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Tricoter pour son prochain

le mardi 29 janvier 2019
Modifié à 6 h 05 min le 29 janvier 2019
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Dans un cliquetis régulier, les aiguilles font leur chemin sans peine entre les mains expertes des Tricoteuses de bas. Depuis 20 ans, ce regroupement de l’arr. de Saint-Hubert réchauffe les pieds – et les cœurs – de personnes défavorisées. Une quarantaine d’organismes de la Rive-Sud et de Montréal reçoivent une part de leur chaleureuse livraison annuelle. Après avoir expédié les quelque 3800 tricots de l’année en novembre, les tricoteuses reprennent du service en janvier, aiguilles et pelotes de laine en main. Le temps des fêtes aura donné une pause au régulier rendez-vous du lundi au centre culturel Immaculée-Conception. «Ces femmes sont tellement généreuses!» s’émeut Elena Starnino, à l’origine de cette bonne action. En ce moment, elles sont un peu moins d’une soixantaine, incluant une trentaine de «régulières». «Mais on a déjà été le double. On a déjà fait plus de 4800 tricots par an!» précise l’octogénaire, non sans fierté. Elena Starnino est d’avis que cette activité est tout aussi bénéfique pour les tricoteuses que pour ceux qui reçoivent le fruit de leur travail. Car il s’agit aussi d’une occasion de socialiser. «Des femmes qui perdaient leur mari ne savaient plus trop quoi faire de leur corps, alors elles se joignaient à nous. Au début, c’était juste une distraction, mais au fil du temps, elles ont appris l’utilité des bas dans les pieds [pour les personnes défavorisées]!» Aider près de chez soi La mère d’Elena Starnino a toujours adoré tricoté, mais l’Alzheimer l’a empêchée de savourer son passe-temps durant les dernières années de sa vie. Après le décès de sa maman, Mme Starnino s’est demandée ce qu’elle pourrait bien faire avec toute la laine qui lui restait. «Il y avait une grosse valise en tôle rouge dans la chambre à fournaise. J’ouvrais ça, je jouais avec la laine... On aurait dit que maman était là», se remémore-t-elle. Mme Starnino voulait que cette laine, qu’elle se refusait à jeter même si elle ne suscitait pas la convoitise de la famille, serve à quelque chose. Elle a découvert un organisme américain qui offrait des tricots aux enfants victimes de sinistres. Elle y a vu une occasion de faire œuvre utile et lui a acheminé un premier chandail par la poste. «Je me disais que maman serait contente, puisque ça irait à des enfants.» À cette époque, Mme Starnino œuvrait aussi auprès de la paroisse Immaculée-Conception. Lorsque le curé nouvellement arrivé a appris l’existence des précédentes collectes de fonds pour Développement et Paix, il a avoué qu’«il n’était pas chaud à l’idée d’envoyer de l’argent à l’extérieur». «"Il ne faut pas oublier nos personnes dans le besoin", qu’il m’a dit. J’étais toujours allée à l’école avec les religieuses, qui nous enseignaient que l’argent qu’elles amassaient nourrissaient des enfants en Afrique ou des petits Chinois! Je suis tellement restée bête! Je me suis dit, c’est bien beau tout ça, mais je les prends où, les pauvres?» raconte-t-elle avec vivacité. C’est à ce moment que Mme Starnino a fait le lien entre ses surplus de laine et cette volonté de donner un coup de pouce à des gens près d’elle. Après avoir réuni trois amies, elle a contacté des organismes afin de voir comment elles pouvaient aider. Elle a d’abord pensé à la Mission Bon Accueil. «Je leur ai dit: on est quatre femmes, on a de la laine et pas d’argent. De quoi avez-vous besoin?» Des bas, a été la réponse. «Mais je ne me souvenais plus comment faire mes talons... et ma mère n’était plus là pour me montrer!» Mme Starnino a appris et a tricoté des bas, beaucoup de bas, consciente à quel point ce petit geste peut faire la différence.
«Pour la tête, il y a toujours un capuchon. Les mains, tu peux toujours les mettre dans tes poches. Mais pas de bas, ici, en hiver, ça ne tient pas debout!» - Elena Starnino
Vingt ans plus tard, elle tricote toujours, et elle est loin d’être seule. C’est essentiellement grâce au bouche à oreille que des dizaines de tricoteuses ont emboîté le pas à cette initiative de la Longueuilloise. Des tricoteuses de la Rive-Sud, mais aussi de Trois-Rivières ou encore de Sherbrooke. L’œuvre des Tricoteuses de bas n’est pas liée à la paroisse, mais elles tiennent chaque année une exposition dans les locaux de la paroisse de Saint-Hubert. «Aider à mon tour» Elena Starnino se dit bien placée pour savoir qu’un tel geste est précieux. Son père, un immigrant italien, a vécu la «misère épouvantable» dans son pays d’origine avant de s’installer au Québec. «Quand mes parents se sont mariés ici, ils avaient des difficultés financières. Je sais ce que c’est que d’avoir de la misère. Et on a reçu l’aide de la Société Saint-Vincent-de-Paul. Même si c’est de seconde main, c’est tellement apprécié, se souvient-elle. C’est rien que normal d’aider à mon tour. Et heureusement, beaucoup de gens pensent comme moi.» Ceux et celles qui souhaitent tricoter ou qui désirent donner de la laine peuvent contacter Elena Starnino au 450 465-6314.