Justice
Faits divers

Un policier lui tire dessus pour un «stop américain»

le vendredi 22 avril 2016
Modifié à 0 h 00 min le 22 avril 2016

Un policier de Longueuil est dans de beaux draps après avoir tiré sur une conductrice qui a failli le renverser alors qu'elle circulait sur l'avenue Hémard, dans l'arr. de Saint-Hubert.

Selon ce qui a pu être déterminé lors d’un procès tenu du 11 au 15 avril au palais de justice de Longueuil, l'agent Marc-Olivier Perron se rendait dans une résidence de la rue Paré, accompagné de trois autres collègues, le 28 octobre 2011, afin d'exécuter un mandat d'arrestation.

Alors que les agents traversaient l'avenue Hémard, ils ont aperçu un véhicule qui se dirigeait vers eux à grande vitesse. Selon le témoignage des policiers, la conductrice, Jacqueline Boivin, aurait seulement ralenti à l'approche de l'intersection avant de repartir.

L'agent Perron aurait eu à peine le temps d'éviter la voiture, qui est passée à moins d'un mètre de lui. Malgré le court temps de réaction – un peu plus d'une seconde, si on se fie au rapport d'expert déposé à la cour –, l'agent aurait décidé de dégainer son arme et de faire feu sur le véhicule.

«J'avais clairement une menace devant moi. Dans ma tête, il fallait que j'arrête le véhicule. J'ai pris la décision de faire feu sur la conductrice», a-t-il témoigné devant la cour le 13 avril.

Pourtant, Perron ne faisait plus face au véhicule lorsqu'il a tiré. Il se trouvait à sa gauche et la voiture était déjà en train de dépasser le groupe de policiers.

Les quatre agents, armes à la main, auraient ensuite hurlé pour que le véhicule s'arrête.

Perron s'est ensuite assuré que la conductrice n'était pas blessée avant de lui dire qu'elle était «la femme la plus chanceuse du monde».

Selon Jacqueline Boivin, les policiers lui auraient alors confisqué son véhicule, affirmant qu'elle avait commis un crime en fonçant sur les policiers. Elle n'a toutefois jamais fait l'objet d'une accusation criminelle. C'est plutôt l'agent Perron qui a été cité à procès pour usage négligent de son arme de service.

Un conducteur mort peut-il arrêter?

La procureure de la Couronne, Me Marie-Claude Morin, n'a pas remis en question la version des faits des policiers, même si Jacqueline Boivin affirme avoir fait un arrêt complet. En contre-interrogeant l'agent Perron, l'avocate a plutôt souligné qu'un conducteur mort ou autrement incommodé n'a plus le contrôle de son véhicule.

«Lorsque vous avez fait feu, saviez-vous qu'il y avait une école à proximité? Saviez-vous qu'il y avait également un parc et un centre communautaire? Saviez-vous que vous vous trouviez dans un secteur résidentiel?», a-t-elle demandé à l'accusé, qui a répondu par l'affirmative.

L'avocat de Perron, Me Pierre Dupras, a quant à lui plaidé la légitime défense.

«Mon client croyait que la conductrice avait l'intention de lui foncer dessus. Et même si ce n'était pas le cas, je soumets qu'il avait perçu une menace qui justifiait l'usage de la force», a-t-il dit à la juge Anouk Desaulniers.

«Donc, n'importe quelle personne qui voit quelqu'un faire un stop américain devant elle pourrait sortir une arme et tirer sur le conducteur?», a répondu la juge.

Selon la Couronne, la réponse raisonnable face à une telle menace est de simplement s'enlever de la trajectoire du véhicule.

«Si on veut savoir ce qu'une personne raisonnable aurait fait en pareille circonstance, on n'a qu'à regarder le comportement des trois autres agents. Ils ont dégainé leur arme seulement lorsqu'ils ont entendu le coup de feu de l'agent Perron», a souligné Me Morin.

Marc-Olivier Perron n'a pas d'antécédents criminels et n'a été l'objet d'aucune sanction de la part du Comité de déontologie policière.

Selon nos informations, l’agent ferait cependant face à d'autres ennuis, ayant été rencontré par la division des normes professionnelles du Service de police de l'Agglomération de Longueuil (SPAL) le 7 avril.

Le procès de Perron a pris fin le 15 avril. La juge Desaulniers doit remettre sa décision le 23 août.

Avec la collaboration de Jos Morabito.