Culture
Santé

Santé mentale: des voix oubliées chantent pour briser leur isolement

le jeudi 20 août 2020
Modifié à 17 h 16 min le 17 août 2020
Par Geneviève Michaud

gmichaud@gravitemedia.com

Le 10 août, la chorale Ces voix oubliées clôturait son année 2019-2020 en présentant un spectacle «en plein air» aux résidents du CHSLD Champlain, à Brossard. Une expérience spéciale en ces temps de COVID-19 pour l’ensemble vocal s’adressant aux personnes ayant un trouble de santé mentale, qui célèbre ses 15 ans cette année. En temps normal, Ces voix oubliées présente un spectacle de fin d’année en salle, de même que six petits concerts en CHSLD. «Cette année, avec la pandémie, il a fallu se revirer sur un dix cennes, explique le chef de chorale, auteur, compositeur et instigateur du projet Serge-Vincent Raymond. On a organisé une rencontre par semaine sur Zoom, mais certains participants ont vécu ça difficilement.» L’activité visant d’abord et avant tout à briser l’isolement des personnes atteintes d’un trouble de santé mentale, de devoir se rencontrer «à distance» en a ainsi perturbé plus d’un. «Et sans spectacle de fin d’année, c’était comme si le projet n’avait pas de finalité, poursuit M. Raymond. On a donc fait toutes sortes de pirouettes pour trouver des façons de continuer.» Un album à distance Un «kit de survie» incluant entre autres un iPod et des écouteurs a été distribué aux membres qui le souhaitaient. Ainsi équipés, la chorale a pu enregistrer un album par Zoom. «J’ai ensuite fait toute l’édition en studio, explique Serge-Vincent Raymond. Et l’album, qu’on vend normalement lors du spectacle, ne sera cette année que pour les participants.» L’équipe a ensuite vu à l’organisation d’un spectacle de fin d’année «plus intime». Le CHSLD Champlain étant le seul ayant de l’espace pour accueillir le groupe à l’extérieur, trois représentations de 30 minutes ont ainsi été présentées à une douzaine de résidents à la fois, dans l’après-midi du 10 août, par 5 des 7 membres de la chorale qui pouvaient être présents. Au-delà du chant S’adressant aux personnes atteintes d’un trouble de santé mentale, Ces voix oubliées est plus qu’une activité de chant. «C’est une activité de rétablissement, qui prouve aux participants qu’ils sont encore capables de faire quelque chose, qui leur donne une routine et des responsabilités et qui réveille leur estime et leur confiance», explique le chef de chorale.

«On s’adresse à la personne qui veut s’en sortir. Je dis souvent que la personne construit son bateau et que Ces voix oubliées, c’est le vent qui va le transporter.»

– Serge-Vincent Raymond

Au fil de ses 15 années d’existence, la chorale a pu être témoin de nombreuses victoires. «Certains de nos participants sont retournés sur le marché du travail à temps plein après avoir passé 10 ans sur l’aide sociale. D’autres sont retournés aux études. Chaque année, on a au moins deux ou trois participants qui vivent des changements radicaux comme ça», se réjouit M. Raymond. Reprendre goût à la vie «J’ai repris beaucoup de confiance grâce à la chorale, confie Joanie Bouffard au Courrier du Sud. Je connais la musique depuis que je suis toute petite, mais ça faisait longtemps que j’avais chanté en public.» L’activité a permis à la maman de deux fillettes de 8 et 9 ans de sortir de la maison et «d’avoir un horaire». «Avec la maladie, je ne sortais presque plus. Mais quand je me suis inscrite à Ces voix oubliées, je me suis dit que je devais embarquer. Parfois, ça ne me tentait pas d’aller aux pratiques, mais je me forçais et à la fin de la pratique, j’étais heureuse et je me sentais mieux.» Patrick, un autre participant, ne sortait pas beaucoup de chez lui non plus avant de s’inscrire à Ces voix oubliées. «Avant, j’avais peur de tout et je ne sortais pas, explique celui qui a déjà chanté dans des bars. Le groupe m’a redonné confiance et m’a fait sortir de chez moi. Je suis content; je voulais aller jusqu’au bout, j’ai tenu bon et je l’ai fait.» «Les chansons de Serge-Vincent sont belles et les textes sont beaux, ajoute-t-il. Tout le monde se reconnaît dans quelque chose là-dedans. Et je pense qu’un CHSLD était la meilleure place pour présenter notre spectacle.»