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Saint-Lambert, une ville riche qui manque de moyens

le mercredi 29 avril 2015
Modifié à 0 h 00 min le 29 avril 2015

Le Lambertois William Vaillant décrit sa ville comme une «special little city», une petite ville incomparable, avec une situation extraordinaire, près du fleuve et à quelques minutes de Montréal, avec un centre-ville typique et aucune industrie. Si ce portrait charme les quelque 22 000 habitants de Saint-Lambert, il pose toutefois un véritable défi pour les finances de la municipalité.

Oui, Saint-Lambert est une Ville riche, où le revenu moyen par habitant se chiffre à 62 051$ et la valeur moyenne des résidences à 399 280$, mais elle manque de moyens, parce qu’elle a peu de terrains vacants pour développer et n’accueille presque aucune industrie sur son territoire.

Ainsi, tous les mois, les résidents sont nombreux à venir dénoncer les hausses de taxes et la baisse de certains services aux séances du conseil municipal.

Selon les chiffres compilés par TC Media, le taux global de taxation uniformisé (TGTU), qui permet de quantifier l’effort fiscal des contribuables, se chiffre à 1,07 pour Saint-Lambert, soit loin devant les taux de Longueuil (0,95), Brossard (0,83), Saint-Bruno-de-Montarville (0,84) et Boucherville (0,81), autres villes qui forment l’agglomération de Longueuil.

Ce taux théorique est obtenu en divisant l’ensemble des revenus de taxes de la municipalité par la valeur totale des immeubles imposables. Cette donnée n’est pas exacte, parce qu’elle tient compte des commerces et des industries, mais elle se rapproche de très près de la réalité.

L’art du compromis

«Il y a beaucoup de groupes d’intérêts divers, explique William Vaillant, qui analyse avec rigueur les finances de la municipalité. Il est parfois difficile de faire des compromis entre ces groupes. Pensons à l’aréna Eric-Sharp, qui sera utilisé par seulement 5% de la population. A-t-on vraiment besoin d’un palace?»

Pourtant, le maire Alain Dépatie est convaincu que les citoyens seront satisfaits du nouvel aréna. «Les Lambertois sont exigeants et certains ne veulent pas payer pour des services qu’ils utilisent moins. Mais ils verront que nous avons réussi à conserver le patrimoine architectural de l’aréna sans construire une Cadillac!»

M. Vaillant estime que ses taxes municipales ont presque doublé depuis les fusions, puis les défusions municipales, au tournant des années 2000, un calcul que confirme Alain Dépatie.

Le maire, tout comme M. Vaillant, estime que les Lambertois payent trop cher pour les services offerts par l’Agglomération de Longueuil (voir autre texte). Il affirme aussi que l’entretien déficient des infrastructures au cours des années 90 a nécessité des investissements plus importants au cours des dernières années.

Difficile pour les retraités

Édith Lemieux réside à Saint-Lambert depuis 40 ans et est une autre habituée des séances du conseil municipal. Elle croit que les Lambertois payent cher pour des services qui ne sont plus à la hauteur de ce qu’ils étaient.

«Le déneigement est moins efficace et il n’y a pas de distribution d’arbres cette année. Et il y a eu une levée de bouclier quand les conseillers municipaux ont voulu réduire la fréquence des collectes des ordures en hiver.»

Sa voisine, une infirmière retraitée, est même venue chez elle en pleurs, incapable de continuer à payer les taxes de sa maison, achetée il y a des nombreuses années.

«Je suis moi-même retraitée de l’enseignement. J’adore ma ville, mais mes revenus n’augmentent pas au rythme des factures.»

Déséquilibre de la capacité de payer

Dans l’étude Fiscalité municipale, peut-on faire mieux?, le chercheur de l’Institut de recherche et d’information socio-économiques (IRIS) Louis Gaudreau explique que la fiscalité municipale basée sur la valeur foncière pénalise les résidents qui habitent leur maison durant de nombreuses années.

«Le marché immobilier est conçu pour la vente et la revente, pas pour garder la même maison très longtemps, explique le chercheur. Les taxes municipales représentent alors une part de plus en plus importante des revenus, même si l’hypothèque est payée depuis longtemps.»

Le chercheur fait le même constat pour l’ensemble de municipalités: il y une déconnexion entre la capacité de payer des citoyens et le mode de taxation puisque les revenus des Villes sont basés sur la vigueur d’un marché immobilier cyclique et volatile.

«Ce système fait en sorte que les Villes dépendent des revenus de la taxe foncière, indique M. Gaudreau. Elles sont donc portées, même si c’est difficile à avouer, à construire toujours plus haut, toujours plus gros et toujours plus de condos, qui rapportent davantage.»

À Saint-Lambert, plus de 80% des revenus, soit 41 M$ sur les 50 M$ du budget global, proviennent de la taxe foncière.

En 2012, pour l’ensemble des villes et MRC du Québec, le ministère des Affaires municipales estimait cette proportion à 56%.

Le maire de Saint-Lambert a bon espoir que l’Union des municipalités du Québec et le gouvernement sauront trouver de nouvelles sources de revenus pour les Villes au cours des négociations sur le nouveau pacte fiscal. En attendant, la municipalité continue de faire du développement immobilier densifié, comme le prévoit la Communauté métropolitaine de Montréal.

Avec la collaboration d'Ugo Giguère.  

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