Registre des agents d’influence étrangers : débat à Brossard

Aucune date n’est fixée pour la création du registre. (Photo : Le Courrier du Sud – archives)
La Ville de Brossard demande au gouvernement fédéral de mettre en place le registre des agents d’influence étrangers «dans les plus brefs délais» avant les élections municipales de novembre. Dans sa résolution, elle fait allusion à l’enquête de la GRC sur de «présumés postes de police chinois», dont un à Brossard.
Le registre avait été annoncé dans la foulée de la Loi concernant la lutte contre l’ingérence étrangère, adoptée par le ministre de la Sécurité publique du Canada en juin 2024. Il n’a toujours pas été mis en place.
La résolution soutient que «les municipalités sont directement exposées aux risques d’ingérence étrangère sans disposer des outils nécessaires pour les identifier, ni les freiner».
Rappelons qu’en mars 2023, la GRC a déclenché une enquête sur le Centre Sino-Québec de la Rive-Sud, à Brossard, et le Service à la Famille Chinoise du Grand Montréal, qu’elle soupçonne d’être de «présumés postes de police chinois». Ces deux organismes ont à leur tête la conseillère municipale Xixi Li. Niant ces allégations, les organismes poursuivent la GRC.
La résolution présentée au conseil à la séance du 10 juin précise que ces présumés postes de police sont «soupçonnés de surveiller et d’intimider des membres de la diaspora chinoise».
L’existence d’un registre des agents d’influence étrangers obligerait «toute personne agissant au nom d’un État étranger à déclarer publiquement ses activités destinées à influencer un gouvernement, une administration publique ou un processus politique», affirme la résolution.
Inquiétudes
La résolution a été adoptée à la majorité, le conseiller municipal Claudio Benedetti votant contre et Mme Li s’abstenant de voter pour des motifs de «transparence et d’intégrité».
«On est vraiment en mode élections», a reproché Mme Li. Elle a commencé son intervention en affirmant son «opposition sans équivoque» à toute ingérence étrangère.
«La résolution fait allusion à des organismes communautaires à caractère ethnique dans lesquels j’occupe un rôle de direction, alors qu’aucune accusation n’a été portée contre eux et moi-même. Après deux ans d’enquête, nous avons utilisé les tribunaux pour défendre notre intégrité face à des allégations infondées […]. Je m’inquiète du fait qu’un conseil municipal s’immisce dans un conflit judiciaire en cours au risque d’interférer dans le processus et contribuer à la stigmatisation d’une communauté déjà visée de manière injuste.»
Elle a rappelé la récente décision du Directeur général des élections du Québec (DGEQ) de fermer deux dossiers la concernant et remontant aux élections de 2021.
«Si l’objectif est de rappeler d’appliquer la loi, j’en suis fort aise, mais de parler de diaspora chinoise, et voyant tout l’historique que nous avons, nous avons une poursuite entre nous, je suis très mal à l’aise, a commenté Claudio Benedetti. Faisons-nous de l’ingérence? Si une enquête est en cours, laissons-les travailler.»
Appliquer la loi
La conseillère Stéphanie Quintal s’est dite «contente de voir qu’on soit de la même opinion», soit contre l’ingérence étrangère.
Son homologue Daniel Lucier n’y voit pas une façon de s’immiscer dans un processus judiciaire, alors que le conseil «demande d’appliquer la loi».
«Il y a eu référence à plusieurs enjeux judiciaires. Moi je n’ai jamais amené personne en cour», a ajouté Mme Assaad.
Rappelons que Mme Li poursuit la mairesse pour diffamation.
En réponse au citoyen Pierre Théroux en début de séance, Mme Assaad a répondu qu’elle se «donne le devoir de dire et faire ce que je pense être bon pour notre communauté».
Concernant la fermeture du dossier de Mme Li au DGEQ, Mme Assaad a dit être en attente d’un retour de l’instance, car il reste des «questionnements» dans cette affaire.
« Infrastructure technologique de pointe »
Le ministère de la Sécurité publique explique que «plusieurs étapes sont nécessaires pour la mise en œuvre complète de la Loi» et qu’aucune date n’a été fixée pour son entrée en vigueur.
Les responsables travaillent «à la création d’une infrastructure technologique de pointe pour un registre de classe mondiale», affirme Max Watson, porte-parole.
Les équipes œuvrent aussi à l’élaboration de règlements et à la mise en place du Bureau du commissaire à la transparence en matière d’influence étrangère.
Il précise qu’une partie de la Loi sur la lutte contre l’ingérence étrangère introduit la Loi sur la transparence et la responsabilité en matière d’influence étrangère, laquelle vise à «accroître la transparence dans les affaires publiques afin de se défendre contre les influences étrangères malveillantes».
Questionnée sur le développement de son enquête concernant de «présumés postes de police chinois», la GRC soutient pour sa part ne pouvoir «fournir de commentaires tant que les enquêtes sur les actes criminels présumés sont en cours», ni mentionner si des accusations seront portées.
«La GRC continue d’enquêter activement à l’échelle nationale sur les signalements d’activités criminelles en rapport avec les présumés postes de police, signifie-t-elle. […] Notre intervention à travers le pays a permis de déstabiliser les activités d’ingérence ainsi que certains réseaux de présumés postes de police clandestins, perturbant leurs opérations et empêchant le renouvellement de leurs activités illégales.»