Culture

VIDÉO - Exposition : « Quand les artistes osent, les gens osent aussi s’exprimer »

le mercredi 12 octobre 2022
Modifié à 8 h 55 min le 26 octobre 2022
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Les œuvres de Li Alin ont fait beaucoup réagir. (Photo: Gracieuseté – Cécile Martin)

Avec le thème «J’habite, les territoires», les 12 artistes réunis pour l’exposition Manifestation JE/US, à la Maison de la culture de Longueuil donnent autant de pistes de questionnements, réflexions et expressions sur ce vaste concept s’immisçant tant dans l’individuel que le collectif.

«Mais qu’est-ce que veut dire exactement territoire? La vraie définition de territoire n’est pas liée au gouvernement. Ce sont nous, les occupants, qui définissons les territoires», souligne Cécile Martin, commissaire de l’exposition et directrice générale d’Agrégat, le centre d’artistes à l’origine de l’événement.

La moitié des artistes exposants sont de Longueuil.

Territoire(s)

Ainsi, chacune à leur manière, les œuvres de différents médiums abordent cette question ou l’une de ses multiples ramifications.

Artiste autochtone, Mélanie O’Bomsawin rend hommage aux savoirs de ses deux grands-pères, l’un abénaquis, l’autre québécois, et leur relation au territoire.

«Les territoires sont racontés par leur usage : comment on traverse un cours d’eau, à quoi sert le boisé», illustre Mme Martin. 

Elle emploie un enregistrement audio, mais aussi la disposition de deux pierres, qui symbolisent ses grands-pères.

Esther Calixte-Béa, artiste longueuilloise, s’intéresse à la pilosité des femmes. Ses peintures mettent en scène des femmes de la Côte d’Ivoire (pays dont elle est originaire) et dont la pilosité est forte. 

«Elle remet en question les normes qui définissent les codes en société.  C’est un élément important quand on parle de territoire, dit Mme Martin. On a des valeurs que l’on pense universelles, mais elles sont culturelles.»

L’exposition montre également un échantillon d’un projet de la photographe Chloé Beaulac qui, depuis 2014, pige dans les 10 000 photographies d’un globe-trotter rencontré dans la rue.

Les petits ont aussi été curieux devant les photographies de Chloé Beaulac. (Photo: Gracieuseté – Cécile Martin)

Elle y gratte et brûle les personnes qui y apparaissent, pour créer des personnages universels. Ces petits bonhommes «habités par une flamme» pourraient être n’importe qui, pourraient être cette personne qui regarde l’œuvre.

Culture effacée

L’installation de Khadija Baker prend plus de la moitié de l’une des grandes salles de l’exposition : des boules déposées sur de petits nids de sable, toutes liées par des fils qui, hissés au plafond, forment une immense toile. 

L’artiste d’origine kurde et syrienne qui a vécu dans des camps de réfugiés y rend hommage à sa culture de ses grands-parents. 

«Le gouvernement syrien a enlevé tous droits aux Kurdes. Les noms de village kurdes ont été remplacés par des noms arabes, explique Mme Martin. Les anciens détiennent un savoir sur le territoire, mais ne peuvent le transmettre, ne connaissant pas les nouveaux noms de lieux connus des jeunes. Une culture s’efface.»

L’installation de Khadija Baker (Photo: Gracieuseté – Cécile Martin)

L’expérience

Au-delà d’un quelconque message à livrer, les artistes cherchent d’abord et avant tout à «faire vivre une expérience», avance Cécile Martin.

«Quand les artistes osent, les gens osent aussi s’exprimer. J’ai vu des personnes complètement chavirées devant cette œuvre», dit-elle, devant le travail de Li Alin, deux immenses toiles blanches sur lesquelles l’artiste a, dans des gestes libres, laissé place à une forme d’écriture automatique alliant grands traits et paroles.


«En écoutant les gens, les artistes apprennent sur leur propre création.»
-Cécile Martin, directrice générale d’Agrégat

 

Elle témoigne aussi de réactions fortes devant l’œuvre de Myriam Tousignant qui, au moyen de collages et de poésie, aborde le deuil périnatal. «Une femme, qui a vécu ce traumatisme, a dit qu’elle voyait là les mots qu’elle a elle-même eus en elle, sans pouvoir les dire», relate-t-elle.

 

 

La commissaire constate que l’exposition réussit à attirer tant les familles que les adolescents, les immigrants que les aînés. «Aux Journées de la culture, des jeunes sont restés pendant 1h30!» s’exclame-t-elle.

Un succès qui, selon elle, témoigne de l’importance de doter les artistes de Longueuil d’un lieu permanent d’exposition et de création; un combat que mène Agrégat.

L’exposition se poursuit jusqu’au 30 octobre. 

Rens.: Manifestation JE/US

 

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