Actualités
Justice
Faits divers

Une résidente de Greenfield Park accusée de s’être fait passer pour une sage-femme

le vendredi 09 mars 2018
Modifié à 13 h 43 min le 09 mars 2018
Par Jonathan Tremblay

jtremblay@gravitemedia.com

Bébé mort-né

L’histoire d’un couple qui a perdu son fœtus après plus de 40 semaines de grossesse a mené l’Ordre des sages-femmes du Québec à poursuivre deux accompagnantes à la naissance, dont France Dufort, de l’arr. de Greenfield Park. Cette dernière aurait prodigué des gestes réservés aux sages-femmes, bien qu’elle ne soit pas membre de l’Ordre, qui l’accuse également de s’être fait passer pour l’une d’entre-elles. Sa collègue et assistante Irina Constantinescu est aussi accusée d’avoir utilisé le titre de sage-femme. Elle aurait assisté à une des six rencontres entre Mme Dufort et le couple. Leur procès a eu lieu les 5, 6 et 7 mars, au palais de justice de Longueuil.   Les faits reprochés aux deux femmes remontent à l’automne 2015. Un couple de Saint-Jean-sur-Richelieu, dont la femme est d’origine dominicaine, a utilisé les services des deux accusées comme alternative aux suivis de grossesse offerts par le système de santé québécois en centre hospitalier, le tout au coût de 2000$. Comme la jeune femme était en attente de son statut de résidente permanente du Canada, aucune couverture des frais d’accouchement par la Régie de l’assurance maladie du Québec n’était envisageable. Les parents devaient débourser 10 000$ pour poursuivre leur cheminement à l’hôpital. Ils ont donc opté pour un accouchement à la maison. Selon ce qu’elle a affirmé lors de son témoignage, entre la 35e et la 41e semaine de gestation, France Dufort a entre autres effectué un examen vaginal de la mère, l’écoute du cœur du fœtus, des prises de tension artérielle ainsi que des palpations du ventre de la mère. Puis, le 17 octobre 2015, inquiète de ne plus entendre le cœur du bébé, l’accompagnante à la naissance a conseillé à la mère de se rendre à l’Hôpital du Haut-Richelieu, où elle a donné naissance à un bambin mort-né. C’est visiblement ébranlée et en larmes que l’accusée a raconté au juge sa version des événements. Plainte à l’Ordre des sages-femmes Bien que rien ne porte à croire que les actes des deux accompagnantes auraient un lien avec la mort du fœtus, le Dr Gérard Landry, qui a procédé à l’accouchement, ainsi que le couple ont porté plainte à l’Ordre des sages-femmes du Québec. Ils accusent France Dufort et Irana Constantinescu de s’être présentées comme sages-femmes et non comme accompagnantes à la naissance, une distinction bien importante au Québec. Les deux femmes ont toutefois nié cette accusation devant le tribunal, plaidant le malentendu. «Les gens nous appellent souvent les sages-femmes même si on leur dit qu’il y a une différence avec l’accompagnante, a déclaré France Dufort. On ne peut pas contrôler tout ce qu’ils disent. On doit souvent répéter de ne pas utiliser ce terme à l’hôpital, pour ne pas avoir de problèmes.» En plus du suivi médical, les accompagnantes à la naissance offrent un soutien psychosocial aux familles qui le désirent et développent un lien d’intimité avec elles, ce que les accusées disent avoir tenté auprès du jeune couple. Mme Dufort détient un diplôme de «midwife» aux États-Unis. Elle n’est cependant pas reconnue comme une sage-femme, l’équivalent québécois qui requiert un baccalauréat de quatre années d’études. Elle dit agir à titre d’accompagnante à la naissance depuis 1998. Un jugement écrit C’est dans une salle d’audience comble qu’a eu lieu le procès de trois jours. Les plaidoiries des avocats Me Maxwell Silverman (défense) et Me Anthony Battah (poursuivant) seront envoyées par écrit au juge Dominique Dudemaine d’ici le 30 avril. Ce dernier rendra par la suite son jugement par écrit. Si les deux femmes sont trouvées coupables, elles pourraient écoper d’amendes allant de 1500 à 20 000$. « L’accouchement réservé aux femmes » En appui aux accompagnantes et à la mère, un groupe de femmes vêtues de jaune a manifesté le 6 mars au matin devant le palais de justice de Longueuil. Pour la plupart, il s’agissait de femmes pratiquant l’accompagnement à la naissance. [caption id="attachment_47204" align="alignright" width="272"] Une des pancartes du groupe de militantes.[/caption] «L’accouchement, réservé aux femmes», les entendait-on scander. L’une d’elles est formelle: n’importe laquelle d’entre elles aurait pu se retrouver devant le tribunal dans une pareille situation, car elles pratiquent des méthodes semblables. La porte-parole du groupe et coordonnatrice de l’organisme Naissance-Renaissance Nicole Pino s’est confiée sur le message que porte le groupe en soutien à la mère. «On croit que toutes les femmes devraient avoir accès aux soins dont elles ont besoin, peu importe leur statut, explique Nicole Pino. Les services devraient être accessibles à tout le monde, et on ne devrait pas demander des frais de 10 000$. Le système a des failles, mais pouvons-nous se servir des ressources disponibles?» «L’accouchement n’est pas un acte réservé, poursuit-elle. Les femmes doivent pouvoir choisir où et comment elles veulent accoucher. Il faut leur laisser le choix de déterminer qui les accompagne. Présentement, les choix qu’on a ne répondent pas à nos besoins.» Le rôle de la sage-femme La sage-femme est une professionnelle de la santé formée pour être entièrement responsable des soins et des services durant la grossesse, l’accouchement et la période postnatale pour la mère et le nouveau-né, et ce, jusqu’à six semaines après la naissance. (Source: Ordre des sages-femmes du Québec)