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Séparée de son mari cubain, elle dénonce la procédure du gouvernement fédéral

le lundi 26 octobre 2020
Modifié à 15 h 35 min le 26 octobre 2020
Par Katherine Harvey-Pinard

kharvey-pinard@gravitemedia.com

Bilanka Kinaszczuk n’a pas vu son mari, qui est d’origine cubaine, depuis neuf mois. Bien qu’elle puisse finalement le rejoindre en novembre vu la récente ouverture des frontières cubaines, elle tient à dénoncer la façon dont Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) traite les demandes de parrainage et celles de visa de résidence temporaire. Bilanka Kinaszczuk a rencontré son mari Eduardo Moreno Cabrera lors d’un voyage à Cuba, en 2018. Ç’a été le coup de foudre. En juillet 2019, il lui demandait sa main. «L’amour, ça vient quand on ne le cherche pas. C’est l’amour de ma vie», dit-elle. Jusqu’à ce qu’éclate la pandémie de COVID-19, la résidente de l’arr. de Greenfield Park se rendait à Cuba tous les deux ou trois mois afin de passer quelques semaines avec son époux. C’est en janvier dernier que le couple a amorcé le processus de demande de parrainage, dans l’ultime objectif que M. Cabrera puisse un jour déménager au Canada. «On veut bâtir notre vie ici, mais on veut aussi retourner à Cuba chaque mois pour passer du temps avec sa famille», explique Mme Kinaszczuk. En 10 mois, il n’y a eu aucun avancement dans le dossier, et elle croit bien qu’il n’y en aura pas avant au moins une autre année. En temps normal, les délais de traitement sont de 12 mois, mais en raison de la COVID-19, l’IRCC prévient sur son site Web qu’il «ne peut pas traiter les demandes normalement» ni «fournir des délais de traitement exacts». Le Cubain a donc effectué une demande de résidence temporaire (VRT) afin qu’«il voit comment c’est ici, qu’il vive avec moi un peu même si c’est pour du court terme et qu’il fasse le test médical nécessaire à la demande de parrainage», mentionne la Longueuilloise. Demande refusée Le hic, c’est que l’IRCC a refusé cette demande de VRT – après quatre mois de délai –, invoquant le critère 179b du règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés: l’IRCC met en doute qu’Eduardo Moreno «quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée qui lui est applicable». En contact avec de nombreuses familles ayant fait des demandes de VRT, Bilanka Kinaszczuk, remet en doute cette justification. «C’est un copier-coller pour chaque personne qui vient d’un pays en développement», affirme-t-elle. Selon les informations qu’elle a obtenues, les preuves de relation entre elle et son mari étaient insuffisantes. «Je travaille avec une consultante en immigration. Elle a tellement fait de demandes, elle fait ça comme il faut. Elle ne pouvait pas croire que c’était refusé», soutient-elle. Le couple a donc fait une autre demande de visa de résidence temporaire, en prenant soin d’ajouter de nombreuses preuves de relation. Il est toujours en attente de la réponse à ce jour. Traités «comme s’ils étaient des touristes» Bilanka Kinaszczuk déplore que l’IRCC «utilise le paragraphe 179b pour les époux comme s’ils étaient des touristes. Mais ils sont tous en processus de demande de parrainage. Pourquoi quelqu’un qui est dans le processus viendrait ici et ne suivrait pas les règlements?» questionne-t-elle. Selon elle, les gens ainsi séparés de leur époux vivent des traumatismes psychologiques et des dépressions. «La famille est supposée être une priorité du Canada. C’est ce que le IRCC dit. Mais nous, on le voit autrement. Il ne nous met pas en priorité», déplore-t-elle. Si tout se passe bien et que les frontières cubaines restent ouvertes, Bilanka Kinaszczuk pourra finalement voir son mari au début de novembre. Un soulagement, même si le stress de savoir quand son mari pourra venir au Canada perdure. «L’idéal serait qu’il ait son VRT et que le paragraphe 179b soit aboli.» Le groupe Canadian Spousal Sponsorship Applicants Affected by COVID-19 a manifesté, le 19 septembre, pour dénoncer les délais de traitements des demandes de parrainage familial et pour revendiquer la mise en place de solutions pour la réunification des familles. Bilanka Kinaszczuk y a notamment fait un discours. Le traitement des demandes accéléré Le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Marco E. L. Mendicino a annoncé, le 24 septembre, de nouvelles mesures visant à accélérer le traitement des demandes de parrainage d’un conjoint et à «aider à réunir les familles au Canada», écrit l’IRCC dans un communiqué. Le nombre de décideurs examinant les demandes de parrainage sera augmenté de 66%. L’IRCC met à l’essai une nouvelle technologie visant à numériser les demandes sur support papier afin «qu’elles soient traitées plus efficacement par les employés en télétravail et à certains lieux de travail», ajoute-t-on. Par ailleurs, une technologie permettant de mener des entrevues virtuelles avec les demandeurs sera mise à l’essai. L’IRCC cherche à examiner environ 6 000 demandes de parrainage chaque mois, d’octobre à décembre. «En plus du traitement actuel, à ce rythme, environ 49 000 décisions seront prises d’ici la fin de l’année», indique-t-on. De son côté, Bilanka Kinaszczuk «apprécie qu’ils mettent des efforts pour revenir à la normale, mais le nombre de demandes qu’ils ont prévu traiter est le même qu’avant la COVID, alors qu’il y avait déjà beaucoup de dossiers qui atteignaient les 12, 18, 36 mois…» signale-t-elle. «Équitable et non discriminatoire», dit l’IRCC Contacté par Le Courrier du Sud, l’IRCC assure que «les décisions qui sont prises dans de tels dossiers ne le sont jamais à la légère, et seulement après une étude approfondie du dossier». L’organisation gouvernementale affirme également que « le gouvernement du Canada est déterminé à appliquer les procédures d’immigration de manière équitable et non discriminatoire». «Les demandes de visa sont étudiées au cas par cas, à la lumière des renseignements fournis par le demandeur», ajoute-t-on. Cela dit, l’IRCC se dit sensible à la situation des gens qui voient leur demande pour venir au Canada être refusée. «Cependant, tous les demandeurs se voient accorder l’occasion de présenter leur cas en fournissant des preuves documentaires et toute autre information pertinente pour étayer leur demande. Une décision n’est prise qu’après que tous les facteurs ont été pris en compte. À moins que l’agent ne soit convaincu que le demandeur est un véritable visiteur, aucun VRT ne peut être délivré», précise-t-on. Lors de l’analyse des dossiers, les agents se penchent sur les liens du demandeur avec son pays d’origine, l’objet de sa visite, sa situation familiale et économique et la stabilité économique et politique globale de son pays d’origine pour déterminer s’il est un résident temporaire «légitime».