généreuse de son temps, et d’une grande sensibilité envers la détresse humaine, la pauvreté», relève Mme Gill. C’est dans les correspondances qu’Elsie Reford a entretenues avec Lord Grey, gouverneur général du Canada de 1904 à 1911, que Pauline Gill a découvert et «s’est prise» de cette femme engagée politiquement et socialement. «Il a voulu l’amener plus loin que ses rêves. Elle a été partie prenante des fêtes des 300 ans de la fondation de Québec», illustre l’auteure qui a vécu à Longueuil pendant 30 ans. Ces correspondances se sont d’ailleurs avérées une précieuse ressource, alors qu’Elsie Reford avait demandé à ses héritiers de brûler tous ses journaux intimes. Mme Gill a aussi pu compter sur l’étroite collaboration du directeur des Jardins de Métis et de l’arrière-petit-fils d’Elsie. Faux diagnostic et héritage [caption id="attachment_82296" align="alignleft" width="444"] Le dernier roman de Pauline Gill[/caption] Un faux diagnostic et un héritage sont les deux conditions qui auront mené celle qui ne rêvait pourtant pas de devenir horticultrice à fonder les Jardins de Métis. À 54 ans, elle a dû être opérée pour l’appendicite, à la suite d’un diagnostic erroné. «Le médecin lui a dit qu’elle ne pourrait jamais plus faire de travail exigeant, ni d’équitation. Elle lui a demandé ce qu’elle pourrait alors bien faire. Il lui a répondu : «Occupez-vous des fleurs».» Son oncle Georges Stephen lui a fait don de la Villa Estevan (à Grand-Métis), propriété qu’elle visitait et où elle pratiquait la pêche. Il l’a plutôt offert à son mari, car il était à l’époque interdit de laisser un tel legs à une femme. Amateur d’art, ce dernier a photographié à plusieurs reprises les jardins de sa femme. À partir de ses lectures et de ses voyages en Angleterre, Elsie a parfait ses connaissances en horticulture et a importé des plants d’Europe. Elle a aussi demandé conseils aux colons des villages voisins, comme Sainte-Flavie. «Dans ce sol stérile, elle aura réussi à faire pousser diverses plantes, comme le pavot bleu», donne en exemple Mme Gill. À propos de ce travail de 40 ans, son arrière-petit-fils Alexander a dit que «le paradis d’Elsie s’est bien transformé en un éden public». Une phrase que l’auteure a trouvé si magnifique qu’elle termine son roman. Femmes d’exception Victoire Du Sault, Irma LeVasseur, Gaby Bernier et Elsie Reford... Un point commun relie ces femmes qui ont servi d’inspiration à Pauline Gill, au fil d’une vingtaine de romans. «Ce sont des femmes d’exception, qui sont allées au-delà des sentiers tracés. Leur engagement social et politique a laissé des traces chez nous. Elles se sont démenées, et en ont payé le prix.» L’ancienne enseignante d’histoire n’est jamais bien loin. «J’ai trouvé de grands trous dans les manuels d’histoire. C’est pourquoi je me suis mise à faire des recherches sur les femmes, depuis la Nouvelle-France. L’histoire n’en avait que pour les hommes, alors qu’il y avait parfois à côté ou même devant eux une femme, que l’on plaçait toujours derrière.»     La Cordonnière au cinéma L’histoire de la cordonnière Victoire Du Sault, parmi les héroïnes les plus aimées de l’œuvre de Pauline Gill, sera transposée au grand écran. C’est François Bouvier (La Bolduc, Paul à Québec) qui se trouve derrière la caméra, et Sylvain Guy au scénario (comme auteure, Pauline Gill conserve un droit de regard).   Pauline Gill au Salon du livre de Montréal Pauline Gill rencontrera ses lecteurs au Salon du livre de Montréal, du 21 au 24 novembre (voir l'horaire).